Cour d’appel de Lyon, le 9 septembre 2025, n°23/05906

Cour d’appel de Lyon, 9 septembre 2025. Le litige naît de la succession d’une défunte laissant deux enfants, un legs de la quotité disponible par testament olographe daté de 2015, et des accusations croisées de recel. Le tribunal judiciaire de Lyon, 13 juin 2023, a validé le testament, ordonné les opérations de liquidation-partage, et rejeté les demandes relatives au recel. L’appelante sollicite l’annulation du testament, ainsi que des vérifications notariales pour établir un recel au profit de l’intimé. La question centrale porte d’abord sur la validité formelle du testament olographe au regard de l’exigence de signature et de l’expression d’une volonté libre et éclairée. Elle concerne ensuite l’office du notaire commis dans un partage judiciaire face à une allégation de recel et la charge de la preuve qui en découle. La cour confirme le jugement, retient la validité de l’écrit contesté, et refuse de déléguer au notaire la recherche probatoire d’un recel non étayé.

I. Le contrôle de validité du testament olographe

A. Sincérité de l’écrit et capacité de tester

La cour rappelle la règle formelle, puis vérifie concrètement l’authenticité de l’écriture et la lucidité du disposant à la date de l’acte. Elle approuve l’analyse selon laquelle l’homogénéité graphique entre le corps du texte et la mention finale identifie l’auteur et atteste la maîtrise de l’écrit. La motivation retient que « la preuve de la sincérité de l’acte est ainsi établie et la preuve de la volonté et de la capacité de la testatrice sont rapportées ». Le dépôt chez un notaire le jour même renforce la présomption de sérieux, sans transférer la charge probatoire.

L’argumentation sur l’analphabétisme supposé, la main guidée ou la contrainte n’est pas étayée par des éléments objectifs. Les attestations invoquées expriment des opinions sans portée décisive, quand un certificat médical contemporain atteste la capacité à décider. La cour souligne encore que « le testament est très court et ne révèle pas une écriture avec des termes élaborés », écartant toute sophistication suspecte. Ce faisceau d’indices, apprécié souverainement, répond à la double finalité de la forme olographe: identifier l’auteur et marquer la gravité de l’engagement.

B. La substitution du nom à la signature et l’économie de l’article 970

La difficulté tenait à l’absence de la signature habituelle, la testatrice ayant apposé ses nom et prénom en fin d’acte. La cour s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante admettant que la finalité probatoire prime la pure méticulosité graphique. Elle énonce que « il est jugé avec constance que même si la signature dite habituelle n’est pas portée sur l’acte, cette absence est palliée par la mention par la testatrice de ses noms et prénom à la place ». La solution articule téléologie de la signature et sécurité de la preuve: l’apposition finale identifie l’auteur et clôt l’acte, ce qui satisfait l’exigence légale.

Cette interprétation, conforme à l’esprit de l’article 970 du code civil, évite de transformer un formalisme de protection en formalisme de dénégation. La présence d’un rendez‑vous notarial et la cohérence matérielle de l’écrit justifient la retenue du juge face à une expertise privée non contradictoire. La cour en tire logiquement la conclusion que « le testament litigieux n’est donc pas entaché de nullité », consolidant une pratique sécurisée mais raisonnablement souple du testament olographe.

II. L’allégation de recel successoral et l’office du notaire

A. Le notaire commis n’est pas un investigateur du recel

Au stade des opérations de partage, l’appelante sollicitait des vérifications générales par le notaire sur les mouvements bancaires antérieurs pour qualifier d’éventuels prélèvements de recel. La cour refuse cette délégation probatoire, rappelant les limites de l’office du notaire en présence d’un partage judiciaire. Elle affirme que « il n’appartient pas au notaire chargé du partage judiciaire de rechercher les éléments de fait constitutifs de recel et de les qualifier comme tels ». Le notaire liquide et partage, il n’enquête pas au bénéfice d’une partie défaillante dans l’administration de la preuve.

Cette mise au point protège l’équilibre procédural: l’instance de partage n’est pas un vecteur d’investigations indéterminées. Les mesures d’instruction restent possibles sous contrôle juridictionnel, mais ne sauraient pallier l’absence d’éléments précis fournis par le demandeur au recel. La cour confirme en conséquence le rejet des demandes tendant à transformer la mission notariale en recherche de faits.

B. La charge de la preuve et la portée pratique de l’article 778

Le recel successoral suppose un élément matériel de dissimulation et un élément intentionnel de fraude, tous deux devant être démontrés par l’héritier qui allègue. La cour le rappelle nettement: « il lui appartient de rapporter la preuve de ses éléments constitutifs ». En l’espèce, les affirmations relatives à une vente ancienne, à des virements et retraits, et à une prétendue organisation d’avantages, ne dépassent pas le stade de la suspicion. Des flux identifiés et imputables au train de vie ou à des placements, même contestés, exigent des preuves circonstanciées.

La rigueur probatoire se comprend à l’aune des sanctions de l’article 778 du code civil, particulièrement lourdes, qui privent l’héritier receleur de droits sur les biens recelés. La cour évite ainsi de banaliser une qualification grave par de simples conjectures, tout en préservant la possibilité d’un débat probatoire utile si des pièces déterminantes surviennent. En l’absence d’éléments contemporains et individualisés, la demande de recel est écartée, les dépens et frais irrépétibles d’appel étant mis à la charge de l’appelante.

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Hassan KOHEN
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