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La Cour d’appel de Grenoble, chambre sociale – protection sociale, 11 septembre 2025, confirme le rejet d’une demande de reconnaissance d’accident du travail français. Le salarié, accidenté aux Maldives, prétendait être employé par une société française, à tout le moins en co-emploi avec l’entité locale signataire. Le pôle social du tribunal judiciaire de Valence, 21 décembre 2023, l’avait débouté après confirmation par la commission de recours et décision initiale de l’organisme.
Les prétentions opposées sont nettes et structurées autour d’arguments documentaires et de rattachements juridiques divergents manifestement. Le salarié invoque un recrutement centralisé, des directives et une rémunération négociée en France, et l’organisme oppose le contrat étranger et l’assurance privée. Le litige interroge l’identification de l’employeur effectif et, corrélativement, la loi applicable à l’accident déclaré au regard du droit de la sécurité sociale. Les juges d’appel confirment le jugement, écartant la qualité d’employeur de la société mère et la co-activité, puis retenant le rattachement juridique au droit maldivien.
I. Délimitation de l’employeur et rejet du co‑emploi
A. Le critère de subordination et l’insuffisance des indices allégués
La cour rappelle l’orthodoxie des critères du contrat de travail, et surtout du lien de subordination, pierre angulaire du statut salarial en droit social. « Concernant ce dernier, la Cour de cassation retient là encore de manière constante, que ce dernier est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. » Appliquant ce standard, les juges exigent des éléments concrets de direction, contrôle et sanction, directement imputables à la société présentée comme employeur. Des échanges de courriels en langue anglaise, un en‑tête graphique, ou des profils en ligne, ne suffisent pas sans preuves d’ordres opérationnels et de contrôles effectifs. La signature contestée n’est pas démontrée postérieure à l’accident, et l’écrit demeure opposable dans ses clauses de juridiction et de langue.
B. L’exigence d’immixtion permanente et l’écartement de l’apparence
La cour adopte un standard rigoureux du co‑emploi, cantonnant l’extension de la qualité d’employeur aux cas d’emprise organisationnelle avérée et durable. « Il sera rappelé que la cour de cassation retient que le fait, pour une société mère de détenir à 100% une filiale, est insuffisant pour caractériser une situation de co-emploi (C. Cass Soc. 12 juin 2019 n°17.17544) et exige désormais, cette décision ayant été régulièrement confirmée depuis, une immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière (C. Cass Soc. 25 novembre 2020 n° 18.13769, ou 29 septembre 2021, n°20.14939 et encore récemment 9 octobre 2024 n° 23.10488). » Les éléments déterminants résident dans l’auteur des contrats, l’émetteur des bulletins, la maîtrise de la relation et la décision de rupture, qui révèlent l’autonomie conservée. La théorie de l’apparence est rejetée, car les documents contractuels, la monnaie de paiement et l’absence de cotisations françaises excluent une erreur légitime du salarié. Ce constat de compétence patronale situe ensuite le débat sur la loi applicable et sur l’affiliation aux régimes de sécurité sociale.
II. Loi applicable et portée de la solution
A. Rome I et défaut de coordination internationale
La cour mobilise le règlement Rome I, dont l’article 8 organise le rattachement des contrats de travail dans une logique protectrice mais hiérarchisée. « À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. » Les indices convergent vers un lieu habituel étranger, un contrat en anglais, une rémunération en devise, une clause de juridiction, et une assurance privée internationale. La cour ajoute explicitement que « il n’existe aucun accord ou convention de sécurité sociale liant la France et les Maldives » et écarte l’affiliation au régime français.
B. Portée pratique et exigences probatoires pour les groupes internationaux
La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante, alliant un contrôle rigoureux des preuves de subordination et un usage méthodique des règles de conflit de lois. Elle ferme les stratégies d’apparence et de logos, et prévient le forum shopping social par la réaffirmation d’un seuil élevé d’immixtion. La portée pratique est notable pour les expatriations hors coordination, qui doivent prévoir des couvertures adéquates et des clauses claires, sans promesses implicites de rattachement. À l’avenir, la démonstration d’un co‑emploi exigera des ordres précis, des contrôles hiérarchiques suivis, et une gestion sociale décidée par la société mère, documents internes à l’appui.