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La Cour d’appel de Douai, chambre sociale, statue le 27 juin 2025 sur l’appel d’un organisme de garantie contre un jugement du conseil de prud’hommes de Dunkerque du 15 novembre 2023. Le litige concerne le préjudice d’anxiété lié à l’amiante, la prescription de l’action fondée sur l’obligation de sécurité, et la prise en charge de la créance en procédure collective. Un salarié ayant travaillé sur un site métallurgique entre 1969 et 2003 sollicite des dommages-intérêts, tandis que le liquidateur judiciaire et l’organisme de garantie contestent la recevabilité, le bien‑fondé et l’étendue d’une éventuelle garantie. La juridiction d’appel confirme la recevabilité et la non‑prescription, retient un manquement à l’obligation de sécurité, évalue le préjudice à 10 000 euros et met hors de cause l’organisme de garantie au regard de l’article L.3253-8 du code du travail.
La question posée est double. D’une part, déterminer le point de départ de la prescription biennale d’une action en réparation du préjudice d’anxiété amiante fondée sur l’exécution du contrat. D’autre part, préciser les critères de la responsabilité de l’employeur au titre de l’obligation de sécurité et la naissance de la créance d’anxiété au regard de la garantie en procédure collective. La Cour retient que la prescription court à compter de la connaissance complète du risque élevé de développer une pathologie grave, que l’employeur ne démontre pas avoir pris toutes les mesures nécessaires, et que la créance, née postérieurement au jugement d’ouverture, n’est pas garantie.
I. Le point de départ de la prescription biennale de l’action en préjudice d’anxiété
A. La connaissance complète du risque comme fait générateur temporel
La Cour rappelle le cadre légal de l’article L.1471-1 du code du travail et affirme que « le point de départ du délai de prescription de l’action […] et la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante ». Elle précise que « ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin », ce qui préserve la cohérence entre l’exécution du contrat et l’appréhension du danger par le travailleur.
L’arrêt insiste sur le caractère non nécessairement concomitant entre exposition et conscience du risque. Il énonce que « cette connaissance, qui n’est complète que lorsque cette exposition a pris fin, n’intervient pas obligatoirement à l’issue de cette exposition, voire au moment de la rupture du contrat de travail du salarié ». L’identification d’un événement d’information public, massif et objectivé, révélant l’ampleur du danger sur le site, fonde ici la fixation d’une date précise à laquelle le salarié acquiert une connaissance pleine et entière du risque.
B. La charge de la preuve d’une antériorité de la connaissance
La Cour approuve les premiers juges d’avoir fixé le point de départ à une date postérieure à la rupture, tout en ordonnant une exigence probatoire claire. Elle souligne en effet qu’« il appartient » à la partie qui invoque la prescription « de démontrer une telle antériorité », et constate l’absence d’éléments établissant l’information personnelle du salarié conforme aux textes d’hygiène et sécurité applicables.
Cette position s’inscrit dans la jurisprudence récente admettant le préjudice d’anxiété hors des seuls établissements listés et articulant le délai autour d’un fait révélateur de la connaissance du risque. Elle concilie sécurité juridique et protection du travailleur en évitant une forclusion artificielle lorsqu’aucune preuve d’une information individualisée, claire et datée n’est rapportée par l’employeur ou son représentant.
II. La responsabilité pour manquement à l’obligation de sécurité et la portée en procédure collective
A. Les critères de caractérisation du manquement et du préjudice d’anxiété
Au fond, la Cour rappelle la règle probatoire issue des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, en affirmant qu’« il appartient à l’employeur […] de justifier qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé ». Les éléments versés par le salarié établissent une exposition durable aux poussières d’amiante au poste, tandis que les pièces adverses, limitées à des opérations tardives de dépose et désamiantage, ne suffisent pas à démontrer des mesures généralisées, effectives et adéquates pendant la période d’emploi.
Le juge ajoute une précision décisive sur l’autonomie du dommage. Il indique qu’« il importe peu que le salarié ne soit ni malade ni contaminé, le préjudice d’anxiété allégué résultant de la seule inquiétude permanente ». La preuve de cette inquiétude, consolidée par des témoignages circonstanciés, justifie une indemnité de 10 000 euros, cohérente avec l’intensité de l’exposition et la durée de la carrière, sans qu’il soit requis de caractériser une pathologie indemnisable au titre du régime des maladies professionnelles.
B. La naissance de la créance d’anxiété et l’exclusion de la garantie en procédure collective
La Cour rattache la naissance de la créance d’anxiété à la date de la connaissance complète du risque, et non à la période d’exposition ni à la rupture du contrat. Ce rattachement emporte une conséquence décisive en présence d’une procédure de redressement puis de liquidation antérieurement ouverte. La créance, juridiquement née postérieurement au jugement d’ouverture, n’entre pas dans le périmètre des créances garanties au sens du code du travail.
Cette articulation confirme la double temporalité propre aux litiges amiante. L’exposition, antérieure, fonde la responsabilité pour manquement, mais la prise de conscience complète du danger fait naître le dommage d’anxiété et, partant, la créance. La solution retenue évite une extension mécanique de la garantie en procédure collective à des créances extra‑contractuelles nées après l’ouverture, tout en assurant l’indemnisation du salarié par fixation au passif, conformément aux règles de la liquidation. Elle éclaire la pratique en circonscrivant précisément le fait générateur et en consolidant le régime probatoire de l’obligation de sécurité dans les contentieux d’exposition à l’amiante.