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La Cour d’appel de Limoges, le 4 septembre 2025, statue sur des demandes indemnitaires et salariales articulées autour d’une inégalité de traitement alléguée. Un salarié, concepteur outillage, classé ouvrier, revendiquait l’accès au dispositif d’actions gratuites LTI, aux primes immédiates des années 2018 et 2019, ainsi qu’à la prime individualisée issue de la négociation annuelle 2021. L’employeur s’y opposait en invoquant, selon les chefs, la prescription, la nature non salariale du LTI, et des critères d’attribution objectifs ou réservés.
La juridiction prud’homale avait déclaré certaines prétentions irrecevables pour prescription et rejeté le surplus au fond. L’appel s’attachait à renverser ces solutions en faisant valoir l’ignorance des critères, l’identité de situations avec d’autres catégories, et la carence de transparence dans les règles d’attribution. La Cour confirme le jugement, après avoir qualifié la nature des avantages, puis précisé le régime probatoire applicable aux primes.
La question tranchée portait sur la conciliation entre prescription applicable aux demandes issues de l’exécution du contrat, principe d’égalité de traitement, et contrôle de l’objectivation des critères d’attribution des avantages. La Cour juge que « Il s’agit d’une forme de participation aux résultats de l’entreprise et à ce titre, la créance de LTI n’est pas une créance de nature salariale », en déduisant que « toute action diligentée à ce titre est soumise au délai de prescription biennal de l’article L 1471-1 du code du travail ». Elle retient, pour les primes, la prescription triennale et un contrôle centré sur la preuve des performances et la transparence des critères.
I. Qualification et prescription des avantages contestés
A. La nature non salariale du LTI et la prescription biennale
La Cour qualifie d’abord le LTI de participation aux résultats, relevant de l’exécution du contrat. Cette qualification emporte l’application du délai biennal. L’arrêt rappelle que « Le délai de prescription court à compter de la date à laquelle celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Le point de départ n’est pas le dévoilement exhaustif de tous les critères, mais la connaissance suffisante du dispositif et des attributions annuelles.
Les procès-verbaux du CSE, examinés comme éléments de connaissance, ont été décisifs. La Cour relève que les salariés « ont toujours eu connaissance de l’existence de la politique de LTI », validée par l’assemblée des actionnaires en mai, et que des critères étaient publiquement indiqués. Le moyen tiré d’une prétendue ignorance des modalités précises n’a pas prospéré.
Cette solution, conforme à la jurisprudence sociale rappelée par la Cour, sécurise le rattachement du LTI à l’exécution du contrat. Elle renforce, méthodologiquement, un critère fonctionnel de connaissance, centré sur l’accès à l’information collective, plutôt que sur une information individualisée exhaustive.
B. L’égalité de traitement et l’avantage réservé à une catégorie
Au fond, la Cour constate que, pour les années pertinentes, « les LTI étaient réservées aux cadres ». Elle ajoute que « Le principe “à travail égal salaire égal” prévu par l’article L 2271’1 8° du code du travail n’interdit pas de réserver un élément de rémunération à une catégorie définie de personnel ». L’inégalité de traitement entre catégories professionnelles ne suffit donc pas, en soi, à caractériser une atteinte au principe, à défaut de situations identiques.
L’analyse est relayée par l’absence de comparateurs utiles dans la catégorie ouvrière. Le salarié ne démontrait ni que des ouvriers avaient bénéficié du LTI, ni que les critères retenus auraient été appliqués de manière incohérente à des situations identiques. La demande sur 2020, recevable, est rejetée au fond, faute de vocation à percevoir.
La solution s’inscrit dans la ligne d’une égalité de traitement appréhendée par catégories objectivement distinctes, et assortie d’un contrôle modéré des critères directifs. Elle appelle toutefois une vigilance rédactionnelle sur la référence textuelle mobilisée, sans affecter la pertinence du principe rappelé.
II. Contrôle de l’égalité de traitement dans les primes
A. La prime immédiate 2019: transparence des critères et preuve de la performance
La prime immédiate, reconnue comme salaire, relève de la prescription triennale. La demande portant sur 2018 est logiquement prescrite, la discussion se concentrant sur 2019. Les réponses d’entreprise versées aux débats révèlent une transparence imparfaite des critères. L’arrêt souligne que « il n’existe pas de document permettant de définir les conditions préalables. Il s’agit d’une décision conjointe prise par les ressources humaines et le management ». Il précise encore: « Le manager connaît le salarié et dispose d’élément factuel le concernant (atteintes d’objectifs, performances au poste de travail): à la lumière de ces éléments factuels, les managers et les ressources humaines définissent ces primes. »
Pour limiter l’aléa, la Cour retient un critère objectivable commun à tous: l’atteinte des objectifs et la performance. Elle affirme que « Aucun des appelants ne conteste toutefois avoir eu des objectifs personnels à atteindre, ces objectifs étant rappelés à chacun lors des entretiens d’évaluation. » L’examen concret de l’évaluation montre une performance jugée insuffisante au regard des attentes, ce qui justifie le rejet de la demande.
La méthode est équilibrée. La Cour constate un déficit de formalisation, mais recentre le contrôle sur un critère probatoire vérifiable, identique pour tous, conforme au principe selon lequel « les règles déterminant l’octroi de cet avantage [doivent être] préalablement définies et contrôlables » (Soc. 25 octobre 2007, n° 05-45.710). L’appréciation demeure factuelle et mesurée.
B. La prime individualisée 2021: cadre négocié et différenciation permise
La prime individualisée issue de la négociation annuelle est traitée séparément. L’arrêt relève que « Les critères en ont été précisément définis lors d’une négociation annuelle obligatoire », autour d’une enveloppe de 0,6 % et de critères d’« implication, de niveau de performance et d’engagement ». La Cour souligne que « Ces critères étaient transparents et vérifiables […] la présence de chacun sur les sites étant notamment un critère objectif. »
La différenciation des montants selon les catégories et l’investissement est jugée licite. L’arrêt précise que « Il était permis à l’employeur de distinguer le montant des primes selon la catégorie des salariés et de leur investissement pendant les périodes de crise sanitaire et lors de la reprise d’activité. » En l’absence d’éléments probants d’une implication notable, la prétention alignée sur la moyenne la plus élevée est écartée.
Cette solution illustre l’effet structurant d’un cadre négocié et documenté sur la sécurité juridique des primes exceptionnelles. La Cour articule ainsi égalité de traitement, objectivation des critères et marge d’appréciation managériale, dans un contexte de crise où la présence effective constitue un critère pertinent et contrôlable.