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Par un arrêt du 2 septembre 2025, la Cour d’appel de Lyon statue sur l’opposabilité d’arrêts et soins consécutifs à un accident du travail. Le litige concerne la période postérieure au 18 décembre 2016, que l’employeur estime étrangère à l’accident.
Un conducteur, mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, a chuté en descendant d’un camion le 26 septembre 2016, occasionnant des contusions aux genoux et à l’épaule gauche. Un certificat rectificatif du 6 décembre 2016 a ensuite mentionné une lombalgie, complétant les lésions initialement décrites dans le certificat médical d’accident.
La caisse a pris en charge l’accident le 4 octobre 2016 et les arrêts jusqu’à la consolidation fixée au 19 juillet 2018, selon la législation professionnelle. L’employeur a contesté l’imputabilité des arrêts à compter du 18 décembre 2016, soutenant des symptômes discontinus et un délai d’apparition trop tardif des nouvelles lésions.
La commission de recours amiable a confirmé l’opposabilité; le pôle social du tribunal judiciaire, par jugement du 30 août 2022, a rejeté l’inopposabilité et l’expertise sollicitée. L’employeur a interjeté appel le 16 septembre 2022, sollicitant l’inopposabilité des arrêts postérieurs et une expertise médicale sur pièces.
La question portait sur l’étendue de la présomption d’imputabilité issue de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et sur les conditions de son renversement. La Cour d’appel de Lyon confirme le jugement, retient l’opposabilité jusqu’à la consolidation et refuse l’expertise, faute d’éléments probants établissant une cause totalement étrangère.
I. La consécration d’une présomption d’imputabilité continue
A. Fondement et déclenchement par l’arrêt initial
La cour rappelle avec précision le régime légal, en s’adossant à l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. « En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire. »
Le cœur du litige résidait donc dans l’existence d’un arrêt initial, point d’ancrage ouvrant la présomption pour toute la période d’incapacité. « La cour observe que le certificat médical initial prescrit un arrêt de travail de sorte que la présomption d’imputabilité a vocation à s’appliquer à toutes les conséquences de l’accident du travail, soit à tous les soins et arrêts prescrits du 26 septembre 2016 jusqu’à la date de consolidation du 19 juillet 2018. »
B. L’extension aux lésions secondaires et la continuité symptomatique
La juridiction d’appel admet l’inclusion des lésions apparues secondairement, lombalgie et sciatalgie, dans le champ de la présomption ainsi déclenchée. Elle souligne que la mention postérieure d’une douleur rachidienne n’exclut pas la continuité des symptômes lorsque le mécanisme accidentel demeure cohérent.
La solution s’adosse au régime de la preuve documentaire en matière sociale. « De plus, sauf à renverser la charge de la preuve, la caisse n’est pas tenue de produire les certificats médicaux de prolongation d’arrêts de travail (2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626). » Elle apprécie ensuite la plausibilité lésionnelle à l’aune du fait générateur. « Par ailleurs, l’apparition de la nouvelle lésion « sciatalgie droite » est concordante avec le mécanisme accidentel décrit, étant rappelé que cette pathologie jusqu’alors muette a pu être révélée et aggravée par l’accident du travail. »
La critique tirée du délai d’apparition et de la prétendue discontinuité symptomatique ne suffit donc pas, à défaut d’éléments contraires précis, à faire tomber la présomption.
II. Le régime probatoire et le refus d’expertise
A. Les exigences probatoires et le rôle de l’expertise
La cour fixe un standard probatoire exigeant, en cohérence avec la charge pesant sur l’employeur lorsqu’une présomption d’imputabilité est acquise. « Et une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à laisser présumer l’existence d’une cause étrangère qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés et, en tout état de cause, elle n’a pas vocation à pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve. »
L’avis médical produit, dépourvu de données objectives sur un état antérieur ou une cause postérieure exclusive, ne constitue pas un commencement de preuve suffisant. La demande d’expertise s’efface ainsi devant l’absence d’indices sérieux susceptibles de renverser la présomption, conformément à l’économie de la preuve sociale.
B. Portée pratique et sécurisation du contentieux
La solution retenue consacre une ligne claire, renforçant la sécurité juridique des prises en charge jusqu’à la consolidation lorsque l’arrêt initial a été prescrit. « Dès lors, en ce qu’elle ne peut suppléer la carence de l’employeur dans l’administration de la preuve, sa demande d’expertise médicale doit être rejetée. »
La cour en tire la conséquence procédurale et matérielle adéquate. « En conséquence, en l’absence d’éléments suffisants permettant de considérer que les arrêts et soins prescrits ont, même pour partie de leur durée, une cause totalement étrangère au travail, les demandes d’inopposabilité et d’expertise seront, par confirmation du jugement, rejetées. » L’arrêt conforte, enfin, une jurisprudence d’équilibre où la présomption protège la victime, tout en laissant place à une preuve contraire lorsque des éléments sérieux sont établis.