Cour d’appel de Lyon, le 4 septembre 2025, n°23/01361

Par arrêt du 4 septembre 2025, la cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur les effets de la résolution judiciaire d’un contrat de prestation de services à exécution successive dans le secteur photovoltaïque. Cette décision apporte un éclairage significatif sur l’articulation entre les dispositions du code civil issues de la réforme de 2016 et les clauses contractuelles de garantie.

Les faits de l’espèce se résument ainsi. Une société spécialisée dans l’audit de centrales photovoltaïques a conclu un contrat dit « Serenity » avec une société propriétaire de deux centrales situées en France. Ce contrat, signé le 26 septembre 2018, prévoyait la réalisation d’un audit complet et la mise en œuvre d’actions correctives pour améliorer la rentabilité des installations. La société prestataire a exécuté ses obligations en remettant un rapport d’audit le 19 avril 2019 et en effectuant diverses prestations de maintenance. Elle a ensuite émis deux factures demeurées impayées.

La société prestataire a assigné sa cocontractante devant le tribunal de commerce de Lyon le 1er mars 2022. Elle sollicitait la résolution du contrat aux torts de la société cliente, le paiement des factures impayées pour un montant de 7 254,24 euros et une indemnité de rupture de 57 830 euros fondée sur une clause pénale contractuelle.

Par jugement du 19 janvier 2023, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du contrat aux torts de la société cliente mais a débouté la société prestataire de ses demandes pécuniaires, considérant que la résolution entraînait un anéantissement rétroactif du contrat faisant obstacle à toute condamnation.

La société prestataire a interjeté appel limité aux chefs de jugement l’ayant déboutée de ses demandes en paiement. La société intimée a soulevé l’irrecevabilité des demandes relatives à la date de résolution au motif que ce chef n’était pas visé par la déclaration d’appel.

La question posée à la cour d’appel de Lyon était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si la cour était valablement saisie de la question des effets de la résolution alors que le prononcé de celle-ci n’était pas dévolu. Il fallait ensuite établir si la résolution d’un contrat à exécution successive permettait au créancier d’obtenir le paiement des prestations exécutées et l’application de la clause pénale.

La cour d’appel a infirmé partiellement le jugement. Elle a retenu que les effets de la résolution étaient dévolutifs dans le cadre de l’appel portant sur le rejet des demandes en paiement. Appliquant l’article 1229 alinéa 3 du code civil, elle a fixé la date de résolution au 17 février 2021 et condamné la société cliente au paiement des factures impayées ainsi qu’à une indemnité de rupture réduite de 57 830 euros à 1 000 euros.

I. La consécration du régime de la résiliation pour les contrats à exécution successive

A. L’exclusion de l’anéantissement rétroactif

La cour d’appel de Lyon censure expressément le raisonnement des premiers juges qui avaient retenu que « la résolution du contrat est une sanction consistant dans l’anéantissement rétroactif des obligations nées d’un contrat ». Cette analyse, conforme à la conception classique de la résolution, méconnaissait les apports de la réforme du droit des contrats.

L’article 1229 alinéa 3 du code civil introduit une distinction essentielle selon la nature des prestations échangées. Lorsque celles-ci « ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat », le texte prévoit expressément qu’il « n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ». Le législateur qualifie alors la résolution de « résiliation ».

En l’espèce, la cour relève que la société prestataire a exécuté « les prestations contractuellement prévues lui incombant », parmi lesquelles la notification d’une décision de démarrage opérationnel, des prestations de lavage des modules, la mise en place d’un système de monitoring et diverses interventions de maintenance. Ces prestations avaient une utilité intrinsèque indépendante de l’exécution complète du contrat.

La solution retenue s’inscrit dans la logique économique des contrats de prestation de services. Une entreprise qui réalise un audit technique ou des travaux de maintenance fournit une utilité immédiate à son cocontractant. L’anéantissement rétroactif conduirait à un enrichissement injustifié de ce dernier qui aurait bénéficié de prestations sans avoir à les rémunérer.

B. La fixation judiciaire de la date de résolution

La cour devait préalablement statuer sur sa compétence pour fixer la date de résolution alors que le prononcé de celle-ci n’était pas dévolu. La société intimée soutenait que l’absence de mention expresse dans la déclaration d’appel interdisait tout examen de cette question.

La cour écarte cet argument par une distinction subtile. Elle relève que « l’appelante ne pouvait pas faire appel du chef de jugement ayant prononcé la résolution du contrat aux torts de la société Aventure Solaire, qui lui était favorable ». La résolution étant acquise, seuls ses effets pouvaient être contestés dans le cadre de l’appel portant sur le rejet des demandes en paiement.

Cette analyse procédurale trouve son fondement dans l’article 566 du code de procédure civile. La demande de fixation de la date de résolution constitue selon la cour « l’accessoire, la conséquence et le complément nécessaire de la demande de résolution du contrat ». La recevabilité de cette demande découle de son lien d’interdépendance avec les prétentions pécuniaires soumises à la cour.

Appliquant l’article 1229 alinéa 2 du code civil, la cour fixe la date de résolution au 17 février 2021, « date à laquelle les prestations de la société appelante ont pris fin ». Le texte prévoit en effet que la résolution prend effet « à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice ». La cour choisit ainsi la date de cessation effective des relations contractuelles plutôt que celle de la demande judiciaire.

II. Les conséquences pécuniaires de la résiliation

A. Le droit au paiement des prestations exécutées

La reconnaissance du caractère non rétroactif de la résolution emporte des conséquences directes sur le sort des créances nées de l’exécution du contrat. La cour condamne la société cliente au paiement de la somme de 7 254,24 euros correspondant aux factures impayées.

Le fondement de cette condamnation réside dans l’article 1229 alinéa 3 du code civil. Les prestations ayant « trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat », aucune restitution n’est due pour la période antérieure à la résiliation. Symétriquement, le créancier conserve le droit d’exiger le paiement des prestations qu’il a fournies.

Cette solution préserve l’équilibre contractuel. Le prestataire qui a exécuté ses obligations de bonne foi ne saurait être privé de sa rémunération du seul fait de la défaillance de son cocontractant. La cour assortit cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021 et ordonne leur capitalisation conformément à l’article 1343-2 du code civil.

La portée de cette décision dépasse le cas d’espèce. Elle confirme que le nouveau régime de la résolution protège le créancier diligent contre les effets destructeurs de l’anéantissement rétroactif. Les contrats de prestation de services à exécution successive bénéficient désormais d’un cadre juridique adapté à leur réalité économique.

B. La modération de la clause pénale

Le contrat litigieux contenait une clause pénale à l’article 10.3 prévoyant, en cas de résiliation pour manquement de la société cliente, le versement d’une indemnité égale à la moitié de la rémunération contractuelle prévisionnelle cumulée. La société prestataire réclamait à ce titre la somme de 57 830 euros.

La cour admet d’abord le principe de l’application de cette clause. Elle relève que « la clause pénale insérée au contrat doit recevoir application » dès lors que la résolution s’apparente à une résiliation. Cette solution consacre la survie des clauses contractuelles organisant les conséquences de l’inexécution, conformément à la jurisprudence antérieure à la réforme.

La cour use toutefois du pouvoir de modération conféré au juge par l’article 1231-5 du code civil. Elle relève que la société prestataire a déjà facturé des acomptes sur honoraires pour une période de cinq mois et qu’elle a cessé toute prestation deux ans seulement après la prise d’effet du contrat. Dans ces circonstances, le montant réclamé apparaît « manifestement excessif ».

La réduction de l’indemnité de 57 830 euros à 1 000 euros est considérable. Elle témoigne de l’appréciation stricte par les juges du fond du caractère proportionné des clauses pénales. La brièveté de l’exécution du contrat et le paiement déjà intervenu d’acomptes justifiaient cette modération drastique. Le créancier obtient néanmoins réparation du préjudice causé par la résiliation imputable à son cocontractant, dans une mesure que la cour estime équitable.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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