Cour d’appel de Fort de France, le 9 septembre 2025, n°24/00130

Cour d’appel de Fort-de-France, 9 septembre 2025. La chambre sociale confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 31 mai 2024. Le litige porte sur la reconnaissance du caractère professionnel d’une pathologie déclarée, après saisine d’un comité régional de reconnaissance. Un courrier du 5 septembre 2022 a transmis l’avis défavorable du comité sans formuler de décision explicite, tandis qu’un précédent courrier du 25 mai 2022 annonçait une décision au plus tard le 23 septembre 2022.

La commission de recours amiable avait rejeté la demande. Les premiers juges ont jugé la notification insuffisante au regard du délai de cent vingt jours et admis la prise en charge. En appel, l’organisme de sécurité sociale invoque la clarté de la notification et l’autorité de l’avis du comité. L’assurée soutient l’absence de décision notifiée dans le délai légal et la reconnaissance implicite qui en résulte. La question tient à la nature de l’acte exigé à l’issue de la procédure: transmission d’un avis ou décision explicite. La cour retient l’obligation de notifier une décision formalisée, et tire les effets du silence au terme du délai.

I. L’exigence d’une décision explicite au terme de la saisine du comité

A. Le cadre légal de l’instruction et l’articulation des textes
Le raisonnement s’ancre dans la combinaison des dispositions relatives aux maladies hors tableaux. La cour rappelle que « L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1 ». Le caractère impératif de l’avis n’épuise toutefois pas l’office de la caisse, tenue de statuer. La motivation souligne ainsi que « cette dernière est tenue de prendre une décision », ce que confirme l’alinéa final du texte applicable.

Ce rappel conduit à une exigence procédurale claire, distincte du seul renvoi à l’avis. La norme de référence précise sans ambiguïté la nature de l’acte attendu. La décision précise que « La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis ». L’avis lie, la décision tranche; l’ordonnancement impose les deux temps.

B. La qualification de la lettre du 5 septembre 2022 et son insuffisance juridique
Appliquant ces principes, la cour constate que le courrier litigieux se borne à reproduire l’avis défavorable du comité et à indiquer les voies de contestation. L’objet du courrier, sa formulation et son contenu ne formulent aucun dispositif de reconnaissance ou de refus, conforme à l’avis, au sens du texte précité. L’acte transmis n’opère pas la substitution d’un dispositif à une simple information.

Le contexte épistolaire renforce l’analyse, un précédent courrier annonçant l’édiction d’une décision dans un terme déterminé. Le document du 5 septembre ne satisfait pas l’exigence de décision, faute de dispositif explicite. La solution protège la lisibilité de la procédure, qui ne présume ni connaissance technique, ni déduction implicite à partir d’un avis, fût-il liant. La cour valide ainsi l’approche des premiers juges sur la stricte distinction entre information et décision.

II. Les effets du défaut de notification et l’appréciation de la solution retenue

A. La reconnaissance implicite et la sécurité juridique des délais
À défaut de décision notifiée dans le délai de cent vingt jours, la conséquence tient à la reconnaissance implicite de l’origine professionnelle. La cour reprend la construction des premiers juges, en rattachant l’effet au dépassement du délai de la phase post‑saisine du comité. La motivation relève que l’absence de refus explicite emporte, au terme, l’admission, conformément à l’économie des délais d’instruction.

Cette lecture conforte la sécurité juridique des assurés et des employeurs, en rendant prévisible l’issue temporelle de l’instruction. Elle incite l’organisme gestionnaire à formaliser clairement ses décisions, sous peine d’un effet automatique. La solution consacre la règle procédurale comme garantie substantielle. Elle s’achève par l’affirmation nette que « Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions », ce qui stabilise le régime applicable à l’espèce.

B. Appréciation critique et incidences pratiques de l’arrêt
La solution est cohérente avec la logique du dispositif légal, qui distingue avis liant et décision notifiée. Exiger une décision explicite n’affaiblit pas l’autorité du comité; cela renforce la clarté du contradictoire et le contrôle juridictionnel. La citation « La caisse notifie immédiatement (…) la décision (…) conforme à cet avis » fixe un standard lisible, aisément vérifiable dans les contentieux d’instruction.

L’arrêt présente aussi une portée pédagogique importante pour la pratique. Les courriers reproduisant un avis sans dispositif encourent l’inefficacité quant au délai. Une rédaction standardisée, mentionnant clairement l’acceptation ou le refus, et référant à l’avis, prévient les contentieux. L’exigence protège enfin les justiciables de l’ambiguïté administrative et valorise une temporalité procédurale certaine, condition d’un droit effectif à la réparation.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture