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Rendue par la Cour d’appel de Metz, chambre sociale, le 10 septembre 2025 (n° RG 22/02348; n° Portalis DBVS-V-B7G-F2N7), la décision confirme un jugement prud’homal ayant admis la cause réelle et sérieuse d’un licenciement disciplinaire. Le litige oppose une salariée administrative à son employeur associatif dans un établissement médico‑social, au sujet d’allégations de harcèlement moral et d’erreurs professionnelles répétées.
Engagée en contrat à durée indéterminée à compter de janvier 2020, la salariée a reçu un avertissement en janvier 2021 pour irrégularités de facturation et de traitement de dossiers. Après convocation à entretien en mars 2021, un licenciement pour faute a été notifié en avril 2021 avec dispense de préavis rémunéré. La juridiction prud’homale a rejeté la nullité sollicitée et retenu une cause réelle et sérieuse; l’appelante a soutenu devant la Cour d’appel la nullité pour harcèlement, subsidiairement l’absence de cause, tandis que l’employeur demandait la confirmation.
Deux questions dominaient: d’une part, l’existence d’éléments laissant supposer un harcèlement moral au regard des articles L. 1152‑1 et L. 1154‑1 du code du travail; d’autre part, la qualification d’une cause réelle et sérieuse au vu de manquements multiples, sous le contrôle de la prescription disciplinaire de l’article L. 1332‑4. La Cour écarte le harcèlement et confirme la rupture pour cause réelle et sérieuse, après avoir élagué des faits prescrits et retenu la gravité de fautes répétées.
I. Le contrôle des allégations de harcèlement moral
A. Standard probatoire et critères retenus
La Cour rappelle le schéma probatoire applicable et son office. Elle énonce: « Pour se prononcer sur l’existence d’une situation de harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. » La formulation, conforme au droit positif, articule précisément l’allègement de preuve initial et la charge de justification ultérieure.
Elle précise la physionomie des atteintes susceptibles d’entrer dans ce cadre, au-delà de la trilogie classique. La décision retient: « Il se traduit par une conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril l’emploi de celle-ci ou dégrader le climat de travail. » La Cour s’inscrit ainsi dans une lecture fonctionnelle de la notion, attentive aux effets sur les conditions de travail.
B. Défaut d’indices personnels et conséquences
L’analyse des pièces versées, notamment des témoignages, est conduite avec mesure. La Cour souligne que des attestations irrégulières au regard de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas automatiquement écartées, dès lors qu’aucune demande de retrait n’est formulée, et qu’il lui « est seulement tenue d’en apprécier librement la valeur probante ». Le contrôle reste centré sur la pertinence et la personnalisation des faits allégués.
La motivation distingue utilement l’ambiance générale de travail et l’atteinte personnelle exigée par le texte. La juridiction considère que des descriptions d’un climat « délétère » ne suffisent pas en l’absence d’agissements concrets, répétés et imputables à l’employeur. En outre, l’absence d’éléments médicaux corrobore l’insuffisance du faisceau probatoire. L’ensemble conduit logiquement au rejet du moyen de nullité, la Cour relevant que l’élément disciplinaire isolé invoqué ne peut, à lui seul, caractériser un harcèlement.
II. La qualification disciplinaire et ses limites temporelles
A. Prescription des faits et périmètre des griefs
La Cour fonde son contrôle sur l’article L. 1332‑4 et borne le litige aux faits non prescrits à la date d’engagement des poursuites. Elle affirme: « De ce fait, la procédure de licenciement ayant été engagée par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable le 18 mars 2021, seuls les faits commis et révélés antérieurement au 18 janvier 2021 sont susceptibles d’être prescrits. » La délimitation temporelle est claire et informative pour les deux parties.
La charge de la preuve est rappelée dans des termes constants. La décision indique: « Lorsque le salarié se prévaut de la prescription des faits fautifs qui lui sont reprochés, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la connaissance de ces faits dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites disciplinaires. » Cette exigence structure l’examen des griefs par séquences chronologiques. Certains faits sont écartés pour prescription, tandis que d’autres, révélés dans le délai, sont retenus au fond.
B. Répétition des manquements et cause réelle et sérieuse
Le contrôle de la cause réelle et sérieuse s’opère au regard de la matérialité, de la précision et de la vérifiabilité des faits. La Cour rappelle d’abord l’équilibre probatoire: « Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. » Ce standard guide l’analyse des erreurs de facturation, de l’envoi à un destinataire incompétent, de l’atteinte à la confidentialité et du refus de procéder à une mise à jour logicielle.
La motivation distingue ensuite nettement l’appréciation isolée et cumulative des griefs. La Cour énonce: « Ces griefs pris isolément ne sauraient justifier un licenciement. Mais leur répétition, sans que la salariée ne se remette en question ou prenne conscience des conséquences de ses carences, justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse. » Cette phrase consacre une méthode cumulative, sensible à la désorganisation du service et au risque contentieux, dans un environnement médico‑social exigeant en matière de confidentialité et de traçabilité.
La solution emporte confirmation du jugement déféré s’agissant de la nullité écartée, ainsi que de la cause du licenciement, la Cour rappelant en outre la portée de ses décisions accessoires. Il est d’ailleurs précisé que « Le jugement est donc confirmé, en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement. » L’arrêt consolide ainsi la jurisprudence d’espèce en matière d’articulation entre prescription disciplinaire, preuve de la matérialité et gravité résultant d’une pluralité d’erreurs récurrentes.