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Par un arrêt du 9 septembre 2025, la Cour d’appel de Lyon statue sur la prise en charge, au titre des risques professionnels, d’un accident déclaré lors d’une astreinte nocturne. Le salarié, agent de sécurité, a signalé une douleur lombaire aiguë sur le trajet de retour d’interventions successives, immédiatement suivie d’un constat médical aux urgences. L’employeur avait déclaré l’accident en émettant des réserves. La caisse a refusé la prise en charge, décision confirmée par la commission de recours amiable.
Saisi, le pôle social du tribunal judiciaire, par jugement du 16 août 2022, a retenu le caractère professionnel de l’accident de trajet et ordonné la liquidation des droits. En appel, la caisse sollicitait l’infirmation pour défaut de matérialité et contradictions, tandis que l’assuré demandait la confirmation, en invoquant notamment le versement d’indemnités journalières et la consolidation ultérieure.
La question posée portait sur la qualification d’un accident de trajet survenu au temps d’astreinte, au regard des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de la sécurité sociale, et sur la suffisance des preuves avancées pour établir la matérialité et le lien avec le travail. Était également discutée la portée probatoire de paiements intervenus du fait de l’exécution provisoire.
La cour confirme le jugement. Elle rappelle la présomption d’imputabilité, précise le régime probatoire de la matérialité, et constate des éléments objectifs concordants. Elle écarte l’argument tiré de l’autorité de la chose décidée attachée aux prestations versées en exécution provisoire. Elle retient enfin que l’événement soudain est survenu à l’occasion du travail, justifiant la prise en charge.
I – Le cadre normatif et la solution retenue
A – La présomption d’imputabilité et l’accident de trajet
La cour rappelle d’abord le texte fondateur et sa portée présomptive. Elle énonce : « Selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée. » Elle ajoute, dans la droite ligne de la jurisprudence de principe, que « Le texte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale instaure donc une présomption d’imputabilité de l’accident du travail. »
La solution est ensuite étendue au trajet, conformément au dispositif légal applicable. La cour précise : « Cette présomption s’applique également à l’accident de trajet puisque selon l’article L. 411-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, ‘est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l’ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l’enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l’accident survenu à un travailleur mentionné par le présent livre, pendant le trajet d’aller et de retour, entre : ». Ce rappel fixe le cadre d’analyse, centré sur le temps, le lieu et la continuité du trajet.
Préalablement, la cour tranche la question incidente relative à l’autorité de la chose décidée. Elle affirme que les versements opérés résultaient de l’exécution provisoire attachée au jugement de première instance, et ne lient pas le juge d’appel. Elle l’énonce sans ambiguïté : « Liminairement, la cour souligne, en réponse au moyen tiré de l’autorité de la chose décidée de la décision de la caisse du 30 juillet 2024 par laquelle elle a régularisé le versement des indemnités journalières au titre de l’accident litigieux, qu’en réalité, cette position résulte uniquement du jugement attaqué qui était assorti de l’exécution provisoire, sans qu’elle ne permette à l’assuré de se prévaloir de l’autorité de la chose décidée. »
B – L’administration de la preuve et son contrôle
La cour qualifie la preuve de la matérialité et en dégage le standard attendu. Elle retient que « La preuve de la matérialité de l’accident, qui constitue la preuve d’un fait, est libre, de sorte qu’elle peut être établie par tout moyen. » Elle souligne également la règle classique de répartition probatoire à la charge du salarié, tempérée par la présomption d’imputabilité lorsqu’elle joue.
Le contrôle opéré est classique et mesuré. La cour rappelle la nécessité d’éléments objectifs et l’insuffisance d’affirmations isolées : « Le salarié doit par ailleurs, établir les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel par des éléments objectifs (2 Civ.,28 juin 2012, pourvoi n 11- 18.308). Ses seules affirmations sont insuffisantes. Elles doivent être corroborées par des éléments objectifs, ou par des présomptions graves précises et concordantes au sens de l’article 1353 du code civil (Soc. 8 octobre 1998, pourvoi n° 97-10.914 ; 2ème Civ.,17 mars 2010, pourvoi n°09-65.484). »
Appliquant ces principes, la cour retient la déclaration d’accident, le certificat médical du jour des faits, l’information rapide de l’employeur, et un témoignage décrivant l’immobilisation dans le véhicule au retour d’intervention. Elle constate enfin : « La preuve est ainsi rapportée par l’assuré de l’existence d’un événement soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à l’origine de la lésion brutalement apparue dans la continuité de cet événement. » Ce faisant, elle confirme le bénéfice de la présomption d’imputabilité dans une espèce où la cause étrangère n’est pas établie.
II – Appréciation et portée de la solution
A – Un standard probatoire réaliste en contexte d’astreinte
La décision retient un standard probatoire compatible avec la nature des astreintes et des interventions nocturnes. Le juge privilégie des indices sérieux, précis et concordants, sans exiger l’impossible, comme la présence d’un témoin de l’instant lésionnel. La formule selon laquelle « Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001). » balise ce contrôle, respectueux des circonstances concrètes.
L’exigence de matérialité demeure intacte, mais la cour admet sa démonstration par un faisceau probatoire. Le constat médical immédiat, la cohérence des déclarations, et l’observation d’un tiers quant à l’immobilisation suffisent ici. Cette approche évite que des aléas de service, propres aux missions d’astreinte, neutralisent la protection assurantielle.
B – Incidences pratiques pour les acteurs de la protection sociale
La portée de l’arrêt est double. D’une part, il réaffirme que la présomption d’imputabilité couvre les trajets liés à l’exécution du travail, sous réserve d’un cadre temporel et causal crédible. D’autre part, il rappelle fermement que des versements intervenus sous exécution provisoire ne valent pas reconnaissance définitive, ce que consacre la formule précitée relative à l’autorité de la chose décidée.
L’arrêt éclaire enfin la charge de la preuve pesant sur la caisse lorsqu’elle invoque une cause totalement étrangère au travail. En l’absence d’éléments probants, le simple soupçon ou l’allégation d’antécédents médicaux ne suffit pas. La trame probatoire retenue par la cour s’inscrit ainsi dans le droit positif, sans rigidité superflue, et sécurise la qualification des accidents survenus en marge immédiate d’interventions professionnelles.