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La cour d’appel de Douai, chambre sociale, par arrêt du 27 juin 2025, statue sur l’action d’un ancien salarié exposé à l’amiante entre 1980 et 1988. Le litige porte sur la prescription, la caractérisation d’un préjudice d’anxiété fondé sur l’obligation de sécurité, et la garantie de l’organisme de protection des créances salariales en contexte de liquidation. À la suite d’un jugement de départage rendu en 2023, le salarié a obtenu une indemnité de 10 000 euros au passif de la liquidation. L’appel vise la recevabilité temporelle de l’action, l’existence du préjudice, ainsi que la garantie de l’organisme de paiement en raison de la date de naissance de la créance.
La procédure révèle des thèses opposées. Le salarié soutient que son inquiétude s’est cristallisée à la suite de la diffusion d’informations rendant manifeste le lien entre l’exposition ancienne et un risque pathologique grave. Le liquidateur invoque la connaissance antérieure du risque et la prescription, puis conteste tout manquement fautif. L’organisme de garantie nie toute couverture en raison d’un fait générateur postérieur aux jugements d’ouverture. La question posée tient, d’abord, au dies a quo de la prescription de l’action en responsabilité pour préjudice d’anxiété; ensuite, à la charge probatoire de la sécurité et aux critères d’indemnisation; enfin, à la détermination de la date de naissance de la créance pour l’application du régime de garantie. La cour déclare l’action recevable et non prescrite, retient la responsabilité contractuelle de l’employeur et alloue 10 000 euros, tout en écartant la garantie de l’organisme au regard d’un fait générateur postérieur aux décisions d’ouverture.
I. La détermination du point de départ et l’appréciation du préjudice d’anxiété
A. Le choix d’un dies a quo fondé sur la connaissance complète du risque
La cour rappelle d’abord la règle de prescription biennale: « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qu’il exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Elle précise la nature du fait révélateur en matière d’amiante: « le point de départ du délai de prescription (…) est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante ». Cette connaissance ne peut rétroagir au-delà de l’exposition, car « ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin ».
Le raisonnement s’inscrit dans une logique protectrice et probatoire. La cour exige la démonstration d’une connaissance « pleine, entière et immédiate » du danger, en relevant que les éléments produits pour l’antérioriser demeurent insuffisants. La diffusion publique d’informations circonstanciées a ici servi de repère objectif pour fixer le dies a quo dans le délai biennal. Cette solution, conforme au principe de sécurité juridique, évite de fonder la prescription sur des indices flous ou des présomptions de notoriété, tout en préservant l’accès au juge lorsque la perception du risque n’a été complète que tardivement.
B. L’obligation de sécurité et l’autonomie du préjudice d’anxiété
La cour ancre la responsabilité sur les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail: « il appartient à l’employeur (…) de justifier qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L’instruction révèle une exposition professionnelle durable, dépourvue d’informations et de protections adaptées. Les pièces adverses, limitées et centrées sur des opérations tardives de désamiantage, ne renversent pas la charge probatoire au regard de la durée d’exposition et de l’étendue des postes concernés.
La cour réaffirme l’autonomie du dommage: « il importe peu que le salarié ne soit ni malade ni contaminé, le préjudice d’anxiété allégué résultant de la seule inquiétude permanente de voir déclarer une maladie consécutive à une exposition à l’amiante ». Cette formulation, désormais classique, souligne que l’atteinte indemnisable réside dans l’angoisse objectivée par des éléments médicaux et testimoniaux, indépendamment d’une pathologie constituée. Elle consacre une réparation mesurée, calibrée à 10 000 euros, proportionnée aux circonstances d’espèce et aux preuves réunies, sans dépendre de la procédure d’allocation de cessation anticipée.
II. La valeur de la solution et sa portée en matière de garantie et de prévention
A. La cohérence d’ensemble face aux débats sur l’ACAATA et la preuve
La décision se garde de subordonner la responsabilité à l’inscription sur une liste administrative. La juridiction rappelle que la protection liée à l’amiante procède d’abord de l’obligation générale de sécurité, dont le manquement se déduit de l’exposition et de l’insuffisance des mesures, au regard d’un risque anciennement documenté. La référence à la reconnaissance réglementaire ancienne de la dangerosité des poussières confirme l’exigence de prévention renforcée, adaptée à l’environnement industriel et aux procédés générateurs de fibres.
Sur la preuve, l’analyse refuse l’argument d’un savoir collectif supposé et revendique des jalons précis pour dater la connaissance. En matière de prescription, la cour valorise les repères objectifs, comme la publicité d’une information éclairante, plutôt que des inférences générales liées à un contexte associatif ou médiatique diffus. Cette méthode limite les insécurités et évite les prescriptions artificiellement anticipées. Elle consolide également la distinction entre exposition prouvée, manquement non neutralisé et crainte médicalement attestée.
B. La date de naissance de la créance et l’exclusion de la garantie
S’agissant de la garantie, la cour raisonne par fait générateur: « cette connaissance, qui constitue le fait générateur du préjudice d’anxiété, est intervenue postérieurement à la date d’ouverture du redressement et de la liquidation judiciaires ». En qualifiant la connaissance complète du risque de moment créateur de la créance, la solution place logiquement l’indemnité hors du périmètre des sommes exigibles à la date des jugements d’ouverture. L’exclusion de la garantie s’inscrit ainsi dans le régime légal des avances limité aux créances nées avant l’ouverture.
La portée pratique est nette. En contentieux amiante, lorsque l’angoisse s’individualise après l’ouverture des procédures collectives, l’indemnité relève du passif sans intervention de l’organisme de paiement. Ce réglage incite à clarifier, dès l’instance, l’articulation entre exposition, chronologie de l’information et objectivation de l’anxiété. Il encourage aussi une prévention documentaire rigoureuse, l’employeur devant établir la réalité, l’antériorité et l’efficacité des mesures, faute de quoi la responsabilité contractuelle demeure engagée sur un terrain autonome et distinct des mécanismes administratifs.