Cour d’appel de Colmar, le 11 septembre 2025, n°23/03899

Par un arrêt de la Cour d’appel de Colmar, chambre sociale, du 11 septembre 2025, la juridiction statue sur l’opposition à une contrainte de recouvrement de cotisations sociales. Un praticien indépendant, gérant d’une société de moyens et immatriculé entre 1992 et 2017, s’est vu notifier le 6 septembre 2018 une contrainte d’un montant de 60.013 euros. Celle-ci visait des périodes de 2016 non continues et l’intégralité de l’année 2017, tandis qu’aucune déclaration de revenus n’avait été effectuée pour ces exercices.

L’intéressé a formé opposition le 28 septembre 2018, avant qu’un jugement du 14 janvier 2022 n’attribue la compétence au tribunal judiciaire de Strasbourg, pôle social. Par jugement du 9 octobre 2023, cette juridiction a validé la contrainte tout en la rectifiant à 36.626 euros, puis l’appel a été interjeté dans le délai. Devant la cour, le cotisant invoquait la nullité de la signification au regard de l’article 648, l’absence de qualité de l’organisme, ainsi qu’une erreur de calcul. L’organisme de recouvrement sollicitait la confirmation du jugement, le paiement de la créance ramenée à 36.626 euros et l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700. La question centrale portait sur les conditions de validité de la contrainte sociale, la qualité à agir de l’organisme et la sanction des irrégularités de signification. L’arrêt appelle d’abord l’étude des fondements et du contrôle de la contrainte, puis l’appréciation de la valeur et de la portée de la solution.

I. Fondements et contrôle de la contrainte de recouvrement

A. Qualité à agir et circonscription de l’organisme

La cour rappelle le statut des unions de recouvrement au regard de l’article L213-1 du code de la sécurité sociale et de l’organisation statutaire de la sécurité sociale. Elle souligne que « Il s’ensuit que les [12] sont des personnes morales de droit privé investies d’une mission de service public ». Pour la compétence territoriale de l’organisme, la motivation se fonde sur le texte réglementaire applicable, en des termes constants et précis. Il est ainsi rappelé que « la circonscription territoriale d’une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales est départementale ou régionale et qu’elle est fixée, ainsi que le siège de l’union, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ». En conséquence, le domicile situé dans le ressort durant les périodes réclamées suffisait à établir la qualité à agir de l’organisme pour l’exercice de sa mission.

B. Motivation de la contrainte et articulation avec les mises en demeure

La décision précise le niveau d’exigence attaché à la motivation des actes de recouvrement, en s’appuyant sur le couple mise en demeure et contrainte. La juridiction retient que « Il résulte des articles L244-2 et R244-1 du code de la sécurité sociale que toute contrainte doit être précédée d’une mise en demeure ». La cour affirme que « La contrainte doit être motivée au même titre que la mise en demeure qui la précède: l’une et l’autre doivent permettre au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ». Elle ajoute que « La validité d’une contrainte qui ne contient pas elle-même toutes ces mentions est admise si elle se réfère à une ou plusieurs mises en demeure les comportant ». En l’espèce, la contrainte renvoyait à cinq mises en demeure distinctes, détaillant périodes, motifs de recouvrement et ventilation cotisations et majorations, ce qui satisfaisait aux exigences d’information.

S’agissant du grief de forme, la juridiction retient, par une motivation sobre, que « Vu les dispositions des articles 114 et 648 du code de procédure civile, la cour, adoptant les motifs des premiers juges, écarte le moyen soulevé ». Enfin, la cour indique que « les dispositions des articles L244-2 à L244-9 du code de la sécurité sociale applicables en la cause n’imposent pas d’engagement chronologique des actions en paiement ». La confirmation du jugement s’ensuit, avec maintien du montant rectifié.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Une ligne constante conciliant information du cotisant et efficacité

La solution consacre un formalisme utile, strict quant à l’information, mais pragmatique quant aux modalités de preuve, en admettant la référence aux mises en demeure antérieures. En ce sens, l’exigence posée selon laquelle « l’une et l’autre doivent permettre au cotisant d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation » demeure centrale. Elle préserve effectivement les droits de la défense. L’écartement du moyen relatif à la désignation inexacte dans l’acte s’inscrit, conformément à l’article 114, dans une nullité subordonnée à la preuve d’un grief. Le rappel de l’absence d’obligation de chronologie des périodes permet un recouvrement par séries discontinues, dès lors que l’information du débiteur demeure complète et vérifiable.

B. Conséquences pratiques pour le contentieux du recouvrement

La décision encourage les organismes à produire l’arrêté ministériel fixant leur circonscription et à structurer les contraintes autour de mises en demeure exhaustives, datées et précisément ventilées. Pour les travailleurs indépendants, l’absence de déclaration provoque des appels provisionnels lourds et des majorations, qu’un ajustement ultérieur ne neutralise pas toujours intégralement sur le plan financier. L’espèce illustre, avec la révision à 36.626 euros après communication des revenus, l’intérêt d’une coopération documentaire précoce, afin de garantir une assiette exacte et de limiter les contentieux. Le rattachement territorial au lieu d’exercice durant la période litigieuse sécurise enfin la qualité à agir, y compris lorsque le domicile actuel du débiteur est situé à l’étranger.

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