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Rendue par la cour d’appel de Grenoble le 18 juin 2025, la décision commentée tranche deux points au cœur d’un partage successoral conflictuel. Elle statue d’abord sur l’utilité d’une expertise judiciaire en présence d’une expertise amiable contradictoire. Elle apprécie ensuite les conditions d’une créance de salaire différé invoquée par un héritier agricole. Les faits tiennent à une succession comprenant des immeubles d’habitation et des terrains, dont la valorisation a été initialement confiée à un expert amiable, intervenu contradictoirement. L’un des héritiers a contesté ces évaluations et sollicité une expertise judiciaire, tout en revendiquant un salaire différé au titre de sa contribution à l’exploitation familiale.
La procédure a débuté devant le tribunal judiciaire de Grenoble, qui a refusé l’expertise judiciaire, ordonné les opérations de partage, et rejeté la demande de salaire différé. L’appelant a interjeté appel pour obtenir une nouvelle évaluation par expert extérieur au département et la fixation d’une créance chiffrée. Les intimés ont demandé la confirmation du jugement et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Deux thèses s’opposaient ainsi nettement sur la nécessité d’une mesure d’instruction et sur la réalité d’une participation agricole ouvrant droit à salaire.
La question de droit portait, d’une part, sur la possibilité de refuser une expertise judiciaire dès lors qu’une expertise amiable, contradictoire et corroborée, est versée aux débats. Elle concernait, d’autre part, la preuve d’une participation directe et effective à l’exploitation justifiant un salaire différé au sens du code rural. La cour répond affirmativement au premier point, rappelant que « il est de principe que le juge peut examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d’une partie, dès lors qu’il est versé aux débats, soumis à discussion contradictoire et corroboré par d’autres éléments de preuve ». Elle confirme ensuite le rejet du salaire différé après avoir rappelé que « le demandeur doit établir et réunir les trois conditions cumulatives suivantes : ». Il s’ensuit le maintien intégral du jugement, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles.
I. L’expertise amiable contradictoire comme fondement suffisant de l’appréciation judiciaire
A. Un principe constant d’admission sous contrôle de la contradiction
La cour s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle stable admettant la prise en compte d’un rapport non judiciaire, pourvu qu’il soit discuté et étayé. Elle cite le principe selon lequel le juge peut utiliser un tel rapport « dès lors qu’il est versé aux débats, soumis à discussion contradictoire et corroboré par d’autres éléments de preuve ». Cette exigence ménage l’office du juge, qui demeure libre d’apprécier la force probante des éléments techniques, sans automaticité ni dénaturation du contradictoire.
La solution confère une place fonctionnelle à l’expertise amiable, qui n’est ni un quasi-titre, ni une preuve légale. Elle devient un élément utile, mis en perspective avec d’autres pièces, dont des offres chiffrées ou des constats. Le raisonnement évite la systématisation de mesures d’instruction lourdes lorsque les données disponibles permettent déjà une appréciation suffisante.
B. Une application contextualisée fondée sur la cohérence des indices
La cour retient un corpus d’indices convergents : description précise des biens et de leurs contraintes, méthodes de valorisation explicitées, déroulement contradictoire, annexes nombreuses, et, surtout, concordance avec des offres reçues. Ce dernier point présente une force particulière, car il relie l’évaluation aux paramètres concrets du marché immobilier local, au-delà d’une seule appréciation théorique.
L’unité de ces éléments justifie que « dès lors, c’est exactement que le premier juge a rejeté la demande d’expertise judiciaire ». La décision rappelle la finalité de l’instruction : éclairer le juge lorsque c’est nécessaire. Lorsque le dossier comporte déjà un niveau de preuve suffisant, l’expertise judiciaire devient superfétatoire et dilatoire, au détriment de la célérité du partage.
II. Le salaire différé agricole: exigences probatoires et portée de la solution
A. Des conditions cumulatives strictes à la charge de l’héritier
La cour rappelle le cadre légal du code rural et de la pêche maritime. Elle souligne que « le demandeur doit établir et réunir les trois conditions cumulatives suivantes : ». Elle insiste en particulier sur la seconde, centrale, relative à la participation effective. Le texte précise que « – avoir participé directement et effectivement à l’exploitation, étant observé que l’aide occasionnelle fournie par un enfant à ses parents n’ouvre pas droit au bénéfice d’une créance de salaire différé ; ».
La charge de la preuve impose des éléments circonstanciés sur la nature, l’intensité et la durée des tâches. Les attestations générales ou non datées, les allégations d’aide familiale non qualifiée, ou les indices ambivalents, ne suffisent pas. Le salaire différé reste un mécanisme réparateur ciblé, destiné à compenser une collaboration assidue demeurée sans rémunération.
B. Une appréciation concrète marquée par la double activité et l’ampleur réduite de l’exploitation
La cour constate l’absence d’éléments précis établissant des travaux au-delà d’une aide occasionnelle, et relève la coexistence d’une activité principale à l’extérieur. Elle en déduit que « il ne pouvait donc exercer une activité agricole autre qu’occasionnelle sur la propriété familiale, d’autant que celle-ci était très petite et ne justifiait pas de travaux importants et continus ». La présence d’une inscription en qualité de cotisant de solidarité n’emporte pas la preuve d’une participation répondant au seuil jurisprudentiel requis.
Cette solution, rigoureuse, s’explique par l’équilibre recherchée entre la protection de l’héritier collaborateur et la sécurité du partage. Elle limite le risque d’une reconstitution incertaine des charges de travail sur des exploitations modestes, lorsque la collaboration n’est ni continue ni exclusive. Elle réaffirme, en pratique, l’exigence d’une preuve étroite et contextualisée, seule de nature à fonder une créance qui s’impute sur les droits successoraux.