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La Cour d’appel de Colmar, chambre sociale, 27 juin 2025, statue sur la rupture disciplinaire d’un salarié protégé pour détournement répété de bons d’achat. Un audit interne a mis en évidence l’utilisation, sur près d’un an, de bons destinés à la clientèle pour régler des achats personnels, en contravention avec les consignes et le règlement intérieur. L’inspection du travail a autorisé le licenciement disciplinaire. Le conseil de prud’hommes a écarté la faute grave, alloué le préavis et l’indemnité de licenciement, tout en retenant une cause réelle et sérieuse. L’employeur a interjeté appel. Le litige porte, d’abord, sur l’office du juge judiciaire en présence d’une autorisation définitive de licenciement d’un salarié protégé. Il interroge, ensuite, la caractérisation d’une faute grave privative des indemnités de rupture au regard de manquements répétés et d’un préjudice chiffré.
La juridiction d’appel confirme la recevabilité des demandes relatives aux indemnités, écarte une pièce ancienne qualifiée de sanction, rejette la prescription des faits, et retient la faute grave. Elle infirme en conséquence les condamnations au préavis, congés afférents et indemnité de licenciement, rejette les demandes indemnitaires pour brutalité et préjudice moral, et met les dépens à la charge du salarié. La question de droit est double. Le juge prud’homal peut‑il, malgré l’autorisation administrative devenue définitive, apprécier la gravité fautive pour statuer sur les indemnités de rupture. Les faits caractérisent‑ils une faute grave rendant impossible le maintien dans l’entreprise jusqu’au terme du préavis. La Cour répond positivement à la première interrogation, et affirme la seconde, après avoir ordonné l’écartement d’un avertissement prescrit et examiné la pluralité des moyens soulevés.
I. L’office du juge et le périmètre du contrôle en présence d’une autorisation administrative
A. L’étendue du contrôle judiciaire limitée à la gravité et aux effets pécuniaires
La Cour rappelle avec netteté les bornes de l’office du juge, en citant que « Le juge judiciaire peut seulement vérifier que le motif du licenciement prononcé est bien celui pour lequel l’autorisation a été demandée et accordée (Cass. Soc., 28 octobre 2003, n° 01-46.168), apprécier la gravité de la faute, et statuer sur les demandes en paiement des indemnités de rupture. » Le principe de séparation des pouvoirs impose, en présence d’une autorisation définitive, l’impossibilité de remettre en cause le bien‑fondé du licenciement. Le contrôle demeure, toutefois, ouvert sur la qualification de faute grave, eu égard à ses conséquences privatives sur le préavis et l’indemnité légale. La motivation s’accorde avec la jurisprudence sociale constante et clarifie une erreur de plume du premier juge ayant visé l’article L. 1235‑1, sans altérer la recevabilité des prétentions indemnitaires.
L’arrêt souligne également la fonction directrice de la lettre de licenciement. En retenant que « Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige », la Cour ancre son analyse dans le cadre normatif de l’article L. 1235‑2, évitant tout glissement vers des griefs extérieurs. Le rappel méthodique des sources garantit une lecture ordonnée des débats et prépare l’examen des moyens soulevés par la salariée, notamment la prescription, l’usage prétendu, la discrimination alléguée dans la politique de sanction et la tardiveté prétendue de la réaction employeur.
B. La régularité procédurale: prescription, temporalité et mesures conservatoires
Sur la prescription disciplinaire, la Cour retient que le point de départ se situe à la connaissance complète et exacte des faits par l’employeur. Elle cite exactement que « Lorsqu’une enquête interne est diligentée, le délai de prescription de deux mois commence à courir à la date de la clôture de l’enquête (Cass. Soc., 23 mars 2011, n° 09‑43.507). » Informé par l’audit le 18 décembre, l’employeur convoque à entretien le 8 janvier, dans le délai, et poursuit la procédure spécifique au salarié protégé. La régularité est acquise. Le raisonnement est circonspect, évitant toute confusion entre découverte, vérification et engagement des poursuites.
La Cour écarte, par ailleurs, toute exigence de mise à pied conservatoire préalable. Elle énonce sans détour que « Le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure n’interdit pas à l’employeur d’invoquer la faute grave » et que « Aucun texte n’oblige l’employeur à prendre une mesure conservatoire avant d’ouvrir une procédure de licenciement pour faute grave. » La solution rappelle l’orthodoxie du droit disciplinaire, centré sur l’impossibilité de maintien pendant le préavis et non sur la nécessité d’une éviction immédiate. Elle neutralise l’argument tiré d’un prétendu délai, replacé dans la séquence imposée par la protection statutaire et la période calendaire.
II. La caractérisation de la faute grave et la portée de la décision
A. Les éléments constitutifs d’une faute grave privative des indemnités
La Cour définit d’abord la norme de référence, en rappelant que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Elle confronte ensuite cette définition à des éléments précis: répétition de 205 utilisations, période proche d’une année, préjudice de 1 684,54 euros, contrariété explicite aux consignes signées et au règlement intérieur.
La règle interne, claire et connue, impose la destruction des bons abandonnés, non leur réemploi. La Cour le retient textuellement: « Les règles applicables au sein de la société prévoient très clairement que les bons d’achats laissés par les clients doivent être déchirés, et ne peuvent être utilisés par un employé à des fins personnelles. » La matérialité ressort de l’audit, des tableaux de rapprochement, des attestations générales sur les interdictions, et des constatations de l’inspection du travail. La qualification de faute grave s’ensuit par la densité factuelle et la nature du manquement à l’obligation de loyauté.
B. La proportionnalité de la sanction et l’individualisation corrélée à l’ampleur de la fraude
L’argument d’un usage constant prétendument toléré est écarté, faute d’éléments probants indépendants. L’autorité prudente de la Cour se limite aux pièces, relève l’insuffisance des témoignages émanant de personnes également sanctionnées et refuse d’y voir une pratique opposable. S’agissant d’une différence de traitement disciplinaire, la solution retient que « L’employeur peut, dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, sanctionner différemment des salariés ayant commis une faute semblable. » La variation est ici justifiée par des éléments objectifs: nombre d’actes et quantum du préjudice.
La proportionnalité est ainsi appréciée au regard de la répétition et de l’atteinte au système de fidélité, cœur des procédures caisse. L’écartement d’une sanction ancienne au titre de l’article L. 1332‑5 renforce la rigueur du contrôle, sans infléchir l’issue au regard des faits récents, autonomes et nombreux. La privation des indemnités de rupture procède logiquement de la gravité retenue. Les demandes indemnitaires pour brutalité ou préjudice moral sont rejetées, la Cour soulignant la célérité de la démarche et l’absence de faute imputable à l’employeur dans la conduite de la rupture.
En définitive, la Cour d’appel de Colmar articule nettement l’office du juge en présence d’une autorisation administrative et consolide les critères de la faute grave en contexte de détournement répété d’avantages clients. Elle offre une grille de lecture opératoire, alliant sécurité procédurale et exigence éthique dans les fonctions de caisse, et réserve l’individualisation des sanctions à des paramètres objectivables, compatibles avec l’égalité disciplinaire.