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Le présent arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 1er juillet 2025 illustre l’application du mécanisme procédural de la radiation pour défaut de diligence. Cette sanction, fréquemment prononcée en matière de contentieux de la protection sociale, soulève la question de l’équilibre entre le droit d’accès au juge et la nécessité d’une bonne administration de la justice.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de mécanicien-usineur s’est vu prescrire des arrêts de travail pris en charge au titre de l’assurance maladie à compter du 11 juillet 2017. Le 18 octobre 2018, la caisse lui a notifié un refus de versement des indemnités journalières à compter du 30 novembre 2018, son médecin-conseil ayant estimé l’assuré apte à reprendre une activité salariée. L’intéressé a sollicité une expertise médicale technique. L’expert désigné a conclu, le 17 décembre 2018, que l’état de santé de l’assuré lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date retenue par la caisse. Le 7 janvier 2019, la caisse a confirmé sa décision initiale. L’assuré a saisi la commission de recours amiable le 28 janvier 2019, laquelle a rejeté sa contestation le 24 avril 2019.
L’assuré a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire le 20 juin 2019. Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal a rejeté ses demandes. L’intéressé a relevé appel le jour même. Devant la cour d’appel, l’appelant a sollicité un renvoi, exposant n’avoir pas eu le temps de consulter un avocat en raison d’un refus d’aide juridictionnelle. La caisse, représentée, s’en est remise à la décision de la juridiction.
La question posée à la cour d’appel était de déterminer si le défaut de conclusions et l’incapacité de l’appelant à soutenir une quelconque demande justifiaient le prononcé d’une radiation de l’affaire.
La Cour d’appel de Lyon prononce la radiation au motif que l’appelant, « régulièrement convoqué à l’audience en 2023 », n’a « toujours pas déposé d’écritures ni n’est en mesure de soutenir une quelconque demande à l’appui de son recours ». Elle relève que « compte tenu de l’ancienneté de la procédure, du délai laissé aux parties pour échanger leurs conclusions de manière contradictoire, il convient (…) de prononcer la radiation de l’affaire ».
Cette décision invite à examiner les conditions du prononcé de la radiation pour défaut de diligence (I), avant d’analyser les effets et la portée de cette mesure pour l’appelant défaillant (II).
I. Les conditions du prononcé de la radiation pour défaut de diligence
La radiation sanctionne l’inertie procédurale de l’appelant (A), tout en préservant formellement son droit d’accès au juge (B).
A. La caractérisation de l’inertie procédurale
L’article 381 du code de procédure civile dispose que la radiation sanctionne le défaut de diligence des parties. En l’espèce, la cour relève que l’appelant a été « régulièrement convoqué à l’audience en 2023 » et qu’il n’a « toujours pas déposé d’écritures ». Le délai écoulé entre la convocation et l’audience du 17 juin 2025 témoigne d’une carence manifeste.
La cour souligne également « l’ancienneté de la procédure ». L’affaire, initiée devant le tribunal judiciaire en juin 2019, fait l’objet d’un appel depuis septembre 2022. L’absence de conclusions pendant près de trois années d’instance d’appel caractérise un défaut de diligence au sens des textes applicables. La juridiction apprécie souverainement si le comportement de la partie justifie une telle sanction.
L’appelant invoquait un refus d’aide juridictionnelle pour justifier sa demande de renvoi. Cet argument n’a pas été retenu. La cour considère que le délai dont il a bénéficié était suffisant pour organiser sa défense. Cette position s’inscrit dans une jurisprudence constante refusant d’excuser indéfiniment les parties qui ne font pas preuve de la diligence minimale attendue.
B. L’exigence du respect du principe de la contradiction
La cour fonde également sa décision sur la nécessité de « faire respecter le principe de la contradiction ». Ce principe, consacré par l’article 16 du code de procédure civile, impose que chaque partie puisse discuter les arguments et pièces de l’adversaire. L’absence totale de conclusions de l’appelant empêche tout débat contradictoire sur le fond du litige.
La partie intimée, la caisse, s’est présentée à l’audience munie de ses observations. Elle ne saurait rester indéfiniment dans l’attente d’une argumentation adverse qui ne vient pas. La radiation permet de mettre un terme provisoire à cette situation d’incertitude procédurale. Elle préserve les droits de la partie diligente sans pour autant éteindre définitivement le recours de l’appelant.
Cette solution se distingue de la caducité de l’appel ou du désistement, qui auraient des effets définitifs sur le droit d’agir. La radiation n’est qu’une mesure d’administration judiciaire, certes contraignante, mais réversible sous certaines conditions.
II. Les effets de la radiation et les perspectives de l’appelant défaillant
La décision de radiation n’éteint pas le droit d’agir mais le suspend (A), tout en faisant peser sur l’appelant une menace de péremption (B).
A. Le caractère réversible de la radiation
Le dispositif de l’arrêt précise que l’affaire « pourra être réinscrite au rôle des affaires en cours à la diligence » de l’appelant. Cette réinscription est subordonnée à deux conditions : la transmission de conclusions au greffe et la justification de leur notification à la partie adverse. La cour rappelle ainsi les exigences minimales pour que le débat contradictoire puisse reprendre.
La radiation ne dessaisit pas la juridiction. Elle constitue une simple mesure de retrait du rôle, qui laisse intacte la saisine de la cour. L’appelant conserve la faculté de régulariser sa situation et de faire juger son affaire au fond. Cette souplesse procédurale traduit un souci de proportionnalité entre la sanction du manquement et la préservation du droit au juge.
En contentieux de la protection sociale, les justiciables agissent fréquemment sans représentation obligatoire. La radiation leur offre une dernière chance de régulariser leur situation. Elle les incite à accomplir enfin les diligences nécessaires sans les priver définitivement de leur recours.
B. Le péril de la péremption d’instance
La cour rappelle qu’« après une radiation, le délai de péremption court à compter de la dernière diligence précédant la décision de radiation ». L’article 386 du code de procédure civile prévoit en effet que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
En l’espèce, si l’appelant ne dépose pas de conclusions et ne sollicite pas la réinscription dans le délai de deux ans suivant sa dernière diligence utile, son instance sera éteinte. La péremption emporterait alors des conséquences bien plus graves que la radiation elle-même : l’extinction de l’instance et, en matière d’appel, le caractère définitif du jugement de première instance.
L’appelant se trouve donc dans une situation précaire. Son inaction prolongée pourrait conduire à la confirmation définitive du rejet de ses prétentions relatives aux indemnités journalières. La décision de radiation, tout en ménageant une voie de régularisation, constitue un avertissement ferme sur les conséquences d’un défaut persistant de diligence.