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Par un arrêt du 2 septembre 2025, la Cour d’appel de Lyon tranche un litige relatif à l’opposabilité des soins et arrêts consécutifs à un accident du travail. La question porte sur l’étendue de la présomption d’imputabilité et sur les exigences probatoires qui conditionnent son renversement par l’employeur. L’espèce naît d’une chute sur le lieu de travail, consécutive à une lombalgie aiguë, ayant entraîné un arrêt prescrit dès le certificat médical initial.
Le salarié a été pris en charge au titre des risques professionnels, puis a bénéficié de prolongations jusqu’à la consolidation. L’employeur a contesté la durée des arrêts devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction de première instance, sans succès. En appel, il sollicite l’inopposabilité de l’ensemble des soins et arrêts, à titre subsidiaire une expertise médicale, tandis que la caisse conclut à la confirmation du jugement.
La question de droit tient à la portée de la présomption d’imputabilité issue de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, lorsque un arrêt est prescrit dès l’origine, et aux conditions dans lesquelles l’employeur peut établir une cause étrangère exclusive. La Cour répond en réaffirmant l’amplitude de la présomption jusqu’à la consolidation, en rappelant la charge probatoire pesant sur l’employeur, et en refusant d’ordonner une expertise de substitution.
I – La présomption d’imputabilité réaffirmée jusqu’à la consolidation
A – Les conditions de déclenchement et l’étendue temporelle
La cour rappelle le principe dans des termes d’une grande netteté. Elle énonce que « En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire ». L’arrêt précise que le certificat initial en cause comportait bien un arrêt, de sorte que le régime probatoire dérogatoire s’applique pleinement.
L’arrêt étend ensuite la présomption à toutes les suites jusqu’à la consolidation. Il retient que « De même, lorsque la prise en charge de l’accident du travail est justifiée et si elle n’est pas remise en cause, toutes les conséquences de l’accident du travail bénéficient de cette présomption d’imputabilité jusqu’à la guérison ou la consolidation du salarié ». Cette formulation embrasse la continuité des soins et des arrêts, en neutralisant les discussions sur la succession des certificats, dès lors que la chaîne médicale demeure reliée à l’événement initial.
B – La preuve contraire et la charge probatoire de l’employeur
La Cour encadre strictement le renversement de la présomption, que l’employeur n’obtient qu’au prix d’une démonstration exigeante. Elle tranche que « Pour la combattre, il appartient à l’employeur de démontrer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail, étant rappelé que le caractère disproportionné des arrêts de travail est inopérant à la remettre en cause ». Ainsi, la simple longue durée des arrêts ne constitue pas un indice pertinent, sauf preuve d’une cause extérieure exclusive.
Sur la production des prolongations, la cour aligne son raisonnement sur la jurisprudence de la deuxième chambre civile. Elle cite que « De plus, sauf à renverser la charge de la preuve, la caisse n’est pas tenue de produire les certificats médicaux de prolongation d’arrêts de travail (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626) ». La solution ferme la voie à une contestation purement formaliste, recentrée sur l’analyse causale des lésions et de leur évolution.
II – La valeur probatoire requise et le refus d’expertise
A – L’insuffisance des éléments adverses et la neutralisation de l’état antérieur
L’employeur se prévalait d’une note médicale soutenant que « il ne s’agit pas en tout état de cause d’un accident puisque la chute est la conséquence de la lombalgie » et que « l’événement incriminé est un évènement strictement médical ne faisant intervenir aucune cause extérieure qui, par sa survenue brutale, serait à l’origine de l’entier dommage. Il devrait être pris en charge au titre de la maladie ordinaire ». Ces affirmations, purement assertives, n’étaient pas corroborées par des données cliniques antérieures établissant une incapacité préexistante.
La Cour écarte alors l’argumentation sur l’état antérieur en rappelant sa fonction révélatrice possible. Elle juge que « Or, même à admettre l’existence d’une prédisposition pathologique de l’assuré, qualifiable d’état antérieur, il n’est ni établi, ni même soutenu qu’une lésion afférente à la pathologie prise en charge avait fait l’objet d’une prise en charge médicale antérieurement à l’accident du travail, de sorte qu’il n’en ressort aucune incapacité antérieure à l’accident et cet état préexistant qui était jusqu’alors muet a pu être révélé puis aggravé par l’accident du travail ». La motivation assume une orthodoxie protectrice, conforme à l’économie du risque professionnel.
B – Le contrôle du juge sur l’expertise et les enseignements pratiques
La demande d’expertise, subsidiaire, est analysée sous l’angle de l’administration de la preuve. La cour rappelle que « Et une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à laisser présumer l’existence d’une cause étrangère qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés et, en tout état de cause, elle n’a pas vocation à pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve ». La règle évite de transformer l’expertise en instrument d’exploration aléatoire d’une cause alternative.
Le cœur de l’espèce réside dans la qualification de l’événement initial, que la Cour caractérise sans ambiguïté. Elle constate que « Ici, le salarié a été victime d’une lombalgie aigue sur son lieu de travail qui a entraîné sa chute ». Ce constat, rattaché à l’activité professionnelle, suffit à enclencher la présomption jusqu’à la consolidation, en l’absence d’une cause étrangère exclusive démontrée. La Cour en conclut logiquement que « Ainsi, les éléments avancés par l’employeur ne sont pas de nature à remettre en cause la présomption d’imputabilité, ni même à justifier du prononcé d’une mesure d’expertise ».
La solution confirme le jugement et stabilise la pratique contentieuse en rappelant la hiérarchie probatoire. Elle incite les employeurs à documenter précisément une cause extérieure, antérieure ou postérieure, agissant seule, plutôt qu’à contester la durée des arrêts. Elle sécurise corrélativement l’action des caisses, qui n’ont pas à produire systématiquement les prolongations, dès lors que la chaîne causale demeure sous la présomption ouverte par l’arrêt initial.