Cour d’appel de Grenoble, le 1 juillet 2025, n°24/00611

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Cour d’appel de Grenoble, 1er juillet 2025, 1re chambre civile. L’arrêt tranche un appel limité relatif à l’évaluation de plusieurs postes de préjudice corrélés à une infection nosocomiale survenue après une arthrodèse lombaire. Les faits tiennent à une succession d’interventions, à des complications infectieuses persistantes, puis à une consolidation fixée au 3 mai 2019 avec séquelles majeures. La commission régionale avait reconnu le caractère nosocomial et proposé une indemnisation intégrale, sur la base d’un déficit fonctionnel permanent de 60 %, dont 50 % imputable à l’infection. En première instance, la réparation avait été globalement accordée, avec un débat persistant sur les pertes de gains, l’assistance par tierce personne et la prise en compte de la prestation de compensation du handicap.

La procédure d’appel vise les pertes de gains, l’assistance par tierce personne, l’imputation de la prestation spécifique et la modalité de versement de l’indemnité d’assistance. L’appel principal prétend limiter la réparation à une incidence professionnelle et réclame la déduction de la prestation sociale. L’appel incident sollicite une revalorisation des pertes de gains, de l’assistance ainsi que des postes de déficit fonctionnel. La cour confirme plusieurs postes non discutés, réévalue les pertes de gains antérieures et futures, réserve l’assistance par tierce personne, et précise les intérêts. La question directrice porte sur la méthode d’imputation des revenus de remplacement et des prestations sociales, l’étendue de la perte de gains futurs au regard des séquelles, et la preuve des sommes perçues au titre de la prestation de compensation.

La solution consacre une perte de gains professionnels antérieurs recalculée, admet une perte totale de gains futurs par l’effet déterminant des séquelles, fixe des montants de déficit fonctionnel et d’incidence, et réserve l’assistance par tierce personne en exigeant l’authentification des versements de la prestation. Elle rappelle le principe d’imputation prévu par les textes spéciaux, en cohérence avec une jurisprudence antérieure sur les prestations de même nature. Elle opte pour une méthode capitalisée, équitable et symétrique, quant à l’articulation entre revenus de remplacement et pertes futures.

I. Le sens de la décision

A. Les pertes de gains et l’imputation des revenus de remplacement

La cour rectifie d’abord l’indemnisation des pertes antérieures, en retenant la moyenne des revenus de référence et l’imputation exacte des arrérages d’invalidité. Elle relève que l’absence d’indemnités journalières découlait d’une cessation temporaire d’activité antérieure à l’infection, sans priver la victime d’une réparation des pertes réellement causées. En conséquence, elle fixe définitivement la créance pour la période pré-consolidation, en affirmant que « Il y a donc lieu de fixer à 98 082 € la somme totale à revenir […] à ce titre ». Le raisonnement demeure strictement causal, fondé sur la moyenne des gains antérieurs, corrigée des revenus de remplacement effectivement perçus.

Pour les pertes de gains futures, la cour écarte l’argument d’une simple incidence professionnelle en raison des séquelles lourdes décrites. Elle relève que la marche avec deux cannes, la posture contrainte, les douleurs majeures et la limitation des épaules rendent illusoire toute reconversion. L’arrêt énonce ainsi que l’état séquellaire « constitue de toute évidence un handicap majeur à l’exercice de toute activité professionnelle quelle qu’elle soit ». La méthode combine pertes de revenus jusqu’à la capitalisation de la rente, capitalisation des pertes jusqu’à l’âge légal, et capitalisation des droits à la retraite perdus, avec imputation du capital de la rente. Le résultat arrêté s’élève à 570 362,81 €, reflétant une évaluation globale et cohérente.

Transition: La cour prend ensuite position sur l’assistance personnelle, à la fois quant à l’assiette et quant à la source d’imputation.

B. L’assistance par tierce personne et la prestation de compensation

S’agissant de l’assistance temporaire, la cour retient un taux horaire « sur la base d’un taux horaire moyen de 23 € […] suffisant à le réparer entièrement », en l’absence de justificatifs de frais supérieurs. Surtout, elle précise le régime d’imputation applicable. Elle rappelle que l’article L. 1142-17 du code de la santé publique prévoit la déduction sur la réparation versée des « prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement, les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ». Elle qualifie la prestation de compensation d’indemnitaire, car individualisée et non soumise à condition de ressources pour son principe, de sorte qu’elle doit s’imputer sur le poste assistance. Pour garantir l’exactitude du décompte, la cour exige des pièces authentifiant les versements et réserve ce poste, avant et après consolidation, jusqu’à production probante.

Transition: Cette construction normative appelle une appréciation de sa justesse juridique et de sa portée pratique.

II. Valeur et portée

A. Une construction conforme aux textes et à la jurisprudence

La motivation s’inscrit dans le cadre spécial d’indemnisation des accidents médicaux, qui organise une imputation large des prestations de tiers payeurs sur les mêmes préjudices. La qualification indemnitaire de la prestation de compensation, assise sur ses critères légaux, s’aligne sur la solution antérieure reconnue pour une prestation voisine. Elle rejoint la jurisprudence admettant l’imputation d’une allocation d’autonomie sur l’aide humaine, en raison de sa finalité réparatrice et de son objet identique (Civ. 1re, 24 oct. 2019, n° 18-21.339). L’approche de la cour préserve l’intégralité du droit à réparation, sans surindemnisation, en articulant prestations sociales et postes de préjudice de manière rigoureuse.

La méthode quant aux pertes futures illustre une exigence de symétrie. L’arrêt retient une imputation calibrée, selon des modalités homogènes, en rappelant que « l’imputation devant se faire selon des modes de calcul équivalents ». La capitalisation sert un double objectif de cohérence et de neutralité temporelle, en évitant des décalages artificiels entre pertes et revenus de remplacement. Le régime des intérêts s’inscrit dans ce même souci d’orthodoxie, avec un point de départ calé sur la décision attributive, sans rétroactivité incompatible avec la part d’arrérages postérieurs.

Transition: Cette architecture renforce la sécurité juridique des liquidations et précise les exigences probatoires.

B. Des effets pratiques clairs pour la liquidation des préjudices

La décision clarifie le standard probatoire en matière d’imputation des prestations sociales ciblées. La réserve opérée, assortie d’une demande d’authentification, responsabilise la partie demanderesse et évite les décomptes approximatifs. Elle facilite une liquidation définitive, exacte et contrôlable, à la faveur d’un renvoi limité et utile. Le calibrage du taux horaire d’assistance à un niveau médian issu d’un référentiel indicatif favorise l’égalité de traitement, tout en restant modulable par la preuve de frais réels.

La grille de calcul des pertes de gains présente un intérêt opérationnel immédiat. La prise en compte des droits à la retraite perdus, à taux prudent, donne consistance à un poste parfois sous-évalué. La cour retient également une évaluation du déficit fonctionnel permanente solidement adossée aux barèmes de pratique, en posant que « ce préjudice sera réparé sur la base de 30 € par jour » pour le déficit temporaire le plus lourd, puis 3 700 € le point pour le déficit définitif. Cette cohérence barémique, jointe à l’analyse individualisée des séquelles, garantit une réparation intégrale, évitant les analogies inadaptées avec des taux extrêmes.

En définitive, l’arrêt combine une logique de causalité stricte et une technique de capitalisation maîtrisée. La reconnaissance d’une impossibilité objective de reconversion, à partir d’éléments médicaux précis, justifie la perte totale de gains futurs. La discipline d’imputation des prestations, fondée sur leur nature indemnitaire, limite les doublons et rend la liquidation prévisible. L’exigence documentaire sur la prestation de compensation parachève une méthode qui, tout en étant rigoureuse, demeure pragmatique et équitable.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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