- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Cour d’appel de Colmar, 11 septembre 2025, chambre sociale, section SB, RG 23/04305. À la suite d’un refus de prise en charge au titre des accidents du travail, notifié le 19 octobre 2021, un salarié victime d’un accident vasculaire cérébral survenu le 29 mars 2021 à son domicile a obtenu, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg le 31 octobre 2023, la reconnaissance du caractère professionnel du sinistre et la prise en charge corrélative. La juridiction de première instance a mobilisé la présomption d’imputabilité au temps et au lieu du travail et, à titre subsidiaire, un lien direct entre l’événement et les circonstances professionnelles décrites.
Devant la Cour d’appel de Colmar, l’organisme social a interjeté appel. Son dispositif se bornait à solliciter l’infirmation sans formuler la prétention corrélative qu’impliquait cette demande. L’intimé a sollicité la confirmation et une indemnité au titre des frais irrépétibles. La question posée tenait à la portée d’un dispositif d’appel limité à l’infirmation, dans une procédure sans représentation obligatoire, au regard des exigences de l’article 446-2 du code de procédure civile et de la jurisprudence qui conditionne la dévolution au contenu précis des prétentions. La cour énonce que « L’absence de prétention suivant la demande d’infirmation est de nature à entraîner la confirmation du chef de jugement critiqué (en ce sens Civ 2, 4 février 2021, n° 19-23.615). » Elle confirme en conséquence le jugement, à l’exception du chef de recevabilité, rejette la demande de frais irrépétibles de l’intimé et condamne l’appelant aux dépens d’appel.
I. L’économie procédurale de la décision
A. La centralité du dispositif et la confirmation par défaut
La cour rappelle d’abord une règle dont la constance se renforce en appel. L’objet du litige est déterminé par les prétentions, lesquelles doivent figurer au dispositif des écritures. À défaut de prétention formulée à la suite de la demande d’infirmation, la confirmation s’impose. Le considérant décisif le dit expressément : « L’absence de prétention suivant la demande d’infirmation est de nature à entraîner la confirmation du chef de jugement critiqué. » Cette affirmation s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence de la deuxième chambre civile, à laquelle il est expressément renvoyé.
L’acte d’appel ne suffit donc pas à lui seul. Il ouvre la voie de la dévolution mais n’en précise pas le but sans des demandes claires et articulées. La cour constate ici que « le dispositif des écritures de l’appelante se borne à demander l’infirmation du jugement, sans ensuite demander à la cour de statuer dans un sens contraire au jugement ». Dans ce cadre, l’absence de conclusion utile prive la juridiction d’un support normatif pour substituer sa décision à celle du premier juge. Le principe dispositif conserve toute sa portée.
B. L’articulation avec l’article 446-2 du code de procédure civile
La juridiction d’appel prend soin d’ajuster la règle au contexte procédural de la chambre sociale. Elle précise les conditions d’application textuelle du cantonnement aux seules prétentions du dispositif, en soulignant le régime propre à la procédure sans représentation obligatoire. Elle énonce ainsi que « la règle selon laquelle le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, énoncée à l’article 446-2 du code de procédure civile en matière de procédure sans représentation obligatoire, ne s’applique qu’à la double condition que toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et qu’elles soient assistées ou représentées par un avocat ». L’une de ces conditions faisait défaut en l’espèce.
La cour ne se contente pas de cette réserve. Elle constate ensuite que la demande nécessaire ne ressort « ni des motifs de l’appelante, ni de son exposé du litige ». L’adoucissement textuel propre à l’article 446-2 ne permet pas d’extraire d’autres passages des écritures une prétention absente. Le raisonnement se clôt de manière logique et sobre par la formule suivante : « En conséquence, la cour ne peut que confirmer le jugement critiqué. » Le contrôle demeure donc strict, tout en respectant la spécificité des écritures en procédure sociale.
II. Valeur et portée de la solution
A. Une solution juridiquement sûre et fidèle au principe dispositif
La solution retenue présente une cohérence méthodologique nette. Elle assure la sécurité de la dévolution en appel en exigeant une demande lisible et opérante. Elle évite au juge de remodeler de sa propre initiative l’objet du litige, ce qui préserverait mal l’égalité des armes. La référence explicite à la jurisprudence de la deuxième chambre civile conforte cette ligne, qui consacre l’exigence de précision des prétentions comme condition d’effectivité du contrôle d’appel.
L’adaptation opérée au regard de l’article 446-2 mérite d’être soulignée. La cour rappelle les conditions d’application de la règle de cantonnement au seul dispositif, puis constate leur absence. Elle ne s’arrête pas à cette étape puisque l’examen concret des écritures ne révèle aucune demande exploitable. Cette double vérification renforce la neutralité de la solution et montre un usage mesuré des pouvoirs du juge en procédure sociale, sans sacrifier la rigueur nécessaire.
B. Conséquences pratiques et enjeux pour le contentieux social
Les effets pratiques sont clairs. Les appelants doivent formuler, au-delà de la simple infirmation, la mesure exacte attendue, par exemple le débouté de l’adversaire ou la réformation chiffrée. À défaut, la confirmation devient la voie normale, quelle que soit l’abondance des moyens développés. Cette exigence contribue à la lisibilité des débats et à la prévisibilité des décisions, ce qui demeure crucial en matière sociale.
La solution rappelle toutefois un risque contentieux, particulièrement en procédure sans représentation obligatoire. Les écrits peuvent être fournis par des parties non assistées, ce qui accroît l’aléa de formulations incomplètes. La cour ménage cet aléa en vérifiant l’ensemble des écritures, mais ne peut suppléer une prétention absente. L’issue retenue incite à une vigilance accrue des organismes sociaux et des assurés, lesquels doivent soigner le dispositif et le lier explicitement aux moyens invoqués.
La portée matérielle de l’arrêt reste limitée au terrain procédural, ce qui est assumé. Le premier juge avait statué au fond sur la qualification d’accident du travail. Il avait mobilisé la présomption du temps et du lieu de travail, malgré une suspension du contrat, en relevant que l’événement s’était produit pendant les heures prévues. Il avait ajouté, à titre subsidiaire, une démonstration de causalité directe. Cette motivation laissait ouvertes des interrogations intéressantes, notamment la place du domicile comme lieu de travail hors télétravail et l’incidence d’une suspension contestée.
La cour n’avait pas à trancher ces interrogations dans le cadre ainsi borné. En choisissant le terrain de la stricte dévolution, elle conforte l’architecture du procès d’appel. La solution préserve la stabilité des décisions de première instance lorsque l’appel manque de portée normative. Elle ne préjuge pas des débats futurs sur la présomption d’imputabilité en contexte atypique, qui relèvent d’un autre contentieux, correctement introduit, et d’écritures achevées.
Au total, l’arrêt offre une clarification utile pour la pratique du pôle social. Il confirme l’enseignement suivant lequel une demande d’infirmation, non suivie d’une prétention de réformation articulée, appelle la confirmation. En rappelant les conditions propres à l’article 446-2 et en vérifiant le contenu des écritures, la cour combine rigueur procédurale et pragmatisme. Elle trace ainsi une ligne d’équilibre qui sécurise l’instance d’appel sans désarmer la protection des droits, pourvu que les prétentions soient clairement formulées.