Cour d’appel de Douai, le 27 juin 2025, n°24/00927

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Rendue par la Cour d’appel de Douai, chambre sociale, le 27 juin 2025, la décision tranche un contentieux prud’homal relatif au licenciement pour inaptitude d’un salarié employé depuis 2009 dans une petite structure du commerce alimentaire. L’affaire naît d’un accident du travail suivi d’arrêts maladie, d’un avis d’aptitude avec restrictions, puis d’une inaptitude prononcée en une visite. Le salarié réclame notamment des heures supplémentaires, une indemnité complémentaire au titre de l’accident, la nullité du licenciement, et un rappel de salaire après reprise, tandis que l’employeur sollicite le remboursement d’indemnités de rupture versées selon le régime professionnel.

La procédure révèle un jugement de rejet en première instance, puis un appel principal du salarié et un appel incident de l’employeur. Les prétentions opposées portent sur la preuve des heures et des dépassements, la reprise du paiement du salaire dans le mois, le respect des préconisations de la médecine du travail, la recherche de reclassement, l’application du régime protecteur des victimes d’accident du travail et la régularité de l’attestation destinée à France Travail. La question centrale vise, d’une part, la charge de la preuve des heures et la caractérisation de manquements salariaux, d’autre part, le point de savoir si l’inaptitude présente une origine au moins partiellement professionnelle entraînant les effets protecteurs correspondants. La cour réforme partiellement, alloue un modeste rappel de salaire, confirme le rejet des demandes principales du salarié, et refuse le remboursement des indemnités de rupture réclamé par l’employeur.

I. Le rejet des griefs salariaux et probatoires

A. Les exigences probatoires en matière d’heures supplémentaires

La cour rappelle le cadre légal de la preuve, citant le standard désormais classique. Elle énonce que « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ». Elle ajoute que la prescription quinquennale, désormais triennale, borne la demande à compter d’une date utile, précisant que « l’appelant ne peut solliciter un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires éventuellement accomplies que pour la période courant à compter du 23 septembre 2017 ».

Appliquant ces principes, la cour confronte les décomptes unilatéraux à des indices objectifs. Elle relève des incohérences récurrentes, des fermetures de magasin les jours prétendument travaillés, et des messages attestant d’une latitude incompatible avec les heures revendiquées. Cette motivation contextualisée témoigne d’une vérification concrète des éléments produits, conforme à l’économie de l’article L. 3171-4 du code du travail et à la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’exigence d’éléments « suffisamment précis ». La méthode respecte l’équilibre probatoire, sans inverser la charge.

B. La portée du défaut d’étaiement et les effets corrélatifs

La conséquence est nette. La cour affirme que « il s’ensuit que celui-ci n’étaye pas sa demande au titre des heures supplémentaires et que ni le non-respect des durées maximales de travail ni le travail dissimulé allégué ne sont caractérisés ». La formulation, ramassée, regroupe les chefs dépendants d’une même démonstration et rejette l’enchaînement prétorien souvent invoqué entre heures, dépassements et dissimulation.

La solution ménage toutefois un correctif ponctuel sur une retenue opérée au titre de trois journées. La cour juge en effet, au visa du principe gouvernant les amendes et retenues, que « il appartient à l’employeur de justifier cette retenue; qu’il ne le démontre pas », et alloue un rappel de 119,84 euros, augmenté des congés afférents. Cette précision souligne que l’échec sur les heures supplémentaires n’emporte pas rejet mécaniquement de tout grief salarial, dès lors qu’une retenue doit être probante et individualisée. La transition se dessine vers l’examen des obligations de l’employeur en présence d’une inaptitude médicalement constatée.

II. L’inaptitude du salarié et l’application du régime protecteur

A. Le respect des préconisations médicales et l’obligation de sécurité

La cour écarte d’abord l’allégation d’un harcèlement greffé sur un prétendu non-respect des restrictions. Elle constate l’aménagement de l’horaire à quatre heures quotidiennes, la limitation des charges, l’affectation à des tâches compatibles et une intervention ergonomique. Elle en déduit que « il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’intimé a bien respecté les préconisations du médecin du travail et n’a pas commis de manquement à son obligation de sécurité ». La motivation s’inscrit dans la logique de l’obligation de sécurité de moyens renforcée, appréciée au regard des mesures prises et de leur effectivité.

La discussion sur le délai de la visite de reprise illustre une rigueur tempérée. La cour qualifie le dépassement du délai de huit jours d’irrégularité de pure forme, précisant que « ce non-respect ne constitue qu’une simple irrégularité sans effet sur la légitimité du licenciement ». L’analyse évite de sursanctionner un léger retard non imputable de façon certaine à l’employeur, en cohérence avec la fonction du contrôle médical de l’aptitude.

B. Le jeu des règles protectrices et ses conséquences indemnitaires

S’agissant de l’origine de l’inaptitude, la cour énonce un principe de portée générale, conforme au droit positif. Elle retient que « les règles protectrices des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cette maladie et que l’employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ». Elle constate, au vu des pièces médicales, le lien partiel avec l’accident et la connaissance de l’employeur, entraînant l’application du régime spécial.

Les effets sont ordonnés autour de deux séries de conséquences. D’une part, la reprise de la rémunération à l’issue d’un mois après la visite de reprise est mise en œuvre, la cour notant que « conformément à l’article L1226-4 du code du travail, l’intimé avait repris le versement du salaire à compter du 30 août 2019 jusqu’au 27 septembre 2019 ». D’autre part, l’indemnité spéciale et l’indemnité compensatrice de préavis dues en cas d’inaptitude d’origine professionnelle n’ont pas à être remboursées, faute de contestation sérieuse de leur quantum et en présence du lien reconnu. Le grief relatif à l’attestation destinée à France Travail reste inopérant, le salarié n’ayant pas précisé les anomalies alléguées. La mesure d’exécution se limite à la « remise d’un bulletin de paye conforme » sans astreinte, les dépens étant partagés et aucune indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’étant allouée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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