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Je constate que le texte de la décision que vous souhaitez faire commenter est intégré directement dans votre message. Je vais procéder à la rédaction du commentaire d’arrêt sur la base de cette décision de la Cour d’appel de Douai du 27 juin 2025.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 27 juin 2025 illustre la complexité contentieuse du préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante en milieu industriel. Un salarié, ayant travaillé du 3 juillet 1969 au 31 juillet 2010 au sein d’une usine sidérurgique, sollicitait la réparation de son préjudice d’anxiété résultant de son exposition aux poussières d’amiante.
Les faits révèlent qu’un opérateur machines-outils a exercé ses fonctions pendant plus de quarante ans sur un site industriel exploité successivement par plusieurs sociétés. La dernière exploitante a fait l’objet d’un redressement judiciaire le 7 mars 2014, puis d’une liquidation judiciaire le 24 juillet 2014. Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Dunkerque aux fins d’obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété.
Par jugement de départage du 15 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Dunkerque a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, jugé l’employeur responsable du préjudice d’anxiété et fixé la créance indemnitaire à la somme de 10 000 euros au passif de la procédure collective. L’AGS a interjeté appel le 13 janvier 2024, contestant tant la recevabilité de l’action que le bien-fondé de la demande indemnitaire.
La question posée à la cour était double. Il convenait d’abord de déterminer le point de départ du délai de prescription biennale applicable aux actions fondées sur le préjudice d’anxiété. Il fallait ensuite apprécier si la garantie de l’AGS pouvait être mobilisée pour une créance née de l’exposition à l’amiante.
La cour confirme le jugement entrepris en retenant que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave. Cette connaissance ne peut être antérieure à la publication médiatique d’une décision juridictionnelle favorable à l’inscription de l’établissement sur la liste ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante.
I. La détermination du point de départ de la prescription de l’action en réparation du préjudice d’anxiété
A. L’articulation entre exposition et connaissance du risque
La cour rappelle le principe posé par l’article L. 1471-1 du code du travail selon lequel « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Cette règle, d’application générale, trouve une déclinaison particulière en matière de préjudice d’anxiété.
L’arrêt précise que « le point de départ du délai de prescription de l’action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d’anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante ». Cette formulation reprend la jurisprudence établie par la Cour de cassation en la matière.
La cour opère une distinction fondamentale entre deux temporalités. D’une part, l’exposition elle-même, qui constitue le fait générateur du dommage. D’autre part, la connaissance du risque par le salarié, qui détermine le point de départ de la prescription. La juridiction souligne que « ces deux éléments ne sont pas nécessairement concomitants, alors que le travailleur n’a pas nécessairement une connaissance pleine, entière et immédiate du danger que représente cette exposition ».
Cette analyse traduit une approche protectrice des droits du salarié. La simple présence sur un site exposé ne suffit pas à faire courir le délai de prescription. Encore faut-il que le travailleur ait acquis une connaissance effective et complète du péril sanitaire encouru.
B. Le rôle de la médiatisation des procédures collectives d’inscription
La cour valide le raisonnement des premiers juges qui avaient fixé le point de départ de la prescription au 20 décembre 2018. Cette date correspond à la publication d’un article de presse relatant un jugement favorable du tribunal administratif de Lille concernant l’inscription du site sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA.
L’arrêt retient que « l’action visant à voir bénéficier des mesures de l’ACAATA, permettant aux salariés d’obtenir un départ anticipé à la retraite en raison de la fragilité physique qu’induit l’exposition des salariés à l’amiante au sein de l’entreprise, constitue le point d’orgue du préjudice d’anxiété subi ». Cette qualification révèle l’interdépendance entre les procédures administratives d’inscription et les actions indemnitaires individuelles.
La référence à la diffusion médiatique comme élément déclencheur de la connaissance du risque présente un intérêt pratique considérable. Elle objective un critère qui pourrait autrement demeurer purement subjectif. La publication dans un quotidien régional à large diffusion garantit que l’information était accessible à l’ensemble des salariés concernés.
Cette solution s’inscrit dans une évolution jurisprudentielle favorable aux victimes de l’amiante. Elle évite que le délai de prescription ne commence à courir alors même que le salarié ignore légitimement le caractère nocif de ses conditions de travail. La cour refuse ainsi de faire peser sur le travailleur la charge d’une vigilance que seules les autorités sanitaires et judiciaires sont en mesure d’exercer efficacement.
II. Les implications de la reconnaissance du préjudice d’anxiété dans le cadre d’une procédure collective
A. La fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire
La procédure collective de l’employeur impose un cadre procédural particulier à l’action indemnitaire du salarié. La créance de dommages-intérêts ne peut faire l’objet d’une condamnation au paiement mais doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire. Cette règle, inhérente au droit des entreprises en difficulté, affecte nécessairement les perspectives de recouvrement du salarié.
Le jugement entrepris avait fixé la créance à 10 000 euros au titre du préjudice d’anxiété. La société BTSG, en sa qualité de liquidateur judiciaire, contestait tant le principe de la responsabilité que le quantum de l’indemnisation. Elle soutenait subsidiairement que l’indemnité devait être calculée proportionnellement à la période d’emploi.
La cour écarte cette argumentation en confirmant le montant retenu par les premiers juges. Le préjudice d’anxiété se caractérise par son autonomie. Il ne dépend pas directement de la durée d’exposition mais de l’intensité de l’inquiétude générée par la révélation du risque sanitaire. La proposition d’une indemnisation proportionnelle au temps de travail méconnaît la nature même de ce préjudice, qui affecte le salarié dans sa globalité indépendamment de la chronologie de son parcours professionnel.
Le liquidateur judiciaire invoquait également l’arrêt définitif du cours des intérêts résultant du jugement d’ouverture de la procédure collective. Cette règle, prévue par l’article L. 622-28 du code de commerce, s’applique effectivement aux créances antérieures au jugement d’ouverture. Elle limite ainsi les conséquences financières pour la masse des créanciers tout en préservant le droit à indemnisation dans son principe.
B. La garantie de l’AGS et ses limites temporelles
L’AGS contestait sa garantie en soutenant que la créance était née en dehors des périodes couvertes par l’article L. 3253-8 du code du travail. Cet argument reposait sur une conception restrictive du fait générateur de la créance indemnitaire.
La garantie de l’AGS couvre les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d’observation ou dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession. Elle s’étend également aux créances résultant de l’exécution du contrat de travail.
Le préjudice d’anxiété trouve son origine dans l’exécution du contrat de travail, période durant laquelle le salarié a été exposé à l’amiante. La circonstance que la connaissance du risque soit postérieure à la rupture du contrat ne modifie pas la nature de la créance. Celle-ci demeure une créance d’indemnisation d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, obligation qui s’impose pendant toute la durée de la relation de travail.
L’AGS soutenait par ailleurs qu’elle ne garantissait pas les sommes allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, des dépens et des astreintes. Cette position correspond effectivement au droit positif. La garantie légale se limite aux créances de nature salariale ou assimilée, à l’exclusion des frais de procédure qui relèvent d’un autre régime juridique. Le jugement entrepris avait correctement délimité le périmètre de cette garantie en ordonnant au liquidateur de délivrer un relevé de créance dans un délai de trente jours sous astreinte provisoire.