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Par un arrêt de la Cour d’appel de Metz du 10 septembre 2025 (n° RG 22/01962), la juridiction a tranché un litige relatif à la rémunération de remplacement et à une prime exceptionnelle. La demande émanait d’une salariée devenue adjointe au directeur de l’offre de santé ambulatoire, qui se prévalait d’un remplacement effectif de sa supérieure en 2018–2019 et réclamait une promotion corrélative. Elle sollicitait encore le bénéfice d’une prime dite « covid » au titre du premier confinement.
Les faits utiles tiennent à une réorganisation du service et à l’intérim allégué de fonctions de direction. La salariée invoquait des courriels, des participations à des réunions, une délégation de signature partielle et une note d’appréciation postérieure, pour soutenir l’accomplissement des missions du poste supérieur. L’employeur contestait l’effectivité d’un remplacement intégral et rappelait la redistribution transitoire de certaines attributions au sein de l’équipe d’encadrement.
Par jugement du 1er juillet 2022, le conseil de prud’hommes avait accordé un rappel de salaire significatif et la prime « covid ». L’employeur a interjeté appel. Devant la Cour d’appel de Metz, la salariée a persisté à revendiquer la classification de niveau 10, le rappel afférent sur plusieurs années, ainsi que la prime litigieuse.
La question de droit portait, d’une part, sur les conditions probatoires du remplacement ouvrant droit à l’indemnité différentielle prévue par la convention collective applicable, spécialement lorsqu’un adjoint se prévaut d’avoir exercé les fonctions complètes du titulaire. D’autre part, elle concernait l’exigence de rattachement organique aux centres de santé pour l’octroi d’une prime exceptionnelle instituée par accord d’intéressement.
La cour rappelle d’abord que « La détermination de la classification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions effectivement exercées, et non au seul visa du contrat de travail ou des bulletins de salaire, qui ne sauraient, à eux seuls, justifier des missions réellement accomplies. » Elle ajoute que « Il appartient ainsi à celui qui revendique une classification supérieure à celle prévue contractuellement de démontrer que les tâches effectivement confiées relèvent du niveau de qualification revendiqué. » Constatant l’insuffisance des preuves d’un remplacement intégral, elle infirme le jugement et déboute la salariée de l’ensemble de ses demandes, y compris la prime « covid », l’accord visant « les personnels rattachés aux centres de santé de médecine générale et de médecine spécialisée (toutes catégories d’emploi confondues y compris en télétravail). » L’analyse portera d’abord sur le sens et la cohérence du raisonnement opéré, puis sur la valeur et la portée de la solution retenue.
I. La qualification revendiquée et la preuve d’un remplacement effectif
A. Le cadre conventionnel et les principes directeurs
La cour situe sa motivation dans un double référentiel, jurisprudentiel et conventionnel, qui commande une approche objectivée de la qualification. Elle rappelle que « Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel. » Cette ligne s’inscrit dans la tradition de qualification par les tâches, indépendante des libellés contractuels.
Le texte conventionnel applicable prévoit l’indemnité différentielle en cas de remplacement effectif d’un emploi supérieur. Il énonce que « tout agent appelé à effectuer un remplacement pour une période supérieure à un mois dans un emploi supérieur au sien perçoit, à dater de son entrée en fonction, une indemnité égale à la différence entre sa rémunération réelle et celle qu’il obtiendrait s’il avait été immédiatement titularisé dans sa nouvelle fonction. » Le même article précise la temporalité de la délégation, « La délégation temporaire dans un emploi supérieur ne pourra dépasser 6 mois dans une période d’un an de date à date, qu’elle soit effectuée en une ou plusieurs fois. » Enfin, lorsque l’intérim est assuré par l’adjoint, « l’indemnité différentielle prévue à l’article précédent est seulement due pour les remplacements supérieurs à 3 mois consécutifs. » L’économie du dispositif exige donc la réunion de deux axes cumulatifs, durée suffisante et effectivité intégrale des missions supérieures.
B. L’exigence d’un faisceau probant et l’insuffisance des indices produits
La cour se livre à une vérification concrète des tâches réellement assumées. Les éléments avancés tenaient surtout à des invitations, des présences, des transmissions et quelques initiatives, sans matérialisation d’actes décisionnels caractéristiques des fonctions de direction. Elle souligne ainsi que « En l’absence d’acte matérialisant les décisions qu’elle aurait prises, les courriels ne sont pas suffisamment explicites, notamment pour démontrer qu’elle aurait participé à des recrutements ou à l’élaboration de plans d’actions et ce d’autant plus que le directeur général […] précise […]. » Le contrôle porte sur la substance décisionnelle et pas seulement sur la représentation extérieure ou l’assistance opérationnelle.
La juridiction retient aussi des indices contraires, révélateurs d’une continuité de pilotage non transférée. Elle constate que la redistribution de certaines missions à d’autres cadres a été décidée pendant la période transitoire. Elle note encore, de manière significative, qu’« Enfin, il ressort de l’extrait du comité d’établissement du 10 juillet 2018 que le fonctionnement de l’OSA n’a pas été modifié suite à la réorganisation de l’Est (pièce employeur 11). » L’ensemble conduit à écarter la preuve d’un remplacement intégral sur la durée conventionnellement pertinente, rendant irrecevable la demande de reclassification et le rappel subséquent.
II. La prime « covid » et le critère restrictif de rattachement
A. La lettre de l’accord et la vérification organique
La cour applique strictement l’accord d’intéressement du 26 juin 2020, centré sur un périmètre fonctionnel précis. Le texte vise « les personnels rattachés aux centres de santé de médecine générale et de médecine spécialisée (toutes catégories d’emploi confondues y compris en télétravail). » Le critère retenu n’est pas l’implication opérationnelle durant la crise, mais le rattachement organique à une entité listée par l’accord.
Dans ce cadre, la juridiction apprécie les organigrammes et la structuration du service. Elle confirme que « En outre, il ne ressort pas des différents organigrammes versés aux débats que la direction de la santé ambulatoire soit rattachée à un centre de santé, sa vocation étant de les gérer. » La salariée, n’étant pas organiquement rattachée à un centre, ne peut prétendre à la prime, malgré son activité effective pendant la période considérée.
B. Portée de la solution et enseignements pratiques
La décision confirme une exigence probatoire élevée pour l’indemnité de remplacement, spécialement lorsque l’adjoint revendique l’intégralité des attributions du titulaire. Les juridictions privilégient des marqueurs décisionnels objectifs, tels que actes signés, arbitrages documentés, reporting autonome et délégations substantielles, plutôt qu’un cumul d’indices périphériques. Le formalisme n’est pas érigé en condition de validité, mais son absence fragilise la démonstration d’une substitution complète.
La solution relative à la prime exceptionnelle illustre une lecture littérale et restrictive des périmètres d’éligibilité définis par accord. L’activité rendue pendant la crise ne supplée pas le défaut de rattachement organique requis, ce qui invite les organismes à formaliser clairement les attributions et les appartenances structurelles. L’arrêt trace ainsi une ligne de sécurité pour les contentieux analogues, en valorisant la preuve structurée des responsabilités et le respect fidèle des critères conventionnels.