Cour d’appel de Lyon, le 17 juin 2025, n°22/01892

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La Cour d’appel de Lyon, 17 juin 2025, statue sur un refus de garantie opposé à un assuré, à la suite du vol puis de la destruction par incendie d’un véhicule acquis début août 2018 et déclaré volé mi-septembre. Le véhicule avait été remis, un acompte réglé, et un trousseau de clés était resté chez le vendeur. L’assureur a refusé d’indemniser, estimant que l’assuré n’établissait pas sa qualité de propriétaire au jour du sinistre du fait d’une clause de réserve de propriété. Le premier juge a rejeté les demandes indemnitaires; l’appelant a sollicité l’infirmation et l’octroi de l’indemnité contractuelle, outre des dommages-intérêts. Une juridiction correctionnelle avait, par ailleurs, alloué des dommages matériels contre l’auteur du vol, sans incidence directe sur la garantie d’assurance.

La question portait sur la qualité requise pour mobiliser la garantie dommages au véhicule en cas de vol lorsque le transfert de propriété est discuté en présence d’une réserve de propriété invoquée par l’assureur tiers au contrat de vente. La Cour rappelle le principe de l’article 1583 du code civil, et la dérogation résultant des articles 2367 et 2368, puis retient que l’assureur peut, par tout moyen, établir l’existence d’une telle clause à l’opposabilité pertinente. Elle souligne qu’un double de clés a été conservé par le vendeur et transmis après le sinistre, indice de non-transfert de propriété. Elle énonce enfin que la police subordonne la garantie à la qualité de propriétaire ou de locataire, qualité non démontrée. La solution s’énonce ainsi: « si en principe une vente opère transfert de propriété dès la rencontre des consentements sur la chose et sur le prix, une clause de réserve de propriété fait obstacle à ce transfert ». Puis, appréciant les éléments matériels, la Cour retient: « il en résulte un indice suffisant pour établir qu’une clause de réserve de propriété a été convenue entre les parties », de sorte que « la police d’assurance prévoyant que la garantie n’est due que si l’assuré a la qualité de propriétaire ou de locataire du véhicule, c’est à bon droit que l’assureur a refusé sa garantie ». Elle ajoute, enfin, au titre des demandes accessoires: « Par ailleurs, il n’appartient pas à une partie de conclure à la condamnation de son adversaire au paiement d’une amende civile en application de l’article 32-1 du code de procédure civile. »

I. Délimitation de la garantie et transfert de propriété

A. Réserve de propriété et effet sur le transfert

La Cour pose d’abord le cadre légal du transfert solo consensu, immédiatement borné par l’efficacité d’une réserve de propriété stipulée par écrit. Elle retient, sur pièces, que la mention figurait sur la facture du 2 août 2018, et que l’intégralité du prix n’était pas réglée lors du vol. Sans s’arrêter à l’absence de signature manuscrite, l’arrêt valorise les indices concordants attestant l’accord des volontés quant à la réserve. Dans la droite ligne du droit des sûretés, « une clause de réserve de propriété fait obstacle » au transfert tant que le prix demeure impayé.

La Cour identifie ensuite des éléments factuels significatifs, dont la conservation d’un trousseau de clés par le vendeur, accessoire matériel du bien. Le raisonnement est ici probatoire: la conservation d’un accessoire indispensable rend plausible la persistance d’un droit du vendeur. Elle en déduit, de façon mesurée, « un indice suffisant » de l’existence de la réserve, renforcé par l’absence de formalités d’immatriculation effective au nom de l’acquéreur.

B. Preuve de la clause par un tiers et opposabilité

L’assureur, tiers au contrat de vente, n’est pas tenu par une exigence probatoire aggravée. La Cour admet la preuve par tout moyen de l’existence et de l’acceptation de la réserve, eu égard aux articles 2367 et 2368. La facture mentionnant la clause, la détention des doubles clés, et les incohérences documentaires relatives à une tentative de financement constituent un faisceau suffisant. La démarche respecte l’exigence d’un écrit stipulant la réserve, complétée par des indices d’adhésion.

Cette approche s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle pragmatique, privilégiant l’économie probatoire et la cohérence des indices matériels. Elle évite de faire peser sur le tiers un fardeau excessif, tout en ménageant la sécurité juridique des transactions où la réserve de propriété est d’usage.

II. Application de la clause de garantie et portée de la solution

A. Qualité contractuelle requise et refus de garantie

La police subordonne la garantie dommages au véhicule à la qualité de propriétaire ou de locataire du véhicule assuré. Constatant le non-transfert du droit de propriété et l’absence de contrat de location, la Cour approuve le refus d’indemnisation. La motivation se conclut clairement: « la police d’assurance prévoyant que la garantie n’est due que si l’assuré a la qualité de propriétaire ou de locataire du véhicule, c’est à bon droit que l’assureur a refusé sa garantie. » La solution préserve la délimitation objective du risque assurantiel, au cœur de l’économie du contrat.

La Cour écarte également tout effet déterminant des décisions pénales en intérêts civils obtenues contre l’auteur du vol. L’obligation de l’assureur ne se confond ni avec la responsabilité délictuelle du tiers ni avec l’indemnisation civile subséquente, étrangères aux conditions de garantie stipulées.

B. Appréciation critique et conséquences pratiques

L’arrêt retient une appréciation souple des moyens de preuve de la réserve, fondée sur des indices matériels. L’argument de l’absence de signature de l’acquéreur sur la facture portant réserve, souvent litigieux, est relativisé par le faisceau d’indices. Cette approche paraît conforme à l’article 2368, dès lors qu’un écrit existe et que l’adhésion peut être déduite d’actes non équivoques. La solution écarte, avec justesse, une lecture formaliste qui neutraliserait une sûreté usuelle.

La portée pratique est nette pour le droit des assurances de dommages. La qualité exigée pour déclencher la garantie doit être vérifiée avec rigueur lors de la souscription, surtout en cas d’acquisition récente sous réserve. Les assurés doivent sécuriser les documents d’immatriculation et lever les incertitudes sur la propriété, au besoin en produisant l’accord de financement ou le bail. À défaut, l’assureur peut opposer un non-risque, sans que l’indemnité pénale obtenue du voleur modifie cette analyse. La solution dissuade les imprudences documentaires et renforce l’exigence de cohérence des pièces contractuelles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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