Cour d’appel de Grenoble, le 11 septembre 2025, n°24/00674

Rendue par la Cour d’appel de Grenoble le 11 septembre 2025, l’affaire concerne la contestation par l’employeur de l’opposabilité d’une prise en charge au titre des maladies professionnelles. La salariée avait déclaré un syndrome du canal carpien droit, suivi d’une saisine du comité par la caisse et d’un avis favorable, puis d’une décision de prise en charge. La juridiction de première instance avait retenu l’inopposabilité pour non-respect des délais, décision infirmée en appel.

Les faits utiles tiennent à la chronologie de l’instruction après saisine du comité et à l’information adressée aux intéressés. La caisse a informé l’employeur des échéances, ouvert la période d’enrichissement du dossier, puis fixé la phase de consultation. L’employeur soutenait n’avoir bénéficié que de vingt-sept jours pour compléter, consulter et observer, en violation de l’article R. 461-10.

La procédure a conduit le premier juge à accueillir l’argument d’inopposabilité, estimant les délais d’ordre public non respectés. En appel, la caisse a soutenu que le délai de cent vingt jours, englobant le délai de quarante jours scindé en trente et dix, court à compter de la saisine du comité. L’employeur a demandé la confirmation, invoquant le point de départ à la réception de l’information et la sanction d’inopposabilité.

La question posée était double. D’une part, déterminer le point de départ des délais de cent vingt et de quarante jours en cas de saisine du comité. D’autre part, préciser la sanction attachée aux atteintes éventuelles à la phase d’enrichissement de trente jours, au regard du contradictoire. La Cour répond que le point de départ est fixé à la saisine du comité, et que seule l’atteinte aux dix derniers jours de consultation et d’observations justifie l’inopposabilité.

I. Le sens de la solution retenue

A. Le point de départ légal des délais d’instruction

La Cour affirme explicitement que le texte commande un point de départ unique. Elle retient que « le délai de 120 jours, qui inclus les délais successifs de 30 et 10 jours composant la première phase d’instruction de 40 jours, commence à la date de saisine du [10] et non à la date de réception de l’avis d’information ». L’interprétation s’appuie sur la lettre de l’article R. 461-10, qui articule la phase d’enrichissement puis la phase de consultation dans un cadre temporel global.

La motivation éclaire utilement l’exigence d’information sur des dates d’échéance précises. La Cour relève que « le texte impose par ailleurs à la caisse primaire d’informer l’employeur des dates d’échéance précises de ces délais, et non de ces seuls délais », ce qui exclut un déclenchement dépendant des aléas de réception postale. La fixation à la saisine sécurise l’égalité de traitement des intéressés.

B. La structuration binaire des quarante jours et la finalité du contradictoire

La décision insiste sur l’architecture en deux temps. Les trente premiers jours permettent la complétude du dossier par toutes les parties et par la caisse, les dix derniers figent le dossier et réservent la consultation et les observations. Cette structuration garantit une discussion loyale sur un support stabilisé, conformément à l’économie du dispositif.

La Cour explicite la logique protectrice de la phase finale. Elle rappelle que « les délais sont les mêmes pour l’employeur et le salarié, que chacun a accès en même temps à un dossier complet », évitant qu’une partie ajoute des pièces sans que l’autre puisse répliquer. Le cœur du contradictoire réside ainsi dans ces dix jours, qui conditionnent la régularité de l’instruction devant le comité.

II. La valeur et la portée de la solution

A. Conformité au droit positif et à la jurisprudence récente

La Cour articule sa solution avec l’orientation de la jurisprudence de cassation. Elle cite que « seule l’inobservation du dernier délai de dix jours avant la fin du délai de quarante jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur, de la décision de prise en charge » (Civ. 2, 5 juin 2025, 23-11.391). La cohérence est nette entre le point de départ unique et la hiérarchisation fonctionnelle des garanties.

La valeur normative de la solution tient à la lisibilité des délais et à la centralité du contradictoire sur dossier figé. L’interprétation écarte une inopposabilité automatique en cas d’atteintes aux trente jours, en l’absence d’atteinte aux dix jours. Le contrôle devient finalisé par l’effectivité de la consultation sur dossier complet.

B. Conséquences pratiques pour les acteurs et équilibre procédural

La solution unifie le calcul des échéances et simplifie les notifications. Elle oblige la caisse à annoncer des dates d’échéance claires, sans dépendre des délais postaux. Elle sécurise le calendrier du comité et la prévisibilité des parties, tout en préservant un temps utile de contradictoire.

Elle fixe aussi une ligne de partage nette quant aux sanctions. Les irrégularités touchant la période d’enrichissement ne suffisent pas, sauf démonstration d’une atteinte au dernier bloc garantissant observations et accès à un dossier stabilisé. Ce cadre conduit les employeurs à concentrer leur vigilance sur les dix jours, sans négliger l’anticipation pendant les trente premiers.

Ainsi, la Cour d’appel de Grenoble, le 11 septembre 2025, infirme l’inopposabilité et confirme l’opposabilité de la prise en charge. Elle retient une lecture fonctionnelle du texte, recentrée sur l’effectivité du contradictoire pendant les dix derniers jours, et ordonne la charge des dépens à l’employeur. Cette solution consolide la pratique d’instruction, en combinant sécurité des délais et primauté des garanties substantielles.

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