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Rendue par la Cour d’appel de Grenoble le 17 juin 2025, la décision commente les conditions d’engagement de la responsabilité de l’employeur qui omet d’affilier un salarié au régime de prévoyance de la branche. Embauché en contrat à durée déterminée à compter d’octobre 2017, l’intéressé subit un accident vasculaire cérébral en novembre 2017, puis bénéficie d’une pension d’invalidité de droit commun à compter de juillet 2019. Il réclame des dommages et intérêts pour perte de chance d’obtenir la rente d’invalidité complémentaire, en raison de l’absence d’affiliation. Le premier juge a rappelé l’obligation d’adhésion et renvoyé l’assuré vers l’organisme compétent. Saisie de l’appel, la juridiction d’appel confirme l’obligation d’affiliation, mais rejette la demande indemnitaire faute de preuve du lien causal exigé par la théorie de la perte de chance.
La question posée tient à la caractérisation d’une perte de chance réparable en cas de manquement à l’obligation d’affiliation, notamment quant au fait générateur et à l’exigence d’un lien entre l’événement survenu pendant le contrat et l’invalidité ultérieure. La cour statue en retenant l’insuffisance des éléments produits au regard des critères classiques de la perte de chance, et refuse, en conséquence, l’indemnisation recherchée.
I. Les fondements et le raisonnement de la juridiction d’appel
A. L’obligation d’affiliation et la définition des garanties de prévoyance
La juridiction rappelle d’abord l’assise conventionnelle des obligations patronales. Elle vise la convention collective applicable et l’accord national instituant le régime de prévoyance obligatoire de branche. Le texte pose que « toutes les entreprises du bâtiment et des travaux publics relevant du champ d’application du présent accord sont tenues de faire bénéficier, sans possibilité de dispense d’affiliation, leurs ouvriers d’une couverture collective de prévoyance ». Il en résulte un devoir positif de mise en œuvre auprès d’un organisme habilité, couvrant notamment l’incapacité et l’invalidité.
Elle précise ensuite le régime des droits, en relevant que, selon l’accord, « est notamment définie comme date du fait générateur, la date de l’arrêt de travail au sens de la sécurité sociale », que les « ouvriers […] bénéficient notamment en cas de maladie ou accident […] d’une rente en cas d’invalidité », et que relèvent de l’invalidité de droit commun les assurés classés en seconde ou troisième catégorie, donnant vocation à une rente complémentaire. Le cadre contractuel et conventionnel est donc posé, sans discussion sur l’applicabilité.
B. Les critères de la perte de chance et leur application au litige
La cour énonce la grille de lecture prétorienne. Elle rappelle que « seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ». Elle ajoute que « le demandeur doit justifier d’un préjudice direct et raisonnable résultant de la perte d’une chance raisonnable », tandis que « l’existence et l’évaluation de la perte de chance relèvent du pouvoir souverain des juges du fond ». Ces standards commandent un contrôle rigoureux de la causalité et de la probabilité d’obtention de la prestation manquée.
Appliquant ces critères, la juridiction constate l’absence de pièces établissant le fait générateur pertinent et le lien avec l’invalidité ultérieure. Elle retient que le salarié « produit uniquement la décision […] lui octroyant une pension d’invalidité à compter du 01 juillet 2019, sans joindre aucun élément relatif à l’accident […] ni aux arrêts de travail consécutifs, ni à la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle […] permettant d’établir que les conditions du bénéfice d’une pension d’invalidité étaient réunies ». Dès lors, la disparition d’une éventualité favorable n’est pas suffisamment démontrée.
II. La portée de la solution et son appréciation critique
A. La preuve du lien causal et la centralité du fait générateur
Le cœur du raisonnement tient à l’articulation entre l’événement survenu pendant le contrat et l’invalidité de droit commun reconnue ultérieurement. La cour exige des éléments objectivant la chronologie assurable: arrêts de travail, date d’interruption, rattachement à l’événement et, le cas échéant, reconnaissance au titre des risques professionnels, sans en faire une condition exclusive. En l’état du dossier, elle constate « faute de justifier du lien […] [le demandeur] ne justifie pas de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ». La solution s’inscrit dans une ligne qui refuse d’ériger le seul manquement d’affiliation en cause de responsabilité automatique, lorsque la chance alléguée n’est pas suffisamment probable.
Cette exigence probatoire se comprend à l’aune des textes conventionnels, qui font de la date de l’arrêt de travail le fait générateur des garanties en incapacité et invalidité. Elle conduit à requérir des pièces de nature médicale et administrative, permettant d’établir la continuité entre l’événement et la classification en invalidité, ainsi que l’assurabilité temporelle au regard de la période couverte ou de la portabilité.
B. Les enseignements pratiques et l’articulation avec les mécanismes de régularisation
La décision confirme une double piste. D’une part, l’obligation d’affiliation demeure ferme, et son inexécution ouvre la voie, selon l’espèce, à une action en régularisation ou à une responsabilité si la chance perdue est certaine et actuelle. D’autre part, la réparation de la perte de chance commande un faisceau probatoire cohérent sur la probabilité d’ouverture des droits, incluant la date d’arrêt de travail, la catégorie d’invalidité, et la compatibilité avec la couverture, y compris au titre de la portabilité mentionnée lors de la rupture.
La référence aux « déclarations tardives » de l’accord rappelle, en filigrane, que des mécanismes de rattrapage existent pour solliciter l’organisme, lorsque les conditions matérielles sont réunies. En l’espèce, la cour n’en fait pas application, faute de demande, et concentre son contrôle sur l’indemnisation. L’enseignement majeur est que l’omission d’affiliation n’emporte pas, à elle seule, indemnisation pour perte de chance, sans une démonstration précise des conditions d’ouverture et du lien causal, conformément aux principes rappelés: « seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ».