Cour d’appel de Fort de France, le 24 juin 2025, n°24/00228

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
La Cour d’appel de Fort-de-France, 24 juin 2025, statue sur un contentieux de cautionnement né à la suite de deux prêts consentis en 2012 et 2013 à une société d’exploitation, assortis d’engagements personnels du dirigeant à hauteur respectivement de 91 000 € et 306 000 €. La débitrice a été placée en redressement judiciaire en 2017, a bénéficié d’un plan en 2018, puis a été mise en liquidation en 2020. L’établissement de crédit a assigné la caution en 2021. Le tribunal mixte de commerce l’a condamnée en 2024, avec déchéance partielle des intérêts de retard pour manquement à l’information incidente. L’appel met en cause la recevabilité de la demande, la novation alléguée, la validité formelle des cautionnements, la disproportion, ainsi que la responsabilité de l’établissement prêteur.

Sur la procédure d’appel, la cour écarte des débats les dernières écritures et pièces de l’appelant déposées le jour de l’ordonnance de clôture, retenant que « le non-respect du principe de la contradiction édictée par l’article 16 du code de procédure civile justifie qu’elles soient écartées des débats ». La question de droit centrale porte ensuite sur la possibilité d’opposer une forclusion à l’action du prêteur contre la caution, sur l’existence d’une novation consécutive à un protocole de conciliation, et sur l’efficacité des moyens tirés des mentions manuscrites et des obligations d’information. La cour répond que « seule une prescription de l’action peut lui être opposée, à l’exclusion d’une forclusion », que « la déclaration de créance a interrompu la prescription à l’égard de la caution », et que « le présent accord ne fait en aucun cas novation aux accords existants ». Elle confirme la condamnation, maintient la déchéance du droit aux intérêts de retard jusqu’à la mise en demeure, et rejette les moyens de nullité, de disproportion et de responsabilité.

I. L’économie de la solution retenue en matière d’action contre la caution
A. Prescription, effets de la procédure collective et rejet de la forclusion
La cour exclut toute forclusion conventionnelle, faute de stipulation dans les contrats, et privilégie le régime de la prescription de l’action. Elle constate des incidents de paiement en 2016, puis une déclaration de créance en 2017. Elle juge que « la déclaration de créance a interrompu la prescription à l’égard de la caution » et que l’effet interruptif se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective. Dès lors, l’assignation de 2021 demeure recevable. La motivation est nette lorsqu’elle précise qu’« il en résulte que la banque […] ne peut se voir opposer ni forclusion ni prescription ». L’articulation entre obligation de couverture et obligation de paiement est rappelée avec pragmatisme, sans confusion sur l’extinction de la première et la subsistance de la seconde pendant le temps d’agir.

B. Absence de novation et validité formelle des engagements de caution
La thèse d’une novation imputée au protocole de conciliation est expressément écartée par le texte même de l’accord, qui stipule que « le présent accord ne fait en aucun cas novation aux accords existants […] [les stipulations] restent en conséquence applicables ». Le raisonnement, appuyé sur une clause claire, neutralise tout basculement d’obligation et maintient les sûretés primitives. S’agissant des mentions manuscrites, la cour constate, pour un engagement, la présence de la référence aux intérêts de retard, et, pour l’autre, l’instruction de reproduire les mentions dactylographiées qui les incluaient. Elle retient surtout que « le principe fraus omnia corrumpit interdit à la caution […] de se prévaloir de ces dispositions », solution ferme qui rejette une instrumentalisation des exigences formelles à des fins dilatoires. La compensation invoquée au titre d’un nantissement de compte est rejetée, faute de lien avec les garanties stipulées dans les contrats de prêt.

II. La valeur et la portée de la décision quant aux devoirs de l’établissement prêteur
A. Déchéance des intérêts de retard et portée du devoir d’information
La cour confirme la sanction attachée au manquement d’information incidente de la caution dans le mois du premier impayé, en énonçant que « la banque doit en conséquence être déchue du droit aux intérêts de retard échus entre […] et le 23 décembre 2020 ». La motivation distingue correctement deux obligations : l’information annuelle, accomplie, et l’information à l’incident, défaillante. La sanction retenue, limitée aux intérêts de retard jusqu’à l’avis effectif, cadre avec les textes de protection. Ce réglage proportionné renforce la prévisibilité pratique, tout en n’affectant pas le principal ni l’intérêt légal à compter de la mise en demeure.

B. L’absence de légèreté blâmable, de mise en garde et d’immixtion fautive
La cour replace l’examen de la faute dans le contexte économique initial, soulignant des exercices bénéficiaires, des indicateurs de solvabilité et des perspectives favorables lors de l’octroi. Elle écarte la légèreté blâmable et la disproportion, retenant, s’agissant de la caution, que « au regard des revenus et patrimoine personnel de la caution, ses engagements n’apparaissaient pas disproportionnés ». Le devoir de mise en garde est exclu, la caution étant avertie et rompue aux affaires, pour des opérations sans complexité particulière. L’allégation d’immixtion fautive est rejetée, la cour retenant qu’« il n’est pas démontré l’immixtion fautive dénoncée », notamment au regard d’une convention de gestion de trésorerie maintenue et d’un « compte reflet » sans incidence fautive caractérisée. L’ensemble dessine une ligne de crête équilibrée : protection de la caution par la déchéance ciblée, et sécurité des engagements lorsque la matérialité des fautes n’est pas établie.

La décision consolide une grille de lecture utile aux praticiens du contentieux de la garantie personnelle. Elle clarifie la portée de la déclaration de créance à l’égard de la caution, conforte la valeur des clauses d’« absence de novation », et réaffirme la sanction mesurée du défaut d’information à l’incident. Elle confirme, enfin, que l’appréciation de la disproportion et de la faute du prêteur demeure factuelle et exigeante, sans présomption défavorable.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture