Cour d’appel de Douai, le 27 juin 2025, n°24/00973

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La Cour d’appel de Douai a rendu, le 27 juin 2025, un arrêt en matière sociale relatif à des demandes formées par un salarié d’une entreprise ultérieurement placée en liquidation judiciaire. La juridiction était saisie, d’une part, d’une prétention indemnitaire fondée sur la dissimulation de travail et, d’autre part, d’une demande d’indemnité compensatrice de congés payés, avec appel à la garantie de l’institution de garantie des salaires.

Les faits tiennent à une relation de travail débutée en décembre 2021, puis à l’ouverture d’une procédure de liquidation en janvier 2023. Le salarié soutenait avoir perçu, outre les salaires mentionnés aux bulletins, des sommes nettement supérieures déposées sur son compte bancaire, imputées selon lui à une dissimulation organisée. Il indiquait également ne pas avoir reçu tous ses bulletins.

Sur le plan procédural, le salarié a saisi, en avril 2023, la juridiction prud’homale afin de voir fixer sa créance au passif, notamment au titre du travail dissimulé, des congés payés et de la délivrance des bulletins. Il a été débouté. En appel, il sollicite l’infirmation sur ces points. L’institution de garantie conclut à la confirmation, en contestant la preuve des allégations et en discutant sa propre garantie.

La question centrale portait sur la caractérisation du travail dissimulé, au regard des critères d’intentionnalité et des obligations déclaratives, ainsi que sur le paiement des congés payés dans la branche du bâtiment, où une caisse se substitue à l’employeur. La Cour retient le rejet de la dissimulation, mais accueille partiellement la demande relative aux congés payés, avec fixation d’une somme limitée.

La Cour encadre d’abord son office en rappelant que « Il est de règle qu’en l’absence de l’intimé la cour ne fait droit aux demandes que si elles sont fondées. » Elle cite ensuite le régime légal du travail dissimulé et ses effets: « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié […] a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. » Elle tranche enfin en ces termes: « Aucune des conditions d’application du texte susvisé n’étant réunie il convient de confirmer le jugement. » S’agissant des congés, la Cour rappelle que « Il est de règle que dans la branche du bâtiment les indemnités de congés payés sont servies par une caisse se substituant à l’employeur », tout en mettant à la charge de ce dernier les conséquences de ses défaillances contributives.

I. La qualification de travail dissimulé écartée

A. Les critères légaux et l’exigence probatoire

La Cour d’appel se conforme aux articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, qui commandent la réunion d’actes positifs de dissimulation, ainsi qu’un élément intentionnel précis. Elle relève l’absence d’omission avérée de déclaration préalable d’embauche, d’immatriculation ou de délivrance de bulletins, de même que la preuve de mentions d’heures minorées. Elle rappelle utilement que « les bulletins de paie […] sont quérables, c’est-à-dire que le salarié doit en demander la délivrance », l’abstention de sollicitation empêchant d’inférer l’intention frauduleuse. L’office judiciaire reste ainsi gouverné par la preuve stricte des manquements énumérés par la loi.

L’argument tiré de mouvements bancaires supérieurs aux salaires contractuels se heurte à l’exigence d’un lien probant avec l’employeur et à l’identité salariale des versements. La Cour insiste sur l’irrégularité des montants et l’absence d’identité de rythme, éléments incompatibles avec une rémunération occultée. Elle souligne aussi l’absence de déclaration fiscale par l’intéressé, ce qui fragilise la nature salariale alléguée des sommes.

B. L’appréciation des éléments produits au regard de l’intentionnalité

L’arrêt neutralise un procès-verbal ancien et étranger à l’espèce, inapte à établir une fraude contemporaine à la relation de travail. Ce tri temporel et matériel des preuves est rigoureux, sans excès formaliste, car il s’attache à l’employeur visé et à la période utile. La Cour constate, en outre, l’absence d’interpellation de l’employeur ou du mandataire, pourtant de nature à objectiver une discordance salariale. Faute d’indices concordants, l’intentionnalité fait défaut.

Cette motivation ferme repose sur un contrôle serré des deux piliers du travail dissimulé: l’acte de dissimulation et l’élément intentionnel. Elle consacre une orthodoxie probatoire protectrice de la sécurité juridique. Le principe est clair: « Aucune des conditions d’application du texte susvisé n’étant réunie il convient de confirmer le jugement. »

II. L’indemnité compensatrice de congés payés accueillie partiellement

A. La substitution de la caisse et la charge de la preuve

L’arrêt réaffirme une règle bien installée dans le secteur du bâtiment: « Il est de règle que dans la branche du bâtiment les indemnités de congés payés sont servies par une caisse se substituant à l’employeur. » Ce schéma impose à l’employeur de justifier de ses cotisations, à peine d’engager sa responsabilité si la carence causale provoque un préjudice. La Cour censure la tentative d’inversion de la charge de la preuve, en jugeant qu’il n’appartient pas au salarié d’établir ses démarches auprès de la caisse lorsque la défaillance contributive n’est pas contredite.

La solution retient donc une créance à ce titre, calculée selon le salaire contractuel, et non selon les sommes revendiquées hors bulletin. Elle le rappelle d’ailleurs expressément: « Le salaire à retenir étant non pas celui dont le salarié se prévaut mais celui mentionné sur les bulletins de paie. » Ce choix s’inscrit dans la continuité de la fixation prudente des créances au passif.

B. L’assiette, la fixation et la garantie de la créance

La Cour fixe l’indemnité à dix pour cent des rémunérations sur la période courte d’emploi, soit un montant limité, compatible avec le principe de réparation adéquate. Elle ordonne la délivrance des bulletins manquants, consacrant l’utilité probatoire et liquidative de ces documents. La garantie légale due au titre de l’exécution du contrat est admise dans la stricte mesure du texte applicable, sans extension aux demandes rejetées.

Ce faisant, l’arrêt articule la logique de substitution sectorielle avec les impératifs de la procédure collective. La garantie suit la dette née de l’exécution, tandis que les prétentions étrangères à cette qualification restent hors champ. La solution, équilibrée, sécurise l’office du juge-commissaire social et la prévisibilité des couvertures légales.

L’ensemble dégage une ligne directrice nette. L’office est restrictif en matière de dissimulation, faute d’éléments objectifs et intentionnels, mais effectif sur les congés payés lorsque la mécanique de substitution et la charge probatoire penchent contre l’employeur défaillant. La décision s’enracine dans une lecture précise des textes et dans des extraits explicites, tels que « les bulletins de paie […] sont quérables » et « Le salaire à retenir étant non pas celui dont le salarié se prévaut mais celui mentionné sur les bulletins de paie ». Elle joint ainsi rigueur probatoire et pragmatisme liquidatif.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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