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Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel de Douai statue sur un appel dirigé contre un jugement du juge de l’exécution du 26 août 2024, relatif à une procédure de saisie des rémunérations. À l’origine, une ordonnance de taxe du 15 décembre 2022 avait liquidé des honoraires au profit d’un avocat, notifiée le 21 décembre 2022. Des mesures d’exécution ont suivi, comprenant un commandement aux fins de saisie-vente et l’indisponibilité de certificats d’immatriculation, tandis qu’une rectification d’erreur matérielle intervenue le 25 septembre 2023 a ajusté le solde dû. Un virement a ensuite couvert le principal liquidé. Le créancier a néanmoins requis la saisie des rémunérations pour intérêts et frais restants.
Par jugement, le juge de l’exécution a autorisé la saisie pour 1 313,56 euros (507,76 euros d’intérêts et 805,80 euros de frais), rejeté la demande de dommages-intérêts du débiteur et alloué une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. L’appelant a sollicité l’infirmation totale du jugement et des dommages-intérêts. L’intimé a conclu à la confirmation, a formé appel incident pour obtenir la réévaluation du quantum à 1 405,48 euros, sur justificatifs nouvellement produits, et a demandé une indemnité complémentaire.
La cour fixe d’abord le périmètre de son office au regard des conclusions d’appel. Elle rappelle que « En application de l’article 954 alinéas 1, 2 et 3 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées dans le dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. » L’appel principal n’articulant pas, dans son dispositif, de prétentions dirigées contre l’autorisation de saisie et l’indemnité de première instance, la cour n’examine que l’appel incident portant sur le montant, la demande indemnitaire du débiteur et les frais d’appel. Elle infirme partiellement le jugement pour prendre en compte des justificatifs de frais d’exécution, et confirme l’absence de faute d’exécution.
La question de droit tient, d’une part, à l’effet limitatif du dispositif des conclusions d’appel sur l’office de la cour, et, d’autre part, à la preuve et à l’imputation des frais d’exécution dans une saisie des rémunérations, au regard du droit des procédures civiles d’exécution. La solution précise l’exigence formelle de l’article 954 du code de procédure civile et admet la production, en appel, de pièces probatoires relatives aux frais d’exécution, conduisant à réévaluer le quantum saisi.
I. La délimitation de l’office d’appel par l’article 954 du code de procédure civile
A. L’exigence autonome du dispositif et son effet limitatif
La cour adopte une lecture stricte de l’article 954, en isolant le dispositif comme seule source des prétentions recevables en appel. Elle cite textuellement que « les prétentions sont récapitulées dans le dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». L’argumentation développée dans le corps des conclusions ne supplée donc pas un dispositif incomplet. La portée pratique est nette : un chef de jugement ne peut être réexaminé si le dispositif n’en demande pas explicitement la réformation.
Cette rigueur formelle répond à la sécurité juridique et à la lisibilité du litige porté devant la juridiction d’appel. Elle impose aux avocats un soin particulier de concordance entre moyens et dispositif, notamment lorsque la critique vise l’autorisation de la saisie ou l’allocation d’une indemnité procédurale. L’économie du procès y gagne, au prix d’une sanction procédurale forte de l’oubli rédactionnel.
B. Conséquences concrètes sur l’étendue du contrôle de la cour
La conséquence procédurale, ici, est immédiate. L’appel principal se trouvant privé de prétentions opérantes contre l’autorisation de saisie et l’indemnité de première instance, la cour confirme ces chefs sans débat au fond. L’office de la cour se concentre alors sur le seul appel incident du créancier, la demande indemnitaire résiduelle du débiteur, et les frais d’appel. Cette solution illustre une ligne constante : l’étendue du litige en appel est déterminée par le dispositif, non par l’intitulé général d’infirmation.
L’approche renforce la prévisibilité des issues de l’instance d’appel. Elle limite les revirements implicites et évite les surprises procédurales. Elle conforte, en outre, la logique de concentration des prétentions et assure un traitement ciblé des questions véritablement soumises à la juridiction.
II. La preuve des frais d’exécution et l’ajustement du quantum saisi
A. L’exigence probatoire des frais et la prise en compte de pièces nouvelles
Le premier juge avait réduit le montant saisissable, faute de justificatifs pour certaines diligences d’exécution. La cour rappelle la motivation initiale en ces termes : « Pour limiter le montant à hauteur duquel la saisie des rémunérations était autorisée à 1 313,56 euros, le premier juge a relevé que, s’agissant des frais réclamés au titre d’une requête Ficoba (pour 51,07 euros) et d’une requête SIV (pour 40,85 euros), aucune pièce justificative n’avait été produite. » En cause d’appel, ces pièces sont versées, ce qui emporte réévaluation du quantum à 1 405,48 euros, en distinguant intérêts et frais d’exécution.
Le raisonnement s’inscrit dans le cadre de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, qui admet l’imputation au débiteur des frais nécessaires, proportionnés et justifiés. La cour vérifie l’utilité des diligences, leur coût et leur rattachement direct à l’exécution du titre. La production tardive, mais recevable, de requêtes Ficoba et SIV permet de réparer l’insuffisance probatoire et d’ajuster la condamnation accessoire. La méthode préserve l’équilibre : vigilance sur la preuve, sans rigidité excessive contre l’efficacité de l’exécution.
B. La proportionnalité des mesures et l’absence de faute d’exécution
Le juge de l’exécution avait jugé légitimes et proportionnées les actes d’exécution. La cour confirme le rejet des dommages-intérêts. L’existence d’un titre exécutoire liquidé, la progression des diligences (commandement, indisponibilités, saisie des rémunérations), et l’affectation des sommes réglées au principal plaident contre toute qualification de manœuvres abusives. Faute de démonstration d’un préjudice distinct et certain, la responsabilité délictuelle ne prospère pas.
La solution s’aligne avec les exigences classiques : la faute du créancier poursuivant suppose un excès manifeste ou une disproportion, ou encore l’usage d’une mesure inutile. L’arrêt montre que l’exécution peut se poursuivre pour les accessoires encore dus, dès lors qu’ils sont établis et conformes au principe de nécessité. La condamnation complémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel, ainsi que la charge des dépens, traduit corrélativement le statut de partie perdante et le surcroît de frais exposés.
A. Portée procédurale : rigueur du dispositif, sécurité des débats
La portée de l’arrêt est nette pour la pratique d’appel. La rédaction du dispositif devient l’axe déterminant de l’office de la cour. L’invocation générale d’une infirmation « en toutes ses dispositions » ne suffit pas. Chaque chef critiqué doit être explicitement visé par une prétention claire et autonome, afin d’ouvrir la voie à un réexamen. Cette exigence participe d’un contentieux plus lisible et d’audiences mieux ciblées, sans préjudice pour le droit au juge dès lors que la vigilance rédactionnelle est respectée.
Sur le terrain probatoire, la cour admet utilement la régularisation par la production de pièces démontrant des frais précis, utiles et proportionnés. Cette ouverture concilie la recherche de la vérité des coûts avec le respect du contradictoire, dès lors que les pièces sont soumises en temps utile et discutées.
B. Portée matérielle : articulation entre efficacité de l’exécution et protection du débiteur
En matière d’exécution, l’arrêt illustre un équilibre. D’un côté, l’effectivité des titres est garantie par l’imputation des frais strictement justifiés et par l’actualisation des montants saisis. De l’autre, la proportionnalité demeure la clef de voûte du contrôle, en empêchant la dérive des diligences et la multiplication de frais non utiles. L’augmentation du quantum saisissable, limitée aux frais prouvés et aux intérêts calculés, formalise ce juste milieu.
Le rejet de la demande indemnitaire confirme que la seule multiplicité des actes licites ne suffit pas. Le débiteur qui a réglé le principal demeure tenu des accessoires, soumis à preuve rigoureuse, et ne peut obtenir réparation qu’en cas d’abus caractérisé. L’attribution d’une indemnité procédurale complémentaire en appel, enfin, reflète l’économie générale du litige et la charge concrète des frais exposés devant la juridiction du second degré.