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La Cour d’appel de Lyon, 12 septembre 2025, confirme le rejet d’une demande de reconnaissance de contrat de travail formée par un directeur d’agence alléguant une relation salariale au sein d’un réseau de distribution d’énergie. Le litige naît d’une collaboration de septembre 2019 à juin 2020, sans écrit, au cours de laquelle l’intéressé affirme avoir travaillé pour la société, tandis qu’un contrat de mandat de distribution était produit avec une société tierce. Le Conseil de prud’hommes de Lyon (5 mai 2022) a nié l’existence d’un contrat de travail et débouté le demandeur de ses prétentions salariales et indemnitaires.
En appel, l’intéressé sollicite la réformation, l’établissement d’un contrat de travail, des rappels de salaires, des indemnités de rupture, une indemnité pour travail dissimulé et la délivrance des documents de fin de contrat. La société, placée ensuite en liquidation judiciaire, ses organes de procédure et l’organisme de garantie des salaires concluent à la confirmation et à l’allocation de frais irrépétibles. La cour confirme, retenant que le demandeur ne prouve aucune rémunération versée par l’employeur allégué pour la période considérée, malgré les virements opérés par la société tierce que l’intéressé dit étrangers à la relation en cause.
La question posée est celle de la preuve de l’existence d’un contrat de travail, au regard des critères cumulatifs classiques et, surtout, de la rémunération comme élément constitutif. La cour rappelle d’abord que « En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve ». Elle réaffirme ensuite que « le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte d’autrui et sous sa subordination moyennant le versement d’une rémunération ». Elle définit encore la subordination par la formule constante selon laquelle « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements ». La solution en découle, sèchement formulée : « Dès lors, faute de rémunération, il ne peut utilement revendiquer l’existence d’un contrat de travail ».
I – La portée normative de la solution retenue
A – Le rappel des critères cumulatifs du contrat de travail
Le raisonnement s’ouvre par une mise en ordre méthodique des critères, telle qu’elle ressort du droit positif. La cour retient, dans les termes du code du travail, que l’acte implique une prestation pour autrui, un pouvoir de direction et contrôle, et une rémunération corrélative. L’assertion selon laquelle « L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention » recentre l’analyse sur la réalité des conditions d’exécution, bien au-delà des qualifications retenues par les acteurs économiques.
Ce rappel n’est pas purement décoratif. Il conditionne l’office du juge, qui confronte les faits au modèle légal et jurisprudentiel, selon une grille à trois branches. La subordination ressort classiquement comme critère déterminant, mais elle ne saurait suppléer l’absence d’un élément constitutif du contrat. À défaut de rémunération, l’édifice contractuel s’effondre, même si une direction effective s’esquisse, car l’échange économique fondant la qualification fait défaut.
B – L’application aux circonstances : centralité probatoire de la rémunération
La cour constate l’absence de tout paiement par l’employeur allégué durant près de dix mois. Le demandeur soutient que les virements d’un tiers ne reflètent pas la relation litigieuse, et ne prouvent pas une rémunération salariale. La juridiction prend l’argument au sérieux, puis en tire une conséquence radicale : sans flux financier imputable à l’employeur, la qualification échoue. La phrase décisive, « Dès lors, faute de rémunération, il ne peut utilement revendiquer l’existence d’un contrat de travail », révèle une option probatoire stricte.
Le contentieux triangulaire issu des réseaux de distribution crée un brouillage des flux, souvent exploité par des schémas de mandat. Ici, la cour ne retient ni une rémunération indirecte ni l’idée d’un tiers payeur opérant pour le compte de l’employeur allégué. L’option est conforme à la lettre de la règle, et renforce l’exigence d’une traçabilité du paiement au bénéfice du travailleur, imputable à l’employeur, directement ou par un mécanisme démontré de substitution.
II – Appréciation critique et conséquences pratiques
A – Une solution rigoureuse et cohérente, mais encadrée par le contexte factuel
La motivation se distingue par une économie précise. Elle hiérarchise les critères et écarte la qualification sur le seul défaut de rémunération établie. Cette sévérité probatoire protège la cohérence du droit des obligations et évite d’ériger la subordination en critère auto-suffisant. Elle conforte aussi la sécurité des procédures collectives : sans contrat, l’organisme de garantie n’est pas mobilisé, ce qui limite les effets financiers de requalifications tardives.
La décision appelle cependant une nuance. La rémunération peut, en droit, être acquittée par un tiers, pourvu que la relation de travail soit prouvée, et que l’imputation à l’employeur soit démontrée. La cour ne ferme pas cette voie en principe ; elle constate seulement l’échec de la preuve offerte, sur un faisceau lacunaire et des virements non corrélés. La portée normative demeure ainsi circonscrite aux espèces, sans altérer les solutions admises pour les montages de sous-traitance ou d’intermédiation lorsque la chaîne de paiement est établie.
B – Portée contentieuse : exigences probatoires et vigilance sur les montages contractuels
L’arrêt fixe une ligne claire pour les litiges de réseaux : le demandeur doit produire des pièces reliant le flux financier à l’employeur allégué, telles que bulletins, écritures bancaires rapprochées, ordres de virement ou échanges sur la rémunération. À défaut, le critère de la rémunération reste insaisissable, et toute discussion sur la subordination devient théorique. L’invocation d’un contrat de mandat de distribution, fréquente dans ces secteurs, ne suffit pas non plus à emporter la qualification inverse, sauf à prouver la réalité salariale.
La conséquence pratique est double. D’une part, la stratégie contentieuse doit prioriser la preuve du paiement, avant même d’argumenter la subordination. D’autre part, les entreprises utilisant des schémas triangulaires gagneront à clarifier la nature des flux pour éviter toute confusion, étant rappelé que « L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties » et que l’indice financier reste cardinal. Sur les accessoires, la cour confirme la charge des dépens et retient que « L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile », ce qui clôt logiquement un contentieux concentré sur la qualification.
Au total, la Cour d’appel de Lyon, 12 septembre 2025, livre une décision de stricte orthodoxie. L’exigence d’une rémunération prouvée, imputable à l’employeur allégué, conditionne la qualification salariale, et prime tout débat subsidiaire lorsque la pièce maîtresse manque. Cette orientation, ferme mais mesurée, consolide la lisibilité du contentieux de la requalification dans les chaînes de distribution.