Cour d’appel de Colmar, le 9 septembre 2025, n°23/00318

Rendue par la Cour d’appel de Colmar le 9 septembre 2025, la décision confirme intégralement un jugement prud’homal du 7 décembre 2022. Un salarié, engagé en 2005 et transféré en 2018, avait été arrêté pour maladie non professionnelle de décembre 2019 à janvier 2021. À l’issue de la seconde visite de reprise, le médecin du travail l’a déclaré inapte, avec la mention selon laquelle « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». L’employeur a ensuite prononcé un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’intéressé contestait la rupture, arguait d’un défaut de consultation des représentants du personnel, d’un manquement à l’organisation de la visite de reprise dans le délai réglementaire, d’atteintes à la bonne foi contractuelle liées à la rémunération et au calcul des prestations de prévoyance, et soutenait l’origine professionnelle de l’inaptitude. Le premier juge l’avait débouté de l’ensemble des demandes. La cour confirme, retient la dispense de reclassement et de consultation en présence d’une inaptitude fermée, écarte toute faute dans l’organisation de la reprise faute de manquement imputable à l’employeur et de préjudice, refuse tout manquement relatif à la rémunération et à la prévoyance, et nie la preuve d’une cause professionnelle.

I. La validité de la rupture pour inaptitude non professionnelle

A. Dispense de reclassement et de consultation représentative en cas d’inaptitude fermée
La motivation s’appuie sur l’avis d’inaptitude coché par le médecin du travail, comportant la formule précitée. La formation juge que « Le médecin du travail a ainsi exclu tout reclassement possible », de sorte que l’employeur était « dispensé de la consultation des membres du Cse qui concerne la problématique du reclassement ». La solution s’inscrit dans le régime issu des textes relatifs à l’inaptitude, lorsque l’impossibilité de reclassement résulte de l’avis lui-même.

La cour souligne le caractère déterminant de la mention médicale, qui ferme le périmètre de recherche de postes compatibles. Elle rattache la consultation représentative à l’existence d’une démarche effective de reclassement, juridiquement inutile lorsque la médecine du travail l’exclut. Cette articulation sécurise la procédure en conditionnant l’exigence de consultation à l’utilité concrète du reclassement.

B. Visite de reprise: délai de huit jours, faute imputable et preuve du préjudice
La juridiction rappelle le régime applicable: « Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise ». L’employeur produit une convocation émise par le service de santé, suivie d’une visite intervenue rapidement. La cour retient que, si le salarié soutient ne pas avoir reçu la convocation, « ce défaut de réception ne fait pas suite à une faute de l’employeur ».

En outre, l’intéressé a accepté des congés payés sur la période d’attente, ce qui exclut un préjudice indemnisable. La solution conjugue la vérification d’un comportement diligent et l’exigence d’un grief démontré, la charge de l’allégation de retard ou de désorganisation ne pouvant prospérer sans un dommage distinct et caractérisé.

II. L’absence de manquement contractuel et de cause professionnelle de l’inaptitude

A. Assiette des prestations de prévoyance et qualification du « quatorzième mois »
S’agissant du différend relatif au « quatorzième mois », la cour constate l’absence de modification défavorable lors du transfert du contrat et la qualification constante en prime. Elle relève que la notice retient que « le montant (pris en charge par la prévoyance) est égal à 100 % du salaire mensuel net imposable de référence, indemnités journalières de la sécurité sociale brut comprise » et que « le salaire mensuel de référence correspond au salaire réel moyen cotisé du salarié des trois derniers mois d’activité, limitée à la T2, hors primes conventionnelles et primes non régulières ».

La même notice précise encore que « dans la mesure où la rémunération de la salariée serait variable ou saisonnière, le salaire réel moyen à retenir sera celui des 12 derniers mois avec les mêmes bases que ci-dessus ». La cour en déduit l’absence de manquement imputable à l’employeur dans le reversement des indemnités et le rejet corrélatif des demandes indemnitaires. La cohérence du raisonnement tient à l’assiette contractuelle de la prévoyance, non réductible aux composantes exclues par la notice.

B. Origine professionnelle de l’inaptitude: exigences probatoires et contrôle des éléments objectifs
La cour écarte la thèse d’une pathologie imputable aux conditions de travail. Elle relève notamment que « aucun des arrêts de travail n’a été prononcé pour maladie professionnelle » et que « l’avis d’inaptitude ne mentionne pas qu’il fait suite à une maladie professionnelle ou un accident du travail ». Elle observe l’absence de doléances antérieures, la faiblesse des heures supplémentaires établies, et l’absence de lien démontré avec d’autres événements invoqués.

La formation conclut: « Il en résulte que la surcharge de travail n’est pas établie ». Partant, la reconnaissance d’une origine professionnelle, comme la remise en cause du motif de licenciement, sont refusées. Les indemnités spéciales sollicitées sur le fondement de l’inaptitude d’origine professionnelle sont écartées, celles-ci « ne pouvaient pas se cumuler pour partie avec les indemnités précédentes ». L’ensemble confirme l’exigence d’éléments objectifs et convergents pour déplacer la charge et qualifier la rupture.

La décision, en confirmant le jugement, consacre une lecture rigoureuse des obligations liées à l’inaptitude, recentrée sur l’avis médical, la preuve d’un manquement imputable et l’exigence d’un préjudice caractérisé, tout en maintenant une discipline probatoire ferme quant à l’origine professionnelle alléguée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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