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Par un arrêt en date du 20 juin 2025, la Cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur la détermination du taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur à la suite d’un accident du travail ayant entraîné une algodystrophie de la main droite. Cette décision s’inscrit dans le contentieux technique de la sécurité sociale relatif à l’évaluation des séquelles professionnelles.
Les faits à l’origine du litige sont les suivants. Le 25 juin 2015, une salariée employée comme promoteur des ventes a été victime d’un accident du travail survenu lors du changement d’étagères, l’une d’elles s’étant décrochée et lui étant tombée sur le poignet. Le certificat médical initial faisait état d’une contusion directe de la main droite avec entorse du pouce droit. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de cet accident. L’état de santé de la victime a été consolidé au 31 octobre 2016 et, par décision notifiée le 1er décembre 2016, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente partielle à 30 %.
L’employeur a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l’incapacité. Lors de l’audience du 26 novembre 2019, une consultation médicale sur pièces a été ordonnée. Par jugement du 7 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire a réformé la décision de la caisse et fixé le taux opposable à 20 %. L’employeur a interjeté appel de cette décision, soutenant que le taux devait être ramené à 10 %. La caisse a formé appel incident, sollicitant le rétablissement du taux initial de 30 %.
La question posée à la Cour d’appel de Lyon était de déterminer si les séquelles consécutives à l’accident du travail, prenant la forme d’une algodystrophie de la main droite, devaient être qualifiées de forme mineure ou de forme sévère au sens du barème indicatif d’invalidité et, par conséquent, quel taux d’incapacité permanente partielle devait être retenu dans les rapports entre la caisse et l’employeur.
La cour a confirmé le jugement entrepris en retenant un taux de 20 %, considérant que les éléments médicaux établissaient l’existence d’une algodystrophie relevant d’une forme mineure du barème. Elle a relevé qu’il n’était « pas possible de retenir l’existence d’une impotence totale du poignet et de la main » compte tenu du maintien partiel de la mobilité et de l’absence de troubles trophiques importants.
Cette décision présente un intérêt pour l’application du barème indicatif d’invalidité en matière d’algodystrophie. Elle invite à examiner les critères de qualification de la forme mineure de l’algodystrophie (I) avant d’apprécier la portée de l’appréciation souveraine des juges du fond dans l’évaluation des séquelles professionnelles (II).
I. La qualification de la forme mineure de l’algodystrophie
La cour procède à une analyse rigoureuse des critères du barème indicatif d’invalidité (A) pour caractériser une algodystrophie sans troubles trophiques importants ni impotence totale (B).
A. L’application des critères du barème indicatif d’invalidité
L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale dispose que le taux d’incapacité permanente partielle est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle. Le barème indicatif d’invalidité constitue un outil d’aide à la décision, sans lier les juridictions.
Le paragraphe 4.2.6 du barème, relatif aux séquelles portant sur le système nerveux végétatif et syndromes algodystrophiques, distingue deux formes. La forme mineure, cotée entre 10 et 20, se caractérise par l’absence de troubles trophiques importants, de troubles neurologiques et d’impotence. La forme sévère, cotée entre 30 et 50, suppose une impotence et des troubles trophiques, sans troubles neurologiques objectifs.
La cour rappelle que le barème prévoit « selon l’intensité des douleurs, des troubles trophiques et de l’atteinte articulaire : forme mineure sans troubles trophiques importants, sans troubles neurologiques et sans impotence 10 à 20 ». Cette gradation impose une analyse clinique précise des séquelles constatées à la date de consolidation.
B. L’absence de troubles trophiques importants et d’impotence totale
La cour s’appuie sur l’avis du médecin consultant désigné en première instance, lequel soulignait qu’à la consolidation, « l’examen fait à la consolidation ne montre pas de troubles trophiques. Il y a des douleurs, une certaine raideur des doigts et de la mobilité du poignet ». Cette constatation clinique objective exclut la forme sévère du barème.
L’examen clinique du médecin-conseil de la caisse révélait « pas de sudation de la paume et pas de modification de la coloration constatée » ainsi qu’une « très discrète amyotrophie du membre supérieur droit chez une droitière ». Ces éléments objectifs contredisent la thèse d’une forme sévère d’algodystrophie.
La cour relève que la victime « a conservé une partie de la mobilité du poignet », que « la flexion et l’extension des doigts longs restent possibles même si limitées » et qu’il « subsiste une mobilité du pouce ». Elle en déduit qu’il n’est « pas possible de retenir l’existence d’une impotence totale du poignet et de la main ».
II. L’appréciation souveraine des juges du fond dans l’évaluation des séquelles
La confirmation du taux intermédiaire de 20 % témoigne d’une approche mesurée des juridictions (A) qui privilégie la concordance des avis médicaux objectifs sur les allégations subjectives (B).
A. Le choix d’un taux intermédiaire dans la fourchette du barème
Le barème indicatif prévoit une fourchette de 10 à 20 pour la forme mineure d’algodystrophie. L’employeur sollicitait l’application de la borne inférieure tandis que la caisse demandait le rétablissement d’un taux de 30 correspondant à la forme sévère.
La cour confirme le choix du tribunal d’appliquer la borne supérieure de la forme mineure. Elle retient « une amyotrophie discrète, sans troubles trophiques et d’une impotence relative du poignet des doigts de la main droite permettant un maintien partiel de la mobilité d’une partie des fonctions du poignet et de la main ».
Cette appréciation traduit la prise en compte de la réalité des séquelles. Si celles-ci ne justifient pas un taux de forme sévère, elles demeurent suffisamment significatives pour ne pas être cotées au minimum de la fourchette. Le taux de 20 % reflète l’existence de douleurs et d’une raideur articulaire persistantes.
B. La primauté des constatations cliniques objectives
La cour fonde sa décision sur la concordance des avis du médecin consultant désigné par le tribunal et du médecin mandaté par l’employeur. Le premier estimait qu’il s’agissait d’un « tableau d’algodystrophie sans troubles trophiques, avec des douleurs, une raideur articulaire » relevant d’une forme mineure. Le second relevait que « l’amyotrophie constatée, est extrêmement minime, de l’ordre du centimètre ».
Face aux allégations de la victime lors de l’examen, le médecin-conseil avait noté des gestes « allégués irréalisables en actif mais bien effectués en passif ». Cette discordance entre les plaintes subjectives et les possibilités objectives de mobilisation justifie une approche prudente dans l’évaluation des séquelles.
La cour privilégie ainsi les éléments cliniques objectivement constatés. Elle écarte l’argumentaire du médecin-conseil de la caisse qui soutenait que les troubles trophiques marqués par l’atrophie justifiaient le maintien du taux de 30 %, dès lors que l’amyotrophie était qualifiée de très discrète par ce même praticien lors de son examen.