Cour d’appel de Douai, le 26 juin 2025, n°24/03042

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Par un arrêt du 26 juin 2025, la cour d’appel de Douai (chambre 8, section 2) statue en matière de surendettement et prononce la déchéance du bénéfice de la procédure. Saisie de l’appel d’un jugement rendu le 23 mai 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Hazebrouck, elle tranche la question de la déchéance au regard d’une donation antérieure et d’une omission déclarative.

Les faits utiles tiennent à un prêt in fine conclu en 2005 pour financer l’acquisition d’un immeuble locatif, exigible en 2017. En 2011, le débiteur a donné la nue-propriété du bien à ses enfants, en conservant l’usufruit. L’échéance n’ayant pas été honorée, une condamnation a été prononcée en première instance puis confirmée en 2023. En 2023, la commission a déclaré recevable la demande de traitement, imposé un plan sur 84 mois et préconisé un effacement partiel significatif.

Le créancier a contesté les mesures en faisant valoir un appauvrissement organisé et la valeur de l’usufruit. Le débiteur a soutenu sa bonne foi, l’intention familiale de l’acte et l’exactitude de sa déclaration. En appel, la cour a rouvert les débats, requis l’acte notarié et relevé d’office la déchéance au regard de l’article L. 761-1, 2°, du code de la consommation. La question posée est double : conditions de la déchéance pour détournement ou dissimulation et pouvoir du juge de la relever d’office, spécialement en présence d’une donation antérieure et d’une omission portant sur un usufruit.

La cour retient, d’abord, que « les causes de déchéance prévues à l’article L 761-1 du code de la consommation […] sont limitativement énumérées par la loi et d’interprétation stricte », et que « dès lors que l’une des causes de déchéance […] est caractérisée, le juge est tenu par la loi de prononcer la déchéance ». Elle rappelle, ensuite, que « le juge du surendettement […] a le pouvoir de relever d’office la déchéance du débiteur du bénéfice de cette procédure ». Elle précise enfin que « le détournement […] recouvre tout acte positif de disposition, accompli volontairement sur le patrimoine du débiteur en fraude des droits du créancier », et que « le détournement peut entraîner la déchéance, quel que soit le moment où il est intervenu […] s’il existe un lien de causalité direct ». Appliquant ces principes, la cour qualifie de détournement la donation de la nue-propriété du bien financé et constate une omission substantielle relative à l’usufruit dans la déclaration, puis prononce la déchéance.

I. Le cadre légal de la déchéance et l’office du juge

A. L’énumération stricte des causes et la possibilité de relevé d’office
La cour d’appel fonde sa décision sur une lecture rigoureuse des textes, en soulignant que « les causes de déchéance […] sont limitativement énumérées par la loi et d’interprétation stricte ». Cette affirmation délimite l’office du juge, qui ne peut ajouter de cas aux trois hypothèses prévues par l’article L. 761-1. Elle rappelle, dans le même mouvement, la portée processuelle de l’article R. 632-1, en ce que « le juge du surendettement […] a le pouvoir de relever d’office la déchéance du débiteur du bénéfice de cette procédure ». Le rappel de ce pouvoir évite qu’un comportement incompatible avec l’économie du dispositif soit toléré faute de moyens soulevés.

Cette structuration normative est complétée par une directive impérative sur la sanction: « dès lors que l’une des causes de déchéance […] est caractérisée, le juge est tenu par la loi de prononcer la déchéance ». Le syllogisme est net. Une fois l’un des comportements visés établi, aucune modulation n’est possible sur le principe de l’exclusion, ce qui confirme la finalité préventive et disciplinaire de la déchéance dans le droit du surendettement.

B. La qualification du détournement et l’exigence d’un lien causal direct
La cour définit la matière du « détournement » de l’article L. 761-1, 2°, en des termes pédagogiques: « tout acte positif de disposition, accompli volontairement sur le patrimoine du débiteur en fraude des droits du créancier ». Elle ajoute que la temporalité est indifférente, la déchéance pouvant être encourue « quel que soit le moment où [le détournement] est intervenu […] s’il existe un lien de causalité direct » avec l’état de surendettement.

L’application repose sur deux éléments convergents. D’une part, l’acte de 2011 affecte le bien financé par le prêt et contrevient à la clause d’exigibilité anticipée en cas de « mutation en propriété ou en jouissance et notamment vente, apport en société, donation, constitution de droits réels, (…) ». D’autre part, l’omission, dans la déclaration, d’un usufruit cessible et doté d’une valeur certaine altère la sincérité du dossier. La cour en déduit que « cet acte de donation […] caractérise un comportement déloyal […] et constitue un détournement de bien au sens de l’article L 761-1 », le passif procédant très majoritairement de la dette liée à l’opération ainsi altérée.

II. L’appréciation de la solution et sa portée pratique

A. Une approche exigeante de la bonne foi, compatible avec la finalité du dispositif
La solution retient que la cause de déchéance peut naître d’un acte antérieur au dépôt, sous réserve d’un « lien de causalité direct ». Cette articulation concilie la protection du débiteur de bonne foi et la sauvegarde du gage des créanciers. L’usage de la clause contractuelle relative aux mutations vient nourrir l’analyse de la fraude aux droits, sans exiger la démonstration d’une intention dolosive autonome, la matérialité de l’appauvrissement organisé suffisant ici.

La discussion sur la motivation familiale de la donation ne renverse pas l’appréciation. La cour privilégie l’objectivation des effets sur le gage, renforcée par l’atteinte au bien financé et par l’échelonnement temporel entre l’acte, l’échéance impayée et la procédure. Cette lecture, arrimée au texte, ne méconnaît pas l’esprit du surendettement, centré sur la sincérité et la conservation des actifs cessibles.

B. Des enseignements opérationnels pour la déclaration et l’instruction des dossiers
La décision affirme la centralité de l’exhaustivité déclarative des droits démembrés. Elle souligne que « l’usufruit qu’il a la possibilité de vendre sans l’accord des nus-propriétaires, a une valeur non négligeable », de nature à réduire le passif et à écarter un effacement partiel. La portée pratique est immédiate: tout droit réel cessible doit être mentionné et évalué, la commission et le juge pouvant apprécier la liquidité potentielle.

La cour rappelle enfin que la sanction n’est pas irrévocable, en ce sens que « la déchéance […] ne fait pas obstacle à une nouvelle demande de traitement […] s’il existe des éléments nouveaux ». Cette précision équilibre la sévérité de l’exclusion par l’ouverture d’une voie de réexamen, conditionnée à la bonne foi et à l’évolution objective de la situation, notamment par la reconstitution d’actifs ou la clarification patrimoniale.

En définitive, la cour d’appel de Douai, le 26 juin 2025, réaffirme la fonction disciplinaire de l’article L. 761-1 et trace une ligne claire: la donation portant sur le bien financé, cumulée avec l’omission d’un usufruit cessible, réalise un « détournement » au sens du texte et justifie la déchéance, le tout sous le contrôle d’office du juge et dans le respect d’une interprétation stricte des cas légaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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