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Par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 10 septembre 2025, la chambre sociale A tranche un contentieux d’inaptitude consécutive à un harcèlement moral allégué. Une salariée, engagée d’abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée, a été déclarée inapte, avant d’être licenciée pour impossibilité de reclassement. Les faits utiles retiennent une altercation, des propos humiliants réitérés, des conditions matérielles dégradées, et une dégradation de santé établie par la médecine du travail.
Le conseil de prud’hommes de Lyon, 13 juin 2022, a retenu l’absence de cause réelle et sérieuse, sans prononcer la nullité, et a alloué diverses sommes. L’employeur a relevé appel, contestant la qualification des griefs et les réparations; la salariée a demandé la reconnaissance du harcèlement moral et la nullité. La cour statue d’abord sur la preuve et l’existence d’agissements répétés, ensuite sur le lien causal avec l’inaptitude et les effets attachés à la rupture. Elle affirme que « ces éléments, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer d’agissements répétés de harcèlement moral » et en déduit la nullité.
I. La qualification du harcèlement et son régime probatoire
A. La loyauté de la preuve et son indispensable nécessité
La juridiction énonce la grille issue de la jurisprudence récente sur les preuves déloyales, articulant droit à la preuve et équité procédurale. Elle rappelle que « La production doit être indispensable au droit à la preuve » et que « L’atteinte doit être strictement proportionnée au but poursuivi ». Constatant l’existence d’attestations concordantes et de pièces médicales, elle écarte le recours à l’enregistrement clandestin, en ces termes sans ambiguïté: « La retranscription de l’enregistrement audio sera donc écartée comme déloyale. »
Cette démarche confirme une appréciation concrète de la nécessité probatoire, sans confondre utilité et indispensable. La preuve irrecevable ne prive pas la salariée d’une démonstration par un faisceau suffisant d’indices, répondant au standard légal de présomption.
B. L’appréciation d’ensemble des éléments et la caractérisation
La cour agrège des faits matériellement établis: invectives, pressions répétées, limitation du chauffage malgré les plaintes, atteintes à des conditions matérielles élémentaires, et altération de la santé. Elle retient que « ces éléments, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer d’agissements répétés de harcèlement moral, qui ont eu pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail de la salariée, et d’altérer sa santé physique et mentale, et de compromettre son avenir professionnel ». Examinant les réponses de l’employeur, la cour constate l’absence de justification étrangère à tout harcèlement, et souligne que « Dès lors, aucune justification exempte de tout harcèlement moral n’est donnée par l’employeur à ses agissements. »
La qualification est alors affirmée avec netteté, conformément aux exigences textuelles et jurisprudentielles: « Aussi, il doit être considéré que le harcèlement moral invoqué par la salariée est caractérisé. » L’économie de la preuve, ainsi fixée, ouvre logiquement sur les effets attachés à l’inaptitude consécutive.
II. La nullité de la rupture et ses effets
A. Le lien causal inaptitude–harcèlement et la sanction de nullité
Les éléments médicaux et temporels rapprochent l’altercation, la dégradation de santé et l’avis d’inaptitude. La cour constate que « Ces éléments permettent d’établir que la dégradation de l’état de santé de la salariée n’a pas d’autre cause que le harcèlement moral dont elle a été victime (…) ; qu’en conséquence, son inaptitude est la conséquence du harcèlement moral subi. » Elle précise utilement l’état du droit commun en rappelant que « Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque le comportement fautif de l’employeur est à l’origine de l’inaptitude du salarié. » Surtout, elle fait jouer la sanction propre au harcèlement moral et décide que « Dès lors, le licenciement pour inaptitude dont la salariée a fait l’objet est nul. »
La solution articule correctement les régimes: le défaut de cause n’épuise pas l’analyse lorsque la cause de l’inaptitude tient à des agissements prohibés, ce qui commande la nullité, ses effets dérogatoires et un quantum réparateur autonome.
B. Les conséquences indemnitaires: barème, préavis et accessoires
L’arrêt écarte l’application du barème légal, par une motivation stricte et conforme au texte: « Aux termes des articles L. 1235-3-1 et 2 du code du travail, le barème prévu à l’article L. 1235-1 n’est pas applicable en cas de licenciement nul pour harcèlement moral. » Il en résulte une réparation intégrale, appréciée au regard de l’âge, de l’ancienneté, des circonstances et des justificatifs produits, dans des limites prudentes au vu des pièces.
S’agissant du préavis, la cour fait droit à la demande en retenant la solution prétorienne désormais classique: « il a été jugé que, même dans le cas où ces dispositions n’étaient pas appliquées, l’employeur est tenu au paiement de l’indemnité de préavis lorsque l’inaptitude a pour origine un manquement de sa part à ses obligations, qui a empêché le salarié d’effectuer son préavis ». La cohérence de l’ensemble justifie, enfin, les accessoires habituels, dont le remboursement des allocations dans la limite légale, en lien avec la nullité prononcée.
Par cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon confirme une méthode probatoire exigeante mais équilibrée, et réaffirme la portée normative du harcèlement moral sur l’inaptitude, la sanction de nullité et le périmètre des réparations.