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L’article L. 711-5 du code de la consommation prévoit un régime dérogatoire pour les dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal. Ces créances ne peuvent faire l’objet ni d’un effacement ni d’un rééchelonnement au-delà du terme contractuel. La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 3 juillet 2025, fait application de ce texte en excluant du plan de surendettement les dettes de prêt sur gage d’une débitrice, infirmant ainsi le jugement de première instance qui les avait incluses dans les mesures de désendettement.
Une débitrice a déposé un dossier de surendettement auprès de la commission du Rhône, laquelle a déclaré sa demande recevable le 21 septembre 2023. Le 21 décembre 2023, la commission a imposé des mesures consistant en un rééchelonnement du paiement d’un passif total de 64 691,64 euros sur 74 mois. La débitrice a contesté ces mesures, estimant sa capacité de remboursement surévaluée. Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon, par jugement du 18 juillet 2024, a réduit la mensualité à 269 euros, allongé le plan à 84 mois et prévu l’effacement du solde des dettes à l’issue de cette période, y compris deux créances de prêt sur gage auprès du crédit municipal pour un montant total de 3 557,48 euros. Le crédit municipal a interjeté appel, soutenant que ses créances devaient être exclues de la procédure en application de l’article L. 711-5 du code de la consommation. La débitrice, présente à l’audience, n’a pas contesté cette demande.
La question posée à la cour était de savoir si les dettes issues de prêts sur gage consentis par une caisse de crédit municipal pouvaient être incluses dans un plan de surendettement prévoyant leur rééchelonnement et leur effacement partiel.
La cour d’appel de Lyon infirme le jugement sur ce point. Elle juge que « les dettes issues de prêts sur gage du crédit municipal ne peuvent faire l’objet d’un rééchelonnement ou d’un effacement même partiel » et qu’elles « doivent être exclues de la procédure de surendettement et seront traitées hors plan, comme l’avait retenu la commission ». Elle maintient pour le surplus les modalités du plan concernant les autres créanciers.
Cette décision appelle une analyse de la nature protectrice du régime des prêts sur gage à l’égard du crédit municipal (I), avant d’envisager les conséquences de cette exclusion sur l’équilibre de la procédure de surendettement (II).
I. La protection légale du crédit municipal face au traitement collectif du passif
A. Le fondement textuel de l’exclusion des prêts sur gage
L’article L. 711-5 du code de la consommation édicte une règle claire. Les dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal « ne peuvent être effacées » par les mesures de surendettement. Le texte renvoie à l’article L. 514-1 du code monétaire et financier, lequel définit le régime juridique du prêt sur gage consenti par ces établissements publics.
La cour d’appel fait une application littérale de ces dispositions. Elle relève que « compte tenu des conditions des prêts consentis » à la débitrice, les dettes litigieuses ne pouvaient « faire l’objet d’un rééchelonnement ou d’un effacement même partiel ». Cette lecture extensive du texte mérite attention. L’article L. 711-5 vise expressément l’impossibilité d’effacement et l’interdiction d’empêcher ou de différer la réalisation des gages au-delà de la date contractuelle. La cour en déduit une exclusion totale de la procédure, ce qui constitue une interprétation cohérente avec la ratio legis du dispositif.
B. La spécificité du prêt sur gage justifiant le régime dérogatoire
Le prêt sur gage présente des caractéristiques qui expliquent ce traitement particulier. Le crédit municipal consent un financement garanti par un bien mobilier remis en gage. La réalisation de cette garantie, à défaut de remboursement, constitue l’essence même du contrat. Le législateur a entendu préserver l’intégrité de ce mécanisme, qui répond à une mission d’intérêt général d’accès au crédit pour les personnes les plus fragiles.
La cour souligne que « la réalisation des gages par les caisses de crédit municipal ne peut être empêchée ou différée au-delà de la date déterminée dans le contrat de prêt ». Cette règle traduit la volonté de maintenir la viabilité économique de ces établissements. Si les prêts sur gage pouvaient être effacés ou rééchelonnés comme les autres créances, le modèle économique du crédit municipal serait compromis. La protection accordée au créancier sert donc indirectement l’intérêt des emprunteurs futurs.
II. Les incidences de l’exclusion sur l’architecture du plan de désendettement
A. La nécessaire recomposition du plan après exclusion des créances
L’exclusion des dettes de prêt sur gage entraîne mécaniquement une modification du plan de surendettement. La cour relève que « les créances du crédit municipal ayant été prises en compte dans le cadre du plan de surendettement, un remboursement partiel ayant été prévu, celui-ci doit nécessairement être modifié ». Elle procède donc à une refonte du tableau d’apurement en maintenant les paramètres non contestés par les parties.
La mensualité de 269 euros, la durée de 84 mois et la suppression des intérêts demeurent inchangées. Seule la répartition entre créanciers est affectée. Le passif soumis au plan passe de 64 691,64 euros à 61 134,16 euros après déduction des deux créances exclues. L’effacement prévu en fin de plan est réduit à 38 538,16 euros contre 42 278,50 euros initialement. Cette recomposition illustre la souplesse du mécanisme de surendettement, qui s’adapte aux contraintes légales sans remettre en cause les principes directeurs du désendettement.
B. La situation paradoxale de la débitrice face aux créances exclues
L’exclusion des créances de prêt sur gage place la débitrice dans une situation délicate. Elle devra honorer ces dettes « hors plan », parallèlement aux mensualités du plan de surendettement. Les 3 557,48 euros dus au crédit municipal restent intégralement exigibles selon les termes contractuels. La cour ne fixe aucune modalité particulière pour ces créances, renvoyant la débitrice au droit commun.
Cette situation peut sembler sévère au regard de l’objectif de la procédure de surendettement. Le législateur a cependant fait un choix clair en faveur de la protection du crédit municipal. La débitrice, qui n’a pas contesté les prétentions de l’appelant à l’audience, conserve la faculté de négocier directement avec cet établissement. Elle peut également saisir ultérieurement la commission en cas d’aggravation de sa situation, comme le rappelle la cour dans son dispositif. L’exclusion légale des prêts sur gage constitue ainsi une limite au pouvoir du juge de moduler l’ensemble du passif d’un débiteur surendetté.