Cour d’appel de Limoges, le 25 juin 2025, n°24/00632

Par un arrêt du 25 juin 2025, la cour d’appel de Limoges a déclaré irrecevable l’appel formé par un débiteur à l’encontre d’un jugement rendu en matière de surendettement des particuliers. Cette décision illustre la rigueur avec laquelle les juridictions contrôlent le respect des délais de recours, fussent-ils brefs.

Un particulier avait saisi la commission de surendettement, laquelle avait imposé une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire le 9 février 2023. Deux créanciers ayant contesté cette mesure, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tulle avait, par jugement du 26 juillet 2024, fixé le passif du débiteur, jugé que sa situation n’était pas irrémédiablement compromise et arrêté un plan de règlement sur la base d’une capacité de remboursement mensuelle de 143 euros.

Ce jugement fut notifié au débiteur le 29 juillet 2024. L’acte de notification mentionnait expressément que le délai d’appel était de quinze jours et que l’appel devait être formé devant la cour d’appel de Limoges. Le débiteur forma son appel le 22 août 2024, soit vingt-quatre jours après la notification. À l’audience, il exposa que sa situation financière s’était dégradée du fait de la perte de son emploi, mais ne formula aucune observation sur l’irrecevabilité relevée d’office par la cour.

La question posée à la cour d’appel de Limoges était de déterminer si l’appel formé au-delà du délai de quinze jours prévu par l’article R.713-7 du code de la consommation pouvait néanmoins être déclaré recevable.

La cour d’appel de Limoges répond par la négative et déclare l’appel irrecevable comme ayant été « formé hors délai ». Elle condamne le débiteur aux dépens.

Cette décision invite à s’interroger sur le régime des délais de recours en matière de surendettement (I), avant d’envisager les conséquences de leur méconnaissance pour le justiciable (II).

I. Le régime strict des délais de recours en matière de surendettement

Le contentieux du surendettement obéit à des règles procédurales spécifiques (A), dont l’application par le juge ne souffre aucune exception (B).

A. La brièveté du délai d’appel comme caractéristique du contentieux du surendettement

L’article R.713-7 du code de la consommation fixe le délai d’appel à quinze jours en matière de procédures de surendettement. Ce délai, particulièrement bref au regard du délai de droit commun d’un mois prévu par l’article 538 du code de procédure civile, traduit la volonté du législateur d’assurer un traitement rapide de ces procédures. La situation de surendettement affecte tant le débiteur, dont la situation financière est précaire, que les créanciers, qui attendent le recouvrement de leurs créances.

En l’espèce, le jugement du 26 juillet 2024 fut notifié le 29 juillet 2024. Le délai de quinze jours expirait donc le 13 août 2024. L’appel formé le 22 août 2024 intervenait neuf jours après l’expiration de ce délai. La tardiveté de l’appel ne faisait aucun doute et la cour d’appel de Limoges n’avait d’autre choix que de constater cette irrecevabilité.

La notification du jugement mentionnait explicitement le délai applicable et la juridiction compétente pour recevoir l’appel. Le débiteur ne pouvait donc invoquer une quelconque ignorance des règles procédurales. Cette exigence d’information du justiciable, prévue par l’article 680 du code de procédure civile, avait été respectée.

B. Le relevé d’office de l’irrecevabilité par le juge

La cour d’appel de Limoges a relevé d’office l’irrecevabilité de l’appel. Cette initiative du juge s’explique par le caractère d’ordre public des délais de recours. L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.

Le débiteur, présent à l’audience, n’a formulé aucune observation sur cette irrecevabilité. Il s’est contenté d’exposer la dégradation de sa situation financière consécutive à la perte de son emploi. Ces considérations, aussi légitimes fussent-elles, demeuraient sans incidence sur la recevabilité du recours. La cour d’appel de Limoges ne pouvait prendre en compte des éléments de fond dès lors que l’appel était irrecevable.

Cette rigueur procédurale, qui peut sembler sévère à l’égard d’un justiciable en difficulté, répond à une exigence de sécurité juridique. La forclusion purge le litige et permet aux parties de connaître définitivement leurs droits et obligations.

II. Les conséquences de la forclusion pour le débiteur surendetté

La déclaration d’irrecevabilité emporte des effets immédiats sur la situation du débiteur (A) et soulève des interrogations quant à la protection effective du justiciable en situation de fragilité (B).

A. L’autorité de chose jugée acquise au jugement de première instance

L’irrecevabilité de l’appel confère au jugement du tribunal judiciaire de Tulle l’autorité de la chose jugée. Le plan de règlement arrêté par le premier juge, prévoyant une capacité de remboursement mensuelle de 143 euros et un effacement des dettes non réglées à son issue, devient définitif. Le débiteur ne peut plus contester ni le montant de sa capacité de remboursement, ni la durée du plan, ni la liste des créances retenues.

Cette situation peut s’avérer préjudiciable lorsque, comme en l’espèce, la situation du débiteur s’est dégradée entre le jugement et l’audience d’appel. La perte d’emploi invoquée par le débiteur aurait pu justifier une révision de sa capacité de remboursement, voire une mesure de rétablissement personnel si sa situation était devenue irrémédiablement compromise. La forclusion prive le débiteur de cette possibilité de faire valoir ces circonstances nouvelles devant la juridiction du second degré.

Il convient de préciser que le débiteur conserve la faculté de saisir à nouveau la commission de surendettement si sa situation évolue de manière significative. Cette possibilité atténue la rigueur de la forclusion sans toutefois la compenser entièrement, puisqu’elle suppose une nouvelle procédure et de nouveaux délais.

B. La fragilité du justiciable face aux exigences procédurales

L’arrêt de la cour d’appel de Limoges met en lumière une tension entre les exigences de célérité propres au contentieux du surendettement et la protection du justiciable en situation de vulnérabilité. Le débiteur surendetté cumule souvent des difficultés financières, sociales et parfois psychologiques qui peuvent affecter sa capacité à respecter des délais brefs.

La brièveté du délai de quinze jours, si elle se justifie par la nature du contentieux, peut constituer un obstacle pour des personnes confrontées à des situations de détresse. Le débiteur doit, dans ce délai restreint, prendre connaissance du jugement, en comprendre les implications, décider d’interjeter appel et accomplir les formalités nécessaires. L’absence de représentation obligatoire par avocat en cette matière, si elle favorise l’accès au juge, prive également le justiciable des conseils d’un professionnel du droit.

La solution retenue par la cour d’appel de Limoges n’appelle pas de critique sur le plan juridique. Elle s’inscrit dans une jurisprudence constante qui applique sans tempérament les règles relatives aux délais de recours. Elle invite cependant à une réflexion sur l’accompagnement des justiciables en situation de surendettement et sur les moyens de garantir l’effectivité de leur droit au recours. La mention du délai et des voies de recours dans l’acte de notification, si elle satisfait aux exigences légales, ne suffit pas toujours à assurer une information réelle du justiciable.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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