Cour d’appel de Grenoble, le 1 juillet 2025, n°24/00517

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La cour d’appel de Grenoble, 1er juillet 2025, statue sur l’appel d’un jugement du 20 novembre 2023 relatif à la responsabilité d’une agence immobilière pour une attestation litigieuse. Le litige naît durant une procédure de divorce, après l’attribution séparée de jouissances sur deux immeubles situés dans la même commune.

Un agent commercial rédige, le 30 juin 2017, une attestation à l’en‑tête de l’agence, consignant des échanges avec l’occupante de l’un des biens. Le document contient notamment les phrases suivantes, au cœur du débat probatoire: « Elle m’a informé ne pas vouloir me recevoir » et « je suis dans l’incapacité de mettre les biens à la vente dans mon agence ». L’occupante soutient que ces mentions sont mensongères et diffamatoires, et impute à ce document des conséquences procédurales défavorables.

L’occupante assigne alors l’agence sur le fondement déontologique, sollicitant des dommages‑intérêts. L’agent commercial est appelé en intervention forcée. Le tribunal de proximité de Montélimar la déboute, la condamne aux dépens et alloue une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’appel est dirigé contre l’agence seule.

Devant la cour, l’appelante invoque un manquement à la probité et l’usage d’un papier à en‑tête pour favoriser l’autre époux, alléguant un préjudice procédural direct. L’agence réplique que l’attestation est factuelle, que l’agent intervenait comme indépendant, et qu’aucune faute ni lien de causalité n’est démontré. Elle sollicite en outre une indemnité pour procédure abusive.

La question posée est celle de la caractérisation d’une faute imputable à l’agence, au regard des règles déontologiques des agents immobiliers, et de l’existence d’un lien causal direct. La cour confirme le rejet des prétentions indemnitaires, retenant l’absence de faute prouvée et jugeant inutile l’examen des autres éléments de la responsabilité. Elle souligne, de manière décisive, qu’il peut être statué « sans qu’il soit besoin de rechercher l’existence des deux autres éléments constitutifs de la responsabilité ».

I – Le sens de la décision

A – La centralité de la preuve de la faute dans l’action indemnitaire

La cour rappelle que l’action en responsabilité délictuelle exige l’établissement préalable d’une faute. Elle examine donc le contenu objectif de l’attestation, en s’attachant aux passages déterminants. L’un d’eux retient son attention: « Elle m’a informé ne pas vouloir me recevoir ». Aucun élément du dossier ne permet de disqualifier cette mention comme mensongère, en l’absence d’allégation ferme et circonstanciée contraire en appel comme en première instance.

La motivation confronte ensuite l’allégation de refus de vente à la chronologie des démarches commerciales réellement entreprises. L’argument tiré d’un mandat postérieur ne renverse pas l’appréciation faite au jour du document litigieux. La cour cite à cet égard la donnée temporelle décisive: « le mandat de vente que l’appelante a régularisé le 18 octobre 2018, soit 16 mois après la date du document litigieux ». Le décalage temporel affaiblit l’assertion d’un caractère inexact de l’attestation au moment où elle fut rédigée.

Cette approche conduit la juridiction à juger que la preuve d’une faute imputable à l’agence n’est pas rapportée. Les juges d’appel s’en tiennent à une lecture stricte des mentions écrites, sans extrapoler au‑delà de ce que démontrent les pièces. Dès lors, la condition première de l’action indemnitaire fait défaut à l’appelante.

B – L’économie de moyens sur le lien causal et l’imputabilité

Constatant l’absence de faute démontrée, la cour s’épargne l’examen des autres conditions. Elle affirme qu’il y a lieu de statuer « sans qu’il soit besoin de rechercher l’existence des deux autres éléments constitutifs de la responsabilité ». Ce faisant, elle se conforme à une méthode classique d’économie de moyens en responsabilité civile.

L’imputabilité à l’agence des actes de l’agent commercial, discutée par les écritures, demeure ainsi en suspens, faute d’utilité pour trancher le litige. Le même raisonnement vaut pour le lien de causalité, l’appelante alléguant des répercussions procédurales dans le cadre du divorce, sans en établir l’enchaînement direct. En conservant ce cadrage, l’arrêt confirme la solution de première instance.

II – Valeur et portée de la solution

A – Une exigence probatoire mesurée au temps du fait générateur

La solution présente une cohérence interne, car elle attache la vérification de l’exactitude de l’attestation à la date de son établissement. L’argumentation retient que la preuve contraire doit porter sur la situation au moment des faits, et non sur des évolutions ultérieures. La citation « le mandat de vente que l’appelante a régularisé le 18 octobre 2018, soit 16 mois après la date du document litigieux » illustre cette rigueur chronologique.

Ce choix s’inscrit dans la logique de la responsabilité: un écrit n’est fautif que s’il relate inexactement une réalité présente, et non parce qu’une réalité ultérieure viendra la contredire. La cour refuse ainsi de faire d’un mandat tardif un indice probant d’une inexactitude initiale. La charge de la preuve reste pleinement assumée par la demanderesse à l’action.

B – Les enseignements pratiques pour la déontologie et le contentieux des attestations

L’arrêt rappelle utilement que l’invocation du code de déontologie ne dispense pas de prouver concrètement une faute imputable, distincte de la seule production d’un papier à en‑tête. Le libellé sobre de l’attestation, comprenant « je suis dans l’incapacité de mettre les biens à la vente dans mon agence », ne suffit pas à caractériser, en soi, une transgression déontologique génératrice de responsabilité civile.

La portée pratique est nette: un justiciable contestant une attestation doit réunir des éléments précis, contemporains et convergents, établissant l’inexactitude des mentions rapportées. À défaut, la demande échoue sur le premier pilier de la responsabilité. Sur les frais, la motivation demeure classique et équilibrée, retenant que « L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ». L’économie de moyens confirme enfin la décision entreprise, sans ouvrir sur des questions inutiles d’imputabilité.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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