Cour d’appel de Douai, le 27 juin 2025, n°23/00872

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La Cour d’appel de Douai, 27 juin 2025, statue sur un litige prud’homal opposant un salarié, embauché en septembre 2021 comme monteur d’échafaudages, à son employeur. Licencié à la suite d’une convocation à entretien préalable fixé au 13 décembre 2021, il reçoit une première lettre le 14 décembre, puis une seconde le 22 décembre, la rupture étant motivée par des retards, une altercation, et un usage contesté d’une carte carburant. Il réclame le paiement d’heures supplémentaires, l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et la réparation d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud’hommes de Dunkerque, le 29 juin 2023, a jugé le licenciement fondé, rejeté l’ensemble des demandes salariales et indemnitaires, et débouté l’employeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’appel porte sur trois séries de questions: la preuve et l’évaluation d’heures supplémentaires au regard du cadre légal et européen, la caractérisation du travail dissimulé, et l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement malgré une irrégularité procédurale alléguée.

La cour confirme le rejet du travail dissimulé, infirme pour le surplus, retient l’existence d’heures supplémentaires à hauteur de 679,95 euros et de congés payés afférents, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et accorde une indemnité de 2 000 euros, avec dépens et frais irrépétibles.

I. Le temps de travail, entre exigence probatoire et contrôle du système de décompte

A. Le cadre légal et européen sur la mesure et la preuve des heures
La cour rappelle la méthode probatoire classique: « Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments (…) il évalue souverainement (…) l’importance de celles-ci ». Elle souligne que « Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ». La répartition des rôles est nette, le salarié devant présenter des éléments « suffisamment précis » et l’employeur y répondre utilement.

Surtout, la décision s’inscrit dans l’exigence européenne de traçabilité: « il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ». Le raisonnement articule ainsi la preuve partagée des heures et l’obligation organisationnelle de mesure, qui conditionne la possibilité même d’une contradiction utile des pièces produites par le salarié.

B. La mise en œuvre: pièces suffisantes, évaluation souveraine et rejet du travail dissimulé
Sur les heures supplémentaires, la cour juge que des feuilles hebdomadaires mentionnant les chantiers et des volumes quotidiens constituent des éléments assez précis, bien qu’elles n’indiquent pas les horaires d’arrivée et de départ. Elle retient que ces relevés, combinés à une attestation corroborant une pratique de compensation par indemnités de déplacement, permettent d’étayer la demande et de déplacer la discussion vers les contre-éléments de l’employeur. L’absence de système de mesure fiable et la valeur probatoire limitée des seules mentions unilatérales (« aucune heure supplémentaires sans accord ») conduisent à une indemnisation calibrée et motivée.

En revanche, la qualification de travail dissimulé échoue, faute d’intention: « la dissimulation d’emploi salarié (…) n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle ». La cour relève des discordances entre bulletins et pointages pour un mois, mais constate l’insuffisance du faisceau global, en raison de lacunes documentaires. La solution ménage une frontière stable entre défaut de paiement d’heures et volonté délibérée de dissimuler, ce qui préserve la cohérence du régime de l’article L. 8221-5.

II. Le licenciement, entre régularité procédurale et consistance des griefs

A. La notification avant le délai de deux jours: une irrégularité sans effet sur la cause
La cour fixe d’abord le cadre procédural applicable: « la lettre notifiant le licenciement ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable ». Elle qualifie l’envoi prématuré d’irrégularité de forme, réparable par l’indemnisation du préjudice et non par l’anéantissement de la cause. La distinction traditionnelle entre régularité de la procédure et justification du motif structure la suite de l’analyse, sans faire écran au contrôle substantiel.

Cette approche protège la finalité du délai de réflexion tout en évitant de transformer une irrégularité procédurale en cause autonome de nullité ou d’absence de cause. Elle maintient l’économie des articles L. 1232-6 et L. 1235-2, tout en ménageant la place de la preuve sur les griefs.

B. L’insuffisance probatoire des griefs et la qualification de l’absence de cause réelle et sérieuse
Sur le fond, l’employeur ne produit qu’une attestation relatant des « remontées verbales », sans pièces matérielles sur les retards, l’altercation ou l’usage de la carte carburant. La cour souligne la règle d’appréciation du doute: « si un doute subsiste, il profite au salarié ». Constatant l’indigence des éléments, elle tranche nettement: « Les griefs n’étant pas prouvés, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ». La solution s’accorde avec l’exigence de faits précis et matériellement vérifiables, qui conditionne la rupture pour motif personnel.

La réparation est ensuite articulée au barème de l’article L. 1235-3, avec une indemnité mesurée au regard de l’ancienneté et du contexte probatoire. Le résultat assure une cohérence d’ensemble: irrégularité procédurale non décisive, absence de preuve des griefs déterminante, et indemnisation proportionnée des conséquences de la rupture.

Par ce double contrôle, la décision renforce la vigilance sur la mesure du temps de travail et rappelle que l’effectivité de la cause réelle et sérieuse repose sur des preuves tangibles, distinctes des seules allégations ou remontées informelles. Elle clarifie, en outre, la ligne de partage entre l’irrégularité procédurale et la justification du licenciement, dans un cadre respectueux des exigences européennes et du droit positif interne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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