Cour d’appel de Douai, le 10 juillet 2025, n°24/03093

Rendue par la cour d’appel de Douai le 10 juillet 2025, la décision infirme un jugement qui avait admis la validité d’un contrat de prévoyance et ordonné l’indemnisation de l’assuré. Le litige tient à la qualification de « fausse déclaration intentionnelle » lors de l’adhésion, au regard des réponses apportées au questionnaire de santé et de leur influence sur l’appréciation du risque par l’assureur, au sens des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances.

Les faits utiles sont simples. Un assuré, praticien libéral, a souscrit en 2018 une garantie incapacité. En 2020, il a été arrêté après une chirurgie d’avancée bi‑maxillaire destinée à traiter un syndrome d’apnée du sommeil. L’assureur a notifié la nullité, reprochant des réponses inexactes au questionnaire, notamment l’omission d’une affection connue et d’un protocole ortho‑chirurgical envisagé. Le premier juge a rejeté la nullité et condamné l’assureur au paiement d’une mensualité d’indemnité. En appel, l’assureur sollicite l’annulation du contrat et le débouté intégral de l’assuré, lequel conclut à la confirmation, invoquant sa bonne foi, l’absence d’hospitalisation de plus de quarante‑huit heures en 2014, et le caractère encore incertain du diagnostic en 2018.

La question posée à la cour d’appel est nette. Les réponses négatives de l’assuré, au jour de la signature du questionnaire, au sujet d’une pathologie d’apnée du sommeil médicalement constatée antérieurement et d’un traitement ortho‑chirurgical préconisé, constituent‑elles une fausse déclaration intentionnelle ayant modifié l’opinion du risque, justifiant la nullité du contrat sur le fondement de l’article L. 113‑8 ? La cour répond positivement, en relevant que « Le caractère mensonger de la déclaration par l’assuré s’apprécie au jour de la signature du questionnaire » et que « Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les conditions de l’article L. 113-8 du code des assurances sont remplies ».

I. Fondements et contrôle de la fausse déclaration

La cour rappelle d’abord le cadre normatif et la méthode de contrôle. Elle souligne que l’obligation de déclaration n’est pas spontanée, mais indexée sur les questions. Elle énonce : « Il résulte des articles L. 112-3 alinéa 4 et L. 113-8 du code des assurances que l’assuré n’est pas tenu de déclarer spontanément les éléments utiles à l’appréciation du risque couvert mais qu’il lui incombe seulement de répondre avec exactitude aux questions préalablement posées par l’assureur, et que celui-ci ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées aux dites questions. » La bonne foi est présumée, la charge probatoire pèse sur l’assureur, et l’appréciation s’opère à la date d’adhésion.

L’articulation des questions du questionnaire gouverne ensuite l’analyse. La cour relève que « il n’est ni allégué, ni démontré que les questions figurant sur le questionnaire préalable à l’adhésion sont ambigües et nécessitent une interprétation ». Elle distingue la question relative au séjour hospitalier de plus de quarante‑huit heures, inopérante en l’espèce, et la question relative aux affections en cours, déterminante. L’examen des pièces montre une affection d’apnée du sommeil médicalement constatée antérieurement et un protocole ortho‑chirurgical préconisé avant l’adhésion, de sorte que l’omission de cette information a altéré la base d’acceptation du risque.

II. Qualification d’intention et portée assurantielle

La qualification d’intention découle de la clarté des questions et de la connaissance de l’affection par l’assuré. La cour retient, par une formule caractéristique : « les réponses inexactes apportées à des questions claires, précises et sans ambiguïté, caractérisent le caractère intentionnel de la fausse déclaration, révélateur de la mauvaise foi et de l’intention de tromper l’assureur quant au risque à garantir. » Le raisonnement isole la conscience de l’état de santé, l’information préalable sur les sanctions, et l’ampleur du protocole thérapeutique recommandé, éléments convergents vers l’intention de tromper.

La modification de l’opinion du risque est, enfin, explicitement caractérisée. La cour insiste sur l’effet causal de l’omission sur la décision d’acceptation et les conditions de garantie. Elle affirme : « L’omission par celui-ci de déclarer son antécédent médical a faussé l’appréciation du risque puisque si l’assureur en avait eu connaissance, il aurait refusé d’accorder sa garantie, ou à tout le moins ne l’aurait pas acceptée aux mêmes conditions. » Cette motivation rattache la nullité à l’économie du contrat, sans exiger un lien avec le sinistre, conformément à la lettre de l’article L. 113‑8.

Ainsi comprise, la décision confirme une ligne jurisprudentielle exigeante sur la sincérité des réponses et l’aptitude du questionnaire à circonscrire l’information pertinente. La portée pratique est notable en assurance de personnes : le traitement ortho‑chirurgical programmé pour corriger des conséquences fonctionnelles d’une rétro‑mandibulie, en lien avec un syndrome d’apnée, entre dans le champ des affections à déclarer. La solution, appuyée par la formule « La fausse déclaration est ainsi établie », consolide l’exigence probatoire de l’assureur et réaffirme la finalité du questionnaire comme instrument décisif d’acceptation du risque. Elle éclaire, enfin, la frontière entre antécédents bénins dispensés de déclaration et affections fonctionnelles appelant une information complète lors de l’adhésion.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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