Cour d’appel de Grenoble, le 24 juin 2025, n°24/03902

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Rendue par la Cour d’appel de Grenoble le 24 juin 2025, l’ordonnance commentée intervient en matière de baux ruraux. Elle fait suite à un congé avec refus de renouvellement délivré pour le 31 décembre 2024. Le preneur a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Romans-sur-Isère, qui l’a validé le 26 septembre 2024, a ordonné l’expulsion et a condamné au paiement du fermage 2023.

L’appel a été interjeté le 8 novembre 2024. Entre-temps, le tribunal judiciaire de Valence a ouvert, le 18 décembre 2024, une procédure de redressement judiciaire à l’encontre du preneur. À l’audience d’appel du 14 avril 2025, l’appelant était défaillant, bien que des conclusions aient été déposées. L’intimée sollicitait une décision au fond et produisait une déclaration de créance portant sur le fermage 2024.

La question juridique portait sur la conduite de l’instance en appel en cas de défaut de comparution de l’appelant et, surtout, sur les effets interruptifs de la procédure collective au regard de demandes mêlant condamnation pécuniaire et mesures non pécuniaires. La juridiction a décidé de rouvrir les débats, d’inviter à produire une déclaration de créance correspondant au jugement déféré, de surseoir à statuer et de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

I. Le traitement de la défaillance de l’appelant par la juridiction d’appel

A. Le rappel du cadre textuel gouvernant la comparution

La juridiction d’appel ancre sa compétence dans un texte clair. Elle énonce que « selon l’article 468 du code de procédure civile, si, sans motif légitime, l’appelant ne comparaît pas, seul l’intimé peut requérir une décision sur le fond ». Le ressort de la solution tient à l’équilibre entre l’impulsion d’instance et le droit d’obtenir jugement.

La cour ajoute une précision procédurale d’importance. Elle relève que « selon les articles 931 et 946 du code de procédure civile le dépôt de conclusions écrites ne peut suppléer au défaut de comparution de l’appelant ». La lettre des textes commande la présence ou représentation effective lors de l’audience.

Cette double citation éclaire l’office du juge d’appel. La comparution conditionne la discussion contradictoire, mais n’entrave pas la faculté reconnue à l’intimé de requérir une décision. La cour se réserve, en outre, la possibilité d’un renvoi.

B. L’application à l’espèce et ses incidences procédurales immédiates

Constatant la convocation régulière et l’absence d’empêchement justifié, la cour note que l’appelant n’était « ni présent ni représenté ». L’intimée a requis qu’il soit statué au fond, ce que le texte autorise, dans le strict respect du contradictoire.

Cette orientation ne conduit pourtant pas à trancher immédiatement. La juridiction confronte aussitôt l’instance à l’événement procédural majeur constitué par l’ouverture de la procédure collective. La solution lit l’économie du procès dans son ensemble.

L’articulation des deux séries de règles commande la prudence. Même si l’intimée peut solliciter une décision, la reprise effective des débats dépend du régime interruptif applicable aux créances et demandes pendantes. La suite du raisonnement s’y consacre.

II. L’interruption d’instance liée au redressement et les conditions de reprise

A. Le domaine de l’arrêt des poursuites et la logique de reprise

La cour cite d’abord l’effet arrêt des poursuites. Elle rappelle qu’en application de l’article L. 622-21, « le jugement d’ouverture […] interrompt ou interdit toute action en justice […] tendant: 1° à la condamnation […] au paiement d’une somme d’argent; 2° à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement ». L’instance se trouve alors suspendue.

Elle expose ensuite la mécanique de reprise bornée par l’objet de la déclaration. « L’article L. 622-22 alinéa 1er […] prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit […] mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. » La finalité contentieuse se resserre.

Ce rappel ordonne le traitement des prétentions mêlées. Les demandes pécuniaires relèvent du gel légal et de la reprise limitée, quand les mesures non pécuniaires appellent un examen distinct. L’unité du litige commande pourtant une gestion cohérente du calendrier.

B. L’exigence d’une déclaration pertinente et ses effets en baux ruraux

En l’espèce, la déclaration de créance produite portait sur le fermage 2024, tandis que la décision déférée avait fixé le fermage 2023 et organisé l’expulsion. La cour constate que « la déclaration de créance […] ne correspond pas à la créance concernée par le jugement déféré ». La dissymétrie bloque la reprise.

Cette divergence n’est pas purement formelle. La reprise de l’instance, limitée par L. 622-22, suppose une concordance stricte entre la créance déclarée et l’objet pécuniaire du litige. À défaut, le juge ne peut ni fixer, ni constater valablement le montant contesté.

La juridiction adopte une solution mesurée et sécurisée. Elle « ordonne la réouverture des débats » et invite les parties à présenter observations sur l’interruption et sa reprise, avant de « surseoir à statuer ». La séquence garantit la régularité de la procédure.

Cette approche présente une valeur pédagogique notable en baux ruraux. Elle clarifie que les demandes pécuniaires doivent suivre la voie collective, tandis que les mesures non pécuniaires requièrent d’abord l’assainissement procédural. La séparation des temps favorise la sécurité juridique et la lisibilité du procès.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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