Cour d’appel de Limoges, le 3 juillet 2025, n°24/00341

Par un arrêt du 3 juillet 2025, la cour d’appel de Limoges, chambre économique et sociale, tranche un ensemble de demandes liées à la rupture et à l’exécution d’un contrat de travail. En cause, la résiliation judiciaire pour manquements allégués de l’employeur, puis, à titre subsidiaire, la validité d’un licenciement pour inaptitude. Les faits utiles tiennent à un emploi à temps complet, des horaires portés en pratique à quarante-deux heures sans avenant signé, des astreintes indemnisées par une prime, diverses réclamations sur heures supplémentaires, repos, congés, fractionnement et prime de présence, enfin un arrêt maladie suivi d’un avis d’inaptitude dispensant de reclassement.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale en mars 2023, avant le licenciement intervenu en mai 2023. Le premier juge a rejeté l’essentiel des demandes, accordant toutefois des sommes au titre de la prime de présence et des astreintes. Devant la cour, l’appel interroge la recevabilité de la résiliation judiciaire antérieure à la rupture, le bien‑fondé des griefs d’exécution, la portée des règles de preuve du temps de travail, et le traitement des obligations connexes, notamment astreintes, congés et prévoyance. La cour déclare la demande de résiliation recevable, mais l’écarte au fond, rejette les prétentions salariales sauf la prime de présence, refuse toute faute liée à la prévoyance, retient une exécution déloyale limitée et statue accessoirement sur la restitution des clés, les dépens et l’article 700.

I. Les critères de la résiliation judiciaire et leur mise en œuvre

A. Recevabilité et office du juge en présence d’une rupture ultérieure

La cour confirme la possibilité de statuer sur une demande en résiliation introduite avant la rupture subséquente. Elle affirme avec netteté que « Sa demande en résiliation est donc recevable. » Cette précision place le débat au bon niveau, en réservant l’examen de la gravité des manquements allégués, lesquels doivent rendre impossible la poursuite du contrat. L’arrêt rappelle l’office du juge, borné par les éléments fournis de part et d’autre et la charge de la preuve pesant sur le salarié en matière de manquements. Il est souligné qu’« Il convient donc de rechercher si sa demande en résiliation était justifiée. Dans l’affirmative, elle produit des effets de licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Ce cadrage, conforme au droit positif, dissocie opportunément la question de la temporalité procédurale de celle du bien‑fondé. Il permet de tenir ensemble l’exigence de gravité et l’analyse concrète des éléments produits. La méthode adoptée, articulée autour d’une lecture minutieuse des bulletins, régularisations et courriels, s’inscrit dans une jurisprudence constante sur l’articulation des griefs et leurs effets.

B. Appréciation des griefs relatifs au temps de travail et aux repos

S’agissant des heures supplémentaires, la cour examine les calendriers, les forfaitisations pratiquées et les bulletins comportant des régularisations. L’analyse conduit à valider le paiement des dépassements sur les périodes documentées et à relever l’insuffisance des éléments pour l’année dépourvue de décompte. La conclusion est sobre et décisive : « Le jugement sera donc confirmé de ce chef. » Le choix d’une motivation synthétique, après revue des pièces, illustre la souveraineté d’appréciation sans détailler le calcul retenu.

Pour les durées maximales et les repos, la cour prend appui sur les amplitudes d’ouverture et le roulement des repos hebdomadaires. Elle constate que « La durée maximale de 10 heures par jour n’était donc pas dépassée. » S’agissant du repos hebdomadaire, elle retient que « Les heures d’ouverture de l’agence montrent un temps de repos du samedi 17 heures 30 au lundi matin 8 heures, soit 38 heures et 30 minutes de repos. » Le même raisonnement irrigue le contingent et la contrepartie obligatoire en repos : existence de dépassements mais paiement majoré et repos effectivement pris, ce dont atteste un courriel de réclamation reproduit par l’arrêt. La formule retenue s’impose alors, identique et ferme pour plusieurs chefs : « Elle doit donc être déboutée de sa demande en paiement à ce titre. »

II. La portée de la décision sur les obligations connexes et les conséquences

A. Astreintes, prime de présence et prévoyance : équilibre des intérêts et preuve

La cour traite l’astreinte en deux temps. Elle rappelle que seule l’intervention effective constitue du travail effectif et que la programmation doit être connue, tout en constatant l’absence d’avenant. Faute de décompte des interventions, les demandes de rappel sont rejetées selon la formule déjà citée. Cette solution, rigoureuse mais équilibrée, distingue correctement l’indemnité d’astreinte et la rémunération d’un temps de travail démontré, sans pour autant banaliser l’exigence de formalisation.

La suppression de la prime de présence, concomitante à une revalorisation salariale, est appréhendée comme une conduite déloyale. La cour confirme le rappel alloué par le premier juge et répare distinctement le préjudice lié, avec les retards et lacunes de remise des bulletins. Ce traitement signale que l’exécution loyale s’entend au‑delà des seuls temps de travail, embrassant les accessoires de la rémunération et la délivrance des documents.

Sur la prévoyance, l’arrêt retient l’absence de faute au regard des démarches attestées et de la prise en charge intervenue après carence. La solution distingue le fonctionnement du régime de prévoyance, qui relève de l’assureur, et les obligations de l’employeur. Elle évite de convertir en inexécution contractuelle un différé d’indemnisation non imputable à ce dernier.

B. Effets procéduraux et portée contentieuse de la décision

Les griefs postérieurs à la rupture ne peuvent, selon la cour, fonder une responsabilité contractuelle. La formule est explicite : « Ils ne peuvent donc pas fonder une action en responsabilité pour exécution déloyale du contrat de travail. » Ce rappel ferme le champ des réparations contractuelles au temps d’exécution, tout en laissant place à des sanctions autonomes lorsque des manquements distincts sont établis antérieurement.

L’arrêt statue ensuite sur une mesure de restitution, dans le respect de la logique d’exécution forcée par astreinte, et ajuste la répartition des dépens ainsi que les demandes au titre de l’article 700. La clause d’équité est nettement exprimée : « Il est équitable en outre de débouter chacune des parties de sa demande en paiement fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. » La portée contentieuse de la décision est claire. La résiliation judiciaire est reconnue recevable mais écartée au fond. Les prétentions salariales principales échouent, la preuve faisant défaut ou les paiements étant établis. La sanction retenue vise l’atteinte à la loyauté contractuelle, limitée mais réelle, et produit une indemnisation dédiée.

L’ensemble compose une solution nuancée. Le contrôle de la preuve demeure exigeant en matière de temps de travail et d’astreinte, tandis que la loyauté de l’exécution contractuelle reçoit une réponse corrective mesurée. Cette combinaison favorise la sécurité des relations de travail sans relâcher la vigilance sur les pratiques affectant la rémunération et les documents obligatoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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