Cour d’appel de Lyon, le 2 septembre 2025, n°24/01820

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Par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 2 septembre 2025, confirmant un jugement du Tribunal judiciaire de Roanne du 1er décembre 2021, la juridiction a tranché un litige né d’un contrat de fourniture et d’installation d’une pompe à chaleur. Un vendeur‑installateur avait livré l’équipement, recouru à un sous‑traitant pour la pose, puis des désordres récurrents étaient apparus dès la mise en service, portant sur des fuites, la régulation et des raccordements hydrauliques.

Après mises en demeure, une expertise judiciaire a été ordonnée. Le premier juge a retenu la responsabilité contractuelle du vendeur‑installateur, alloué le coût de remplacement de l’équipement, remboursé des interventions autorisées par l’expert, et indemnisé un préjudice de jouissance. Sur appel, l’installateur a sollicité l’infirmation, recherché la garantie du fabricant, et contesté l’évaluation du préjudice immatériel. Les acquéreurs ont demandé la confirmation. Le fabricant a conclu à sa mise hors de cause et à l’inopposabilité du rapport d’expertise.

La question posée portait sur l’imputation des désordres à des manquements d’exécution contractuelle et, corrélativement, sur l’exclusion de la responsabilité du fabricant au regard de la preuve d’un défaut intrinsèque. La cour rappelle d’abord que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et que, selon l’article 1217, « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut » notamment « obtenir une réduction du prix » ou « demander réparation des conséquences de l’inexécution ». Elle confirme la condamnation du vendeur‑installateur et rejette l’appel en garantie contre le fabricant, après avoir admis l’utilisation du rapport d’expertise discuté et corroboré. Elle relève enfin que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

I. Le sens de la décision: responsabilité contractuelle de l’installateur et rejet de la garantie du fabricant

A. La caractérisation des manquements d’exécution

Les constatations techniques retiennent des non‑conformités imputables à l’exécution du contrat d’installation. L’expertise met en évidence un vase d’expansion sous‑dimensionné, un mauvais raccordement de la bouteille casse‑pression, et un paramétrage de régulation inadapté provoquant une fermeture manuelle intempestive. S’y ajoutent des fuites à répétition sur le circuit frigorifique, révélant un défaut de fiabilité global rendant rationnelle l’option de remplacement.

Ces éléments établissent une inexécution fautive au sens des articles 1103 et 1217, indépendamment de la circonstance que l’équipement ait ponctuellement fonctionné lors de visites techniques. La cour souligne qu’« en l’espèce, c’est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites » que le premier juge a retenu la responsabilité contractuelle du vendeur‑installateur, dont les carences ont généré le coût du remplacement et les interventions nécessaires.

B. L’exclusion de la responsabilité du fabricant au regard de la preuve exigée

La mise en cause du fabricant supposait la démonstration d’un défaut intrinsèque de l’appareil ou d’une faute propre, distincts des malfaçons d’installation. Or l’expertise ne circonscrit pas les fuites à une cause interne avérée de l’unité, et ne préconise pas la mise en cause du fabricant. Les rapports de visite, produits et débattus, mentionnent des réserves étrangères à une défectuosité intrinsèque déterminante.

La cour rappelle, sur l’opposabilité de l’expertise, qu’« il est jurisprudence constante que si un rapport d’expertise judiciaire n’est opposable à une partie que lorsqu’elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d’expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport, dès lors qu’il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et si ce rapport est corroboré par d’autres éléments de preuve ». En l’état d’un dossier discuté, corroboré par des visites techniques et dénué de preuve d’un défaut interne, l’appel en garantie est justement rejeté.

II. Valeur et portée: méthode probatoire retenue et conséquences indemnitaires

A. La méthode d’appréciation de la preuve, entre sécurité des débats et efficacité réparatrice

La solution concilie loyalement le contradictoire et l’efficacité probatoire. L’admission d’un rapport non opposable stricto sensu, mais versé et discuté, répond à un standard constant résumant une pratique judiciaire pragmatique. Elle prévient les dénis de preuve liés à l’absence d’appel initial d’un tiers et évite la vacuité d’un débat technique fragmenté. La formule « le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport » articule raisonnablement liberté de la preuve et égalité des armes.

L’exigence de corroboration évite toutefois qu’un document unilatéral prenne force probante excessive. Les visites techniques extérieures et les pièces contractuelles complètent utilement l’analyse. La répartition de la charge probatoire demeure classique: au créancier d’alléguer l’inexécution, au débiteur de l’écarter par la preuve d’une cause étrangère pertinente, ici non rapportée.

B. L’appréciation des préjudices et l’encadrement de l’indemnisation

La confirmation du coût de remplacement s’inscrit dans une logique de réparation intégrale, face à une installation devenue peu fiable et nécessitant un changement complet. La prise en charge des interventions réalisées sur autorisation de l’expert apparaît cohérente, car directement causée par les manquements d’exécution. L’argument tiré d’erreurs de diagnostic se heurte aux constatations techniques réitérées et à l’inefficacité des reprises.

L’indemnisation du préjudice de jouissance retient une période de vingt‑deux mois et s’appuie sur une référence locative assortie d’une décote moyenne. La cour écarte à bon droit la minoration fondée sur l’usage d’un chauffage alternatif, moins confortable et non équivalent. La méthode, stable et mesurée, prévient une sous‑évaluation des troubles d’usage. Elle rappelle qu’en vertu de l’article 1240, « tout fait quelconque de l’homme » engage réparation, y compris pour les troubles de jouissance prévisibles et prouvés.

En définitive, la décision renforce une ligne claire: l’installateur répond des désordres d’exécution et de leurs suites pécuniaires, tandis que le fabricant demeure à l’écart en l’absence de preuve d’un défaut intrinsèque ou d’une mission dépassant la mise en service. La cohérence des chefs indemnitaires consolide la sécurité des transactions techniques et la lisibilité des risques contractuels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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