Cour d’appel de Lyon, le 24 juin 2025, n°24/08836

La Cour d’appel de Lyon, 24 juin 2025, se prononce sur l’inclusion, dans l’assiette de la contribution prévue aux articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, des frais de congrès scientifiques ou publicitaires engagés à l’étranger par une entreprise du secteur des dispositifs médicaux. Le litige naît d’un contrôle ayant conduit à un redressement portant notamment sur de tels frais, que l’entreprise conteste. Saisie après un jugement du tribunal judiciaire de Valence du 3 novembre 2020 confirmant l’inclusion de ces frais, la Cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 27 janvier 2022, confirme le jugement. La Cour de cassation, le 17 octobre 2024, casse partiellement, renvoie devant la Cour d’appel de Lyon, laquelle est tenue, dans les limites de la cassation, d’examiner la seule question des congrès à l’étranger. L’entreprise demande l’exclusion de ces dépenses au regard du principe de territorialité, tandis que l’organisme de recouvrement soutient l’absence de distinction de lieu au sein du 3° de l’article L. 245-5-2 et invoque la logique de l’abattement de 75 %.

La question posée est précise. Les frais de congrès tenus hors du territoire national participent-ils de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux, au regard du principe de territorialité résultant de l’article L. 245-5-1 et du champ des charges visées au 3° de l’article L. 245-5-2 ? La Cour d’appel de Lyon répond par la négative, retenant que « Il résulte de ce texte que n’entrent dans l’assiette de la contribution instituée par l’article L. 245-5-1 du même code que les frais de congrès scientifiques ou publicitaires et des manifestations de même nature organisés sur le territoire français. » Elle écarte la thèse contraire en rappelant que « la cour rappelle qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas », et qu’en présence d’un principe de territorialité déterminant l’assujettissement, l’absence de dérogation expresse s’oppose à l’inclusion des dépenses engagées à l’étranger.

I. Le sens de la décision et ses fondements

A. Le cadre du renvoi et l’office de la juridiction
Après la cassation partielle du 17 octobre 2024, le renvoi circonscrit l’office du juge à la seule assiette des frais de congrès hors de France. Cette délimitation recentre le débat sur l’articulation du principe de territorialité issu de l’article L. 245-5-1 avec l’énumération des charges au 3° de l’article L. 245-5-2. La Cour d’appel de Lyon rappelle le périmètre de sa saisine et réévalue l’interprétation des textes, sans rouvrir les points définitivement jugés, ce qui garantit la cohérence procédurale de la solution.

B. La combinaison du principe de territorialité et de l’assiette légale
Le raisonnement s’ancre dans la finalité de l’article L. 245-5-1, qui institue une contribution due par les opérateurs assurant la fabrication, l’importation ou la distribution « en France ». En face, l’article L. 245-5-2, 3°, vise les « frais de congrès scientifiques ou publicitaires » mais ne précise pas de localisation. La Cour opère une lecture systématique, faisant primer le critère territorial fixé par le texte d’assujettissement, et réserve l’assiette aux dépenses liées à des congrès organisés sur le territoire national. Cette interprétation restrictive est affirmée par le considérant selon lequel « n’entrent dans l’assiette […] que les frais […] organisés sur le territoire français », qui constitue le cœur de la motivation.

II. La valeur de la solution et sa portée

A. Une interprétation cohérente avec l’économie du dispositif
La solution présente une cohérence forte avec la logique contributive, adossée à la solidarité nationale et au périmètre de l’assurance maladie. En limitant l’assiette aux événements tenus en France, la Cour évite d’étendre le prélèvement à des actions promotionnelles orientées vers des marchés étrangers, dont les retombées sur le système français sont indirectes ou hypothétiques. La référence à l’adage « il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas » est maniée pour confirmer le principe, non pour étendre l’assiette au-delà du champ territorial clairement défini par le texte d’assujettissement.

B. Les conséquences pratiques et les débats résiduels
L’impact pratique est immédiat : les opérateurs peuvent exclure de l’assiette les frais de congrès hors de France, sous réserve d’une traçabilité comptable rigoureuse et d’une justification probatoire du lieu d’organisation. Cette solution limite les risques de double imposition économique pour les entreprises à l’activité exportatrice. Elle interroge cependant le rôle de l’abattement de 75 % prévu pour les congrès. L’argument selon lequel cet abattement neutraliserait la part sans effet pour l’assurance maladie, quel que soit le lieu, n’est pas retenu. L’abattement demeure un mécanisme de correction interne à l’assiette, sans portée pour franchir la frontière que le principe de territorialité trace en amont.

La Cour d’appel de Lyon, 24 juin 2025, infirme dans cette limite et exclut les frais de congrès à l’étranger de l’assiette, minorant le redressement de 38 760 euros. En faisant prévaloir la territorialité de l’assujettissement sur l’extension indifférenciée de l’assiette, elle stabilise la lecture des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2, tout en ménageant une sécurité juridique appréciable pour les acteurs internationaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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