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Cour d’appel de Lyon, 10 septembre 2025. Des ex‑partenaires liés par un pacte civil en 2010 l’ont dissous en 2013. L’une a, en 2020, assigné son ancien partenaire en liquidation et partage, en sollicitant des comptes et remboursements au titre d’échéances de prêt, taxes et assurance afférentes à un bien propre de celui‑ci. Le juge aux affaires familiales a ordonné la liquidation en 2022. Saisi comme juge de la mise en état, un juge a rejeté en 2024 l’exception de prescription. L’appelant a soutenu que toutes les créances antérieures au 6 juillet 2015 étaient prescrites au regard des articles 2224 et 2236 du code civil. L’intimée a répondu qu’une reprise de vie commune entre 2015 et 2019 avait rendu toute action impossible et, surtout, comportait une reconnaissance interruptive au sens de l’article 2240. La question posée à la juridiction d’appel tenait au point de départ et à l’éventuelle suspension ou interruption de la prescription quinquennale en présence d’un PACS dissous suivi d’un concubinage, ainsi qu’à la délimitation des créances encore recevables. La cour déclare prescrites les demandes antérieures au 6 juillet 2015, confirme la non‑prescription des paiements compris entre le 24 septembre 2015 et le 31 octobre 2019, et écarte les moyens tirés de l’impossibilité d’agir et de la reconnaissance.
I. Le sens de la décision: la chronologie de la prescription en présence d’un PACS dissous et d’un concubinage postérieur
A. Exigibilité par échéance et point de départ après dissolution
La cour rappelle d’abord le principe textuel applicables aux actions personnelles: l’article 2224 du code civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Elle réaffirme corrélativement l’effet suspensif propre au statut antérieur: l’article 2236 « ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité ». Dans cette trame, elle fixe clairement la nature et l’exigibilité de la créance alléguée: « Il est acquis que la créance revendiquée au titre du remboursement du prêt est exigible dès le paiement de chaque échéance de l’emprunt immobilier destiné à financer le bien. » La suspension attachée au pacte a donc cessé à sa dissolution; la prescription a commencé à courir à compter de cette date, sans que la reprise de la vie commune ne produise un effet similaire. La solution harmonise la logique du fait générateur par échéances avec l’économie de l’article 2236, réservé aux époux et partenaires, et non aux concubins.
B. Effet interruptif de l’assignation et borne temporelle du 6 juillet 2015
La juridiction d’appel opère ensuite une délimitation nette des créances sauvegardées par l’assignation de 2020. Elle énonce que « seules les créances dont le fait générateur est antérieur au 6 juillet 2015 sont prescrites », l’acte introductif ayant interrompu le délai pour les créances nées dans les cinq années précédentes. Cette grille se retrouve dans le dispositif, qui « déclare prescrites toutes les demandes de paiement, de compte et de remboursements dont le fait générateur est antérieur au 6 juillet 2015 » et « dit en conséquence que seules les demandes dont le fait générateur est postérieur au 6 juillet 2015 ne sont pas prescrites ». Elle précise enfin la période utile par une affirmation concordante: « Dit que les demandes en paiement du 24 septembre 2015 au 31 octobre 2019 ne sont pas prescrites. » Le raisonnement est rigoureux: l’assignation ne sauve que ce qui n’était pas déjà atteint, chaque échéance constituant un point de départ autonome. La technique du “découpage par échéances” interdit toute reconstitution globale du délai.
II. La valeur et la portée: l’encadrement resserré des causes d’interruption ou de suspension invoquées
A. Concubinage et impossibilité d’agir au sens de l’article 2234
L’intimée soutenait qu’une reprise de la vie commune entre 2015 et 2019 l’avait privée de toute capacité d’ester, au sens de l’article 2234. La cour écarte nettement l’argument, énonçant que « le concubinage ne constitue pas en lui-même une impossibilité d’agir ». Elle ajoute que l’allégation n’était pas étayée par des éléments probatoires caractérisant une impossibilité absolue. Cette position s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante: l’impossibilité doit être objective et insurmontable; une situation affective ou la perspective d’une réconciliation ne suffit pas. La portée pratique est claire. Le retour à la vie commune, même prolongé, n’interrompt ni ne suspend la prescription; seule la réunion des conditions strictes de l’article 2234 pourrait y prétendre.
B. Reconnaissance interruptive et exigences de preuve au regard de l’article 2240
La cour confronte ensuite l’argument tiré de l’article 2240, selon lequel « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ». Elle constate l’absence d’acte non équivoque portant reconnaissance de la dette alléguée, écartant à ce titre la reprise d’une gestion commune du compte. Elle relève encore un courriel où il est écrit: « Je vais donc mettre en vente la maison car je ne peux pas payer ce que tu veux et je ne peux pas l’emprunter à la banque. », tout en notant qu’il est « postérieur à l’expiration du délai de prescription quinquennal ». Une reconnaissance éventuelle, postérieure à l’extinction, ne saurait ranimer des droits prescrits. La solution ferme aussi la porte à une substitution de fondement au stade de la prescription: « les développements relatifs à l’enrichissement sans cause […] sont sans incidence sur l’expiration du délai de prescription des demandes dont le fait générateur est antérieur au 6 juillet 2015 ». La valeur de l’arrêt tient à la cohérence d’ensemble: exigence d’un acte probant, antérieur à l’extinction; refus d’élargir artificiellement les causes interruptives; neutralisation des fondements subsidiaires quant à la computation des délais.
En définitive, la décision consolide la matrice temporelle des actions entre ex‑partenaires: suspension pendant le pacte, départ à la dissolution, exigibilité à chaque échéance, interruption par l’assignation pour les seules créances non éteintes. La portée est immédiate pour la pratique notariale et contentieuse. Elle invite à sécuriser, en temps utile, soit une action, soit une reconnaissance explicite, et à ne pas compter sur les aléas d’une reprise de vie commune pour infléchir l’ordre public de la prescription.