Cour d’appel de Lyon, le 3 septembre 2025, n°23/02696

Par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 3 septembre 2025, la huitième chambre tranche un contentieux relatif à un contrat d’assistance à maître d’ouvrage. La question centrale porte sur la gravité des manquements allégués et la sanction appropriée entre résolution et réduction du prix.

Le contrat a été conclu le 10 novembre 2020 pour un prix de 30 000 euros TTC, avec acompte, et portait sur des études préliminaires, de faisabilité, de permis et de devis. Les maîtres d’ouvrage ont signifié, par message, leur volonté de cesser la relation en avril 2021, l’assistante les ayant ensuite mis en demeure de payer l’intégralité du prix.

Par jugement du 21 février 2023, le tribunal judiciaire de Bourg‑en‑Bresse a prononcé la résiliation aux torts de la société prestataire, rejeté sa demande en paiement et alloué des frais irrépétibles aux maîtres d’ouvrage. L’appel est interjeté par la société, qui sollicite le prix, des intérêts et des dommages‑intérêts pour résistance abusive.

La cour d’appel écarte la résolution, retient une exécution partielle, et opère une réduction de prix de moitié avec condamnation corrélative. Elle confirme le rejet de la résistance abusive et réattribue les dépens, tout en statuant sur les frais irrépétibles des deux instances.

I. Le sens de la décision

A. Délimitation de la mission contractuelle d’assistance

La cour précise d’abord la qualification et le contenu exact du contrat conclu entre les parties. Elle affirme que « Comme jugé en première instance, la cour retient que le contrat d’assistance à maître d’ouvrage du 10 novembre 2020 est dépourvu d’ambiguité et ne saurait être confondu avec un contrat de maîtrise d’oeuvre ». Cette affirmation fixe, sans ambiguïté, une mission d’appui intellectuel, distincte de la conduite intégrale du chantier, réservée à la maîtrise d’œuvre.

L’une des conséquences directes tient à l’exclusion de certaines obligations techniques et opérationnelles. La motivation souligne que « La réception est expressément exclue de sa mission ». Cette précision borne le devoir de l’assistant, recentre l’objet des obligations sur les études promises et écarte l’argument tenant à une prise en charge totale du projet jusqu’à la remise des clés.

B. Appréciation de la gravité de l’inexécution et rejet de la résolution

Le cadre juridique rappelé par la cour circonscrit l’office du juge face à une exécution contestée. Elle rappelle que « L’article 1224 du même code prévoit que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ». La décision se place ainsi sous le critère de la gravité, apprécié in concreto, au regard des prestations effectivement réalisées.

La charge probatoire demeure classique. La cour énonce que « Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Elle constate des éléments d’exécution, notamment la production de plans et le dépôt du permis, ainsi qu’une relance structurée des entreprises pour deviser les corps d’état. Elle écarte l’argument déterminant tiré d’un prétendu montage frauduleux des devis, en relevant que « Il ne saurait donc être argué de faux à l’origine du blocage du prêt par la banque, malgré la plainte déposée par les maîtres d’ouvrage ». Elle observe enfin l’incidence de la rupture anticipée décidée par les maîtres d’ouvrage, relevant qu’« En raison de la rupture du contrat par les maîtres d’ouvrage, l’étude des devis signés est devenue sans objet ». L’ensemble ne caractérise pas une inexécution d’une gravité suffisante pour justifier la résolution.

II. La valeur et la portée de la solution

A. Une sanction proportionnée au régime de l’exécution imparfaite

La cour ne nie pas tout manquement et adhère à une sanction intermédiaire. Elle tranche que « Les inexécutions contractuelles donnent lieu à réduction du prix à hauteur de 50 % ». Ce choix s’inscrit dans le faisceau de sanctions de l’article 1217 du code civil, particulièrement adapté aux prestations intellectuelles où l’évaluation qualitative s’articule souvent avec des éléments factuels partiels.

La cohérence interne est solide. Le juge constate l’absence d’éléments probants sur plusieurs études promises, tout en retenant la réalisation effective de la séquence permis et l’activation du processus de chiffrage. L’équilibre résulte d’une pondération concrète des prestations utiles livrées et de celles demeurées à l’état d’intention. Si la motivation chiffrée reste sobre, la proportion de moitié reflète l’idée d’un service partiellement rendu.

B. Enseignements pratiques et limites de la motivation

Sur le terrain des sanctions, la cour rappelle l’option du cumul, tout en en refusant l’opportunité dans le cas d’espèce. Elle rappelle que « Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ». La confirmation du rejet de la résistance abusive traduit une appréciation mesurée, l’exécution imparfaite du prestataire faisant obstacle à l’octroi d’un complément indemnitaire autonome.

La décision livre des repères opérationnels pour l’assistance à maître d’ouvrage. D’une part, l’assistant doit tracer les diligences d’étude, au-delà des descriptifs sommaires, afin de sécuriser la preuve de la faisabilité et de l’adéquation aux règles d’urbanisme. D’autre part, la cour dissipe le soupçon de faux lorsqu’un circuit de devis est relancé proprement auprès des entreprises, sous contrôle documentaire suffisant. Le message normatif est clair : la résolution appelle une défaillance lourde et démontrée, tandis que l’exécution incomplète engage une réduction proportionnée du prix.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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