Cour d’appel de Douai, le 11 juillet 2025, n°24/01429

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La Cour d’appel de Douai, chambre sociale, par arrêt du 11 juillet 2025, statue sur un litige opposant un vétérinaire salarié à son employeur au sujet d’un forfait-jours, d’heures supplémentaires, du respect des repos, d’une clause de non-concurrence et d’une tentative de requalification de la démission en prise d’acte. Le salarié, embauché en novembre 2018 sous convention de forfait en jours, démissionne en juillet 2020, avec dispense de préavis. Il saisit ensuite la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation ou l’inopposabilité du forfait-jours, des rappels d’heures, des dommages-intérêts pour atteinte au droit au repos, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et la requalification de sa démission. Le conseil de prud’hommes de Lille le déboute en mai 2024. En appel, l’intéressé reprend ses prétentions, tandis que l’employeur sollicite la confirmation du jugement.

La cour relève d’abord que le forfait-jours est inopposable, en raison de manquements aux obligations de suivi annuel, puis apprécie l’ampleur des heures supplémentaires et du droit au repos, pour n’accorder qu’un rappel limité et une modeste réparation. Elle examine ensuite la rupture et l’après-contrat. Elle refuse la requalification de la démission en prise d’acte, faute d’équivoque, mais accueille la demande relative à la clause de non-concurrence, la renonciation étant tardive et irrégulière. Il convient d’expliquer le sens de ces solutions avant d’en apprécier la valeur et la portée, au regard des exigences protectrices du droit du temps de travail et de la rigueur imposée aux clauses post-contractuelles.

I. L’inopposabilité du forfait-jours et la mesure des atteintes au temps de travail
A. Le cadre légal du forfait-jours et le défaut de suivi effectif
La cour rappelle que « en application des articles L 3121-64 et suivants du code du travail il est de principe que chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours doit bénéficier chaque année d’un entretien ». Elle relève également que la convention collective applicable impose un « document individuel de suivi » et « un entretien au moins annuel » portant sur la charge et l’amplitude, afin d’assurer le respect des repos.

L’employeur ne justifiant pas la tenue des entretiens requis, le forfait-jours devient inopposable. La solution s’inscrit dans une ligne constante : l’effectivité du suivi constitue la condition sine qua non de la validité opérationnelle du forfait. La motivation est pédagogique, fondée sur des extraits normatifs précis de la convention collective, qui renforcent les exigences légales de prévention des risques liés à la charge.

B. La portée concrète sur les heures et les repos
L’inopposabilité rétablit la législation commune de la durée du travail. Pour autant, la cour apprécie la preuve avec mesure. Elle constate que le salarié « surévalue notablement sa créance », tout en retenant des heures supplémentaires certaines, évaluées souverainement au vu des plannings et échanges produits. Elle retient, sur les repos, des manquements ponctuels seulement, et souligne que l’amplitude maximale de douze heures n’est pas systématiquement dépassée, tandis que des pauses ont généralement été observées.

La cour cite littéralement la convention collective selon laquelle « la durée du travail est fixée par les dispositions légales », et « lorsque le temps de travail journalier atteint au moins 6 heures consécutives, tout salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes ». Elle en déduit une indemnisation mesurée, allouant 500 euros au titre des manquements à l’obligation de sécurité. Cette modulation reflète un contrôle exigeant de la preuve, sans céder à la tentation d’une reconstitution purement théorique.

II. La rupture et l’après-contrat : démission non équivoque et renonciation tardive
A. L’impossible requalification de la démission en prise d’acte
La cour rappelle le principe selon lequel « une prise d’acte, rompant immédiatement le contrat de travail, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque l’employeur a commis des manquements ». Elle ajoute qu’« une démission peut être qualifiée de prise d’acte si elle est équivoque, notamment si elle est intervenue dans un contexte conflictuel ».

La lettre de démission est dépourvue de griefs. Un unique courriel antérieur, relatif aux horaires, au paiement d’un salaire et à la communication de bulletins, ne suffit pas à révéler un différend. L’analyse de l’équivoque reste stricte, fidèle à l’exigence d’allégations claires et contemporaines du départ. La décision prévient ainsi le détournement de la prise d’acte en voie générale de contestation a posteriori d’une démission acceptée.

B. La clause de non-concurrence et la rigueur de la renonciation
Le contrat prévoyait une contrepartie de 33 % du salaire moyen, et une renonciation par lettre recommandée dans les quinze jours du dernier jour travaillé. La cour constate que la renonciation formelle est intervenue après l’expiration du délai, et rappelle que, la dispense de préavis ayant été donnée, l’employeur « aurait dû renoncer à l’application de la clause au plus tard le jour de son départ effectif ».

La cour écarte un courriel antérieur, dépourvu de forme exigée et d’engagement clair, puisqu’il indiquait « on ne veut pas nuire à ta carrière […] Nous allons donc annuler la clause de non concurrence, cela sera précisé dans la rupture conventionnelle », subordonnant la levée à une modalité non réalisée. La solution est ferme et cohérente : la sécurité juridique de la liberté du travail impose un formalisme bref, précis, et opportun. Elle conduit à l’octroi intégral de la contrepartie, avec congés payés afférents, confirmant l’effet impératif du délai contractuel de renonciation.

La décision présente un équilibre maîtrisé entre protection de la santé au travail et rigueur probatoire. Elle rappelle utilement que le forfait-jours ne survit pas à l’absence d’entretien annuel, mais que l’indemnisation reste conditionnée par des éléments concrets. Elle réaffirme, en parallèle, l’exigence d’une renonciation régulière et immédiate à la clause de non-concurrence, spécialement en cas de dispense de préavis, afin de ne pas laisser le salarié dans une insécurité quant à sa liberté d’exercer.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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