Cour d’appel de Lyon, le 20 juin 2025, n°22/03118

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L’arrêt commenté a été rendu par la Cour d’appel de Lyon, chambre sociale C, le 20 juin 2025. Il tranche un contentieux relatif à la requalification de contrats aidés CUI‑CAE, à l’obligation de sécurité et à la portabilité des garanties. Les faits tiennent à l’exécution de quatre contrats successifs dans un emploi de médiation sociale, conclus entre février 2018 et février 2021, assortis d’aides publiques et d’actions d’accompagnement. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée pour dépassement du plafond légal de vingt‑quatre mois, avec demandes indemnitaires corrélatives, et de griefs tenant à la sécurité et à la portabilité. Le conseil de prud’hommes a fait droit à la requalification et aux indemnités afférentes. L’employeur a interjeté appel, soutenant l’existence d’une dérogation régulièrement accordée et contestant les manquements allégués. La question posée à la Cour d’appel porte d’une part sur la compétence du juge judiciaire et l’appréciation des conditions légales de prolongation d’un CUI‑CAE au‑delà de vingt‑quatre mois, d’autre part sur la caractérisation d’un manquement à l’obligation de sécurité et sur l’existence d’un préjudice lié à la portabilité. La solution retient la compétence judiciaire, écarte la requalification, rejette la demande au titre de la sécurité, constate un manquement formel sur la portabilité sans préjudice, et statue en conséquence. La Cour énonce notamment: « Rejette l’exception d’incompétence » et « Dit n’y avoir lieu de requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée ».

I. Le contrôle judiciaire des CUI‑CAE prolongés

A. La compétence du juge judiciaire confirmée

La Cour rappelle d’abord que le litige s’attache à l’exécution et à la rupture de contrats de droit privé. En cela, elle souligne que les prétentions, même liées à l’attribution d’aides, ressortissent à l’ordre judiciaire. Elle motive en ces termes, dans une formule dépourvue d’ambiguïté: « Dès lors, l’exception d’incompétence ne peut qu’être rejetée ». Le visa des articles du code du travail consacrant la nature privée du contrat associé à l’aide et l’ancrage jurisprudentiel de principe fondent ce rejet, sans méconnaître le contrôle administratif de l’aide en tant que telle.

Cette solution éclaire le partage des compétences en matière de contrats aidés. Le juge judiciaire connaît des effets contractuels, tandis que l’office du juge administratif demeure cantonné à la légalité externe de l’aide. La Cour préserve ainsi l’effectivité du contrôle prud’homal des obligations d’accompagnement et de formation, intrinsèques à l’économie du CUI‑CAE.

B. La dérogation au plafond légal et l’appréciation des actions d’accompagnement

Au fond, l’arrêt examine si les prolongations successives ont respecté les conditions légales, en particulier l’exigence d’actions d’accompagnement et de formation, ainsi que l’évaluation préalable. La Cour relève des demandes d’aide régulières, l’identification d’un tuteur, des actions d’accompagnement répertoriées et un nombre significatif de formations réalisées. Elle retient enfin l’orientation vers une validation des acquis. Elle constate: « Les pièces produites démontrent que lors de la dernière demande de renouvellement, le [contrat] visait à permettre […] de s’engager dans le processus VAE ». Elle en déduit: « Il s’ensuit qu’il n’est pas établi que l’association n’a pas respecté les dispositions des articles précités ni son obligation de formation ».

Cette motivation articule utilement la lettre des textes et la finalité d’insertion. La Cour ne se borne pas à constater l’existence formelle de conventions; elle apprécie la consistance des mesures au regard de l’objet du dispositif. En refusant la requalification, elle clôt logiquement la chaîne des demandes subséquentes. Le dispositif précise: « Dit n’y avoir lieu de requalifier les contrats […] en contrat de travail à durée indéterminée », ce qui emporte le rejet des indemnités liées à un licenciement infondé.

II. Les obligations de sécurité et d’information post‑contractuelle

A. L’obligation de sécurité: rappel des principes et exigence probatoire

L’arrêt réaffirme d’abord la norme d’organisation et de moyens posée par le code du travail. La Cour souligne l’étendue du devoir de prévention, sans exiger la réalisation d’un dommage professionnel pour engager la responsabilité. Elle énonce, à bon droit: « Il suffit que l’employeur manque à l’une de ses obligations en matière de sécurité pour qu’il engage sa responsabilité civile ». Pour autant, elle exige des éléments établissant le manquement et le préjudice.

Au regard des pièces, la Cour constate l’insuffisance de la preuve. Elle note la formalisation de consignes, l’existence d’un protocole de sécurisation des fonds et l’absence d’éléments circonstanciés sur des risques caractérisés. Sa formule est nette: « Les attestations produites ne caractérisent pas les prétendus risques », et l’événement invoqué demeure « isolé ». En l’absence de corrélation médicale établie, la demande indemnitaire est rejetée. La solution confirme une ligne constante: charge probatoire sur le salarié, contrôle concret des mesures de prévention.

B. La portabilité des garanties: manquement d’information sans préjudice réparable

S’agissant de la portabilité, la Cour applique les dispositions de sécurité sociale relatives au maintien gratuit des garanties. Elle relève un défaut d’information, en des termes précis: « La cour observe que le certificat de travail ne mentionne pas le principe de la portabilité […] ce qui constitue un manquement ». Elle examine ensuite la réalité du dommage allégué, condition de la réparation délictuelle.

Faute d’éléments sur un refus de prise en charge ou des frais demeurés à charge, l’arrêt statue sans détour: le salarié « ne justifie d’aucun préjudice lié à ce manquement ». L’absence de preuve d’une perte, même modeste, exclut l’allocation de dommages‑intérêts. Cette solution concilie l’exigence de conformité documentaire avec la rigueur des conditions de l’indemnisation civile, et évite de transformer l’obligation d’information en responsabilité automatique.

La décision présente une cohérence d’ensemble. Le contrôle exercé sur les CUI‑CAE valorise la finalité d’insertion et l’évaluation des actions, plutôt que la seule arithmétique des durées. Les rappels en matière de sécurité et de portabilité s’inscrivent dans un cadre probatoire ferme. Par les formules « Rejette l’exception d’incompétence » et « Dit n’y avoir lieu de requalifier les contrats », la Cour sécurise le traitement juridictionnel des contrats aidés tout en exigeant une démonstration rigoureuse des manquements allégués et de leurs conséquences.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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