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Le droit du travail se caractérise par la complexité de ses mécanismes de décompte du temps de travail et de compensation des heures supplémentaires. La présente décision illustre cette technicité à travers un litige portant sur le calcul de la contrepartie obligatoire en repos.
Par arrêt du 25 juin 2025, la cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur les demandes d’une salariée engagée en qualité d’agent administratif par une société de transport routier, relative au paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateurs. Après un congé maternité suivi d’un congé parental, la salariée avait sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Elle réclamait ensuite diverses sommes au titre d’heures supplémentaires qu’elle estimait impayées ainsi qu’un complément d’indemnité de contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2015.
La salariée soutenait avoir accompli des heures supplémentaires non rémunérées, produisant des courriels envoyés en dehors de ses horaires de travail et des attestations de collègues. Elle estimait par ailleurs que le calcul de la contrepartie obligatoire en repos devait s’effectuer sur la base de 100 % des heures accomplies au-delà du contingent, l’effectif de l’entreprise dépassant vingt salariés. L’employeur contestait ces prétentions et formait une demande reconventionnelle en restitution d’un trop-perçu.
Le conseil de prud’hommes, statuant en formation de départage après partage des voix, avait débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes et l’avait condamnée à restituer une somme au titre des repos compensateurs. La cour d’appel devait donc trancher la question de savoir comment déterminer l’effectif de l’entreprise pour fixer le taux de la contrepartie obligatoire en repos et quelles heures devaient être prises en compte dans ce calcul.
La cour d’appel de Lyon confirme le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts, mais l’infirme partiellement sur le montant de la restitution. Elle juge que l’effectif à retenir est celui de l’année précédente, soit 2014, ce qui conduit à appliquer un taux de 100 %. Toutefois, elle exclut du calcul les périodes de congés payés et jours fériés qui ne constituent pas du temps de travail effectif.
Cette décision présente un double intérêt. Elle précise les règles de détermination de l’effectif pour le calcul de la contrepartie obligatoire en repos, ce qui constitue une question rarement tranchée par la jurisprudence (I). Elle rappelle également les conditions d’exclusion de certaines heures du décompte ouvrant droit à cette contrepartie (II).
I. La détermination de l’effectif pour le calcul de la contrepartie obligatoire en repos
La cour d’appel applique les dispositions légales antérieures à la réforme de 2019 pour retenir l’effectif de l’année précédente (A), ce qui conduit à fixer le taux de la contrepartie à 100 % plutôt qu’à 50 % (B).
A. L’application du droit antérieur à la loi du 22 mai 2019
La cour rappelle que les dispositions de l’article L. 3121-38 alinéa 2 du code du travail, qui renvoient aux modalités de calcul de l’effectif prévues par le code de la sécurité sociale, « sont issues de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, en sorte qu’elles ne sont pas applicables au litige portant sur l’année 2015 ». Elle écarte ainsi l’argument de l’employeur qui invoquait ces dispositions postérieures aux faits.
Cette solution procède d’une application stricte du principe de non-rétroactivité de la loi. Les règles nouvelles de franchissement des seuils, qui prévoient notamment un mécanisme de lissage sur cinq années consécutives, ne sauraient s’appliquer à des situations antérieures à leur entrée en vigueur. La cour fait donc application du droit en vigueur au moment des faits, conformément à une jurisprudence constante en matière de conflits de lois dans le temps.
L’enjeu pratique de cette question est considérable. En l’espèce, l’application du droit ancien conduit à retenir un effectif de 21,54 salariés, tandis que les règles nouvelles auraient pu aboutir à un résultat différent compte tenu des modalités de calcul et des mécanismes de neutralisation qu’elles instaurent.
B. Le recours à l’effectif de l’année précédente
En l’absence de disposition spéciale applicable à la contrepartie obligatoire en repos, la cour se réfère « aux dispositions générales de décompte des effectifs en droit du travail issues des dispositions des articles L. 1111-1 et suivants du code du travail ». Elle en déduit que « l’effectif salarié annuel à prendre en compte est celui correspondant à la moyenne du nombre de personnes employées au cours des mois de l’année précédente, soit de l’année N-1 ».
Cette interprétation apparaît conforme à la logique du droit du travail qui, pour de nombreux seuils, retient l’effectif de l’année précédente afin de garantir une certaine prévisibilité dans l’application des règles. Elle permet également d’éviter les stratégies d’ajustement de l’effectif en cours d’année pour échapper aux obligations liées au franchissement d’un seuil.
La conséquence pratique est immédiate. L’effectif de 21,54 salariés au 31 décembre 2014 conduit à appliquer le taux de 100 % prévu pour les entreprises de plus de vingt salariés, et non celui de 50 % applicable aux entreprises de vingt salariés au plus. Cette solution favorable à la salariée aurait pu lui permettre d’obtenir une indemnité plus élevée si les autres conditions avaient été réunies.
II. L’assiette des heures ouvrant droit à la contrepartie obligatoire en repos
La cour d’appel opère une distinction entre les heures de travail effectif et les autres heures (A), ce qui la conduit à réduire significativement le montant dû à la salariée (B).
A. L’exclusion des périodes ne constituant pas du temps de travail effectif
La cour énonce que « ce sont les heures de travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail qui sont prises en considération pour ouvrir droit au repos ». Elle en tire la conséquence que « sont ainsi exclues les périodes d’inaction, donc les temps de congés payés et jours fériés chômés y compris le 1er mai ».
Cette solution s’inscrit dans une conception stricte du temps de travail effectif défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Les congés payés et les jours fériés, bien qu’ils donnent lieu à rémunération, ne répondent pas à cette définition.
L’application de ce principe conduit la cour à constater que « sur les 333,16 heures supplémentaires payées, 142,33 heures correspondent à des heures qui n’étaient des heures de travail effectif ». Seules 60,83 heures ouvrent donc droit à la contrepartie obligatoire en repos, soit un montant sensiblement inférieur à celui réclamé par la salariée.
B. Les conséquences sur le calcul de l’indemnité
Après avoir déterminé le nombre d’heures éligibles et déduit les journées de repos déjà prises par la salariée, la cour fixe le droit à contrepartie obligatoire en repos à la somme de 484,33 euros. Or, la salariée avait perçu 1 199 euros à ce titre. La cour en déduit qu’« elle a été remplie de ses droits » et rejette sa demande complémentaire.
Cette solution conduit également à faire droit partiellement à la demande reconventionnelle de l’employeur. La cour condamne la salariée à restituer « la somme de 714,67 euros en restitution de l’indu au titre de l’indemnité de contrepartie obligatoire en repos ». Elle infirme ainsi le jugement qui avait fixé cette restitution à un montant supérieur de 799,85 euros outre congés payés.
La cour applique les dispositions de l’ancien article 1376 du code civil, devenu article 1302-1, selon lesquelles « celui qui perçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ». Elle précise que la charge de la preuve du caractère indu incombe à l’employeur, condition qui se trouve remplie par les calculs effectués. Cette décision illustre ainsi le risque pour le salarié qui formule des demandes excessives de se voir condamné à restituer des sommes qu’il avait pourtant perçues de bonne foi.