Cour d’appel de Douai, le 3 juillet 2025, n°24/05526

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Par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 3 juillet 2025, la juridiction a tranché un litige relatif à la mainlevée partielle d’une saisie-vente pratiquée sur des biens mobiliers garnissant un établissement commercial. La contestation portait sur l’appartenance de plusieurs biens au débiteur, et sur l’effet de clauses de réserve de propriété invoquées pour certains d’entre eux.

Les faits sont simples. À la suite d’un titre exécutoire, un commandement de payer a été délivré, puis une saisie-vente a été réalisée le 31 juillet 2024 sur des tables, chaises, fours et divers matériels de bar et de cuisine. Le débiteur a alors saisi le juge de l’exécution afin d’obtenir la mainlevée, soutenant que plusieurs biens ne lui appartenaient pas ou demeuraient soumis à réserve de propriété.

Par jugement du 8 novembre 2024, le juge de l’exécution a ordonné une mainlevée partielle pour des tables, des chaises et deux fours, rejetant la demande pour le surplus. Le débiteur a interjeté appel, sollicitant l’extension de la mainlevée, tandis que le créancier a formé appel incident pour faire rétablir la saisissabilité des biens libérés et obtenir la condamnation de son adversaire aux dépens et frais irrépétibles.

Le débat a porté sur la preuve de l’absence de propriété du débiteur, au regard de l’article R. 221-50 du code des procédures civiles d’exécution, des clauses de réserve de propriété invoquées, et de l’identification précise des biens saisis. La cour confirme la mainlevée pour les tables, chaises et fours, infirme pour une table ronde noire, retient la propriété du débiteur sur une machine à café faute de preuve contraire, et maintient la saisie pour plusieurs matériels en raison d’incohérences d’identification entre factures et procès-verbal. Le principe directeur est clairement énoncé: « En application de l’article R. 221-50 du code des procédures civiles d’exécution, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire. »

I – Le sens de la décision

A – Le cadre légal et la preuve

La cour rappelle d’abord la règle gouvernant la nullité de la saisie dès lors que le bien n’appartient pas au débiteur. Cette règle emporte une conséquence probatoire nette: il revient à celui qui conteste la saisie d’établir de manière certaine l’absence de propriété. L’arrêt s’inscrit dans ce sillage, exigeant des éléments précis, contemporains et concordants.

S’agissant des biens revendiqués sous clause de réserve de propriété, la cour retient que des factures régulières, contenant la clause, permettent d’identifier les biens saisis comme étant demeurés, à la date utile, sous contrôle du vendeur. L’analyse privilégie une lecture concrète des pièces, en recherchant la concordance entre libellés, quantités, et nature des meubles. Elle confirme ainsi la mainlevée pour des ensembles tables et chaises ainsi que deux fours, dont l’individualisation ressortait sans ambiguïté des documents produits.

B – L’individualisation des biens saisis

La solution est inverse lorsqu’aucune correspondance fiable ne peut être établie. L’arrêt souligne qu’une simple proximité de catégories de biens ou d’usage ne suffit pas. L’exigence d’individualisation reste décisive, spécialement pour des équipements de série qui appellent des vérifications de marque, modèle ou références.

La motivation est particulièrement éclairante sur ce terrain probatoire. La cour retient: « En tout état de cause, il sera relevé que les matériels qui, sur la facture du 22 février 2018 correspondraient à la cave à vin et au réfrigérateur deux portes sont de marque Inomak, alors que le procès-verbal de saisie mentionne que la cave à vin est de marque Vinilux et le réfrigérateur deux portes de marque Husky. Il en est de même pour le lave-vaisselle qui apparaît comme de marque Winterhalter sur la facture du 22 février 2018 alors qu’il est mentionné comme étant de marque Meiko sur le procès-verbal de saisie. Enfin, rien ne permet de considérer que le réfrigérateur trois portes et la machine ACFRI mentionnés sur le procès-verbal de saisie-vente correspondent au réfrigérateur Inomak PN 2999 trois portes et au ‘Bark cooler’ mentionnés sur la facture du 22 février 2018. » La discordance de marque, de modèle et de désignation emporte donc maintien de la saisie.

II – Valeur et portée

A – Une exigence probatoire cohérente

La décision présente d’abord une valeur pédagogique. Elle articule clairement le standard de preuve exigé sous l’article R. 221-50 pour obtenir une mainlevée. La charge repose sur le débiteur, et la preuve doit établir une non‑propriété certaine, par des pièces concordantes et nominatives, idéalement contemporaines des opérations. Les clauses de réserve de propriété produisent leur effet dès lors que l’identification est assurée, ce qui renforce la sécurité juridique des fournisseurs et l’ordre des priorités.

La cour adopte également une démarche équilibrée. Elle confirme la mainlevée lorsque les factures et clauses s’imbriquent avec les biens saisis, et la refuse lorsque la traçabilité fait défaut. Elle corrige, en outre, l’appréciation du premier juge pour un bien non rattachable, montrant que l’individualisation n’est pas présumée et ne saurait résulter de similitudes approximatives.

B – Incidences pratiques et contentieuses

La portée est concrète pour les contentieux d’exécution. Les contestations de saisie‑vente imposent une préparation probatoire minutieuse, fondée sur des supports permettant l’individualisation matérielle des biens: marque, modèle, numéro de série, photographies datées, correspondance de livraison. À défaut, la saisie est maintenue, quand bien même des factures plus anciennes existent, si elles ne permettent pas l’assimilation certaine des biens saisis aux biens facturés.

L’arrêt rappelle aussi les limites des revendications fondées sur des appartenances tierces ou des mises à disposition alléguées, lorsqu’elles ne sont pas étayées. La cohérence temporelle des pièces, la nature des apports sociaux et la concordance des désignations techniques deviennent déterminantes. Cette approche, très opérationnelle, conforte une ligne jurisprudentielle stable: l’exécution n’est pas entravée par de simples affirmations, et la mainlevée demeure l’aboutissement d’une preuve stricte et individualisée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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