Cour d’appel de Metz, le 14 août 2025, n°24/00267

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Metz le 14 août 2025 vient préciser les conditions de la résolution judiciaire d’un contrat de prêt à la consommation, dans le contexte d’un litige opposant un établissement bancaire à un emprunteur défaillant.

En l’espèce, un contrat de prêt personnel d’un montant de 19.750 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,50 % l’an, remboursable en 120 mensualités, avait été souscrit le 5 février 2020 auprès d’un établissement de crédit. L’emprunteur avait réglé les échéances du 15 mars 2020 au 15 novembre 2021 inclus, avant de cesser tout paiement. Par ailleurs, l’épouse de l’emprunteur, contestant avoir apposé sa signature sur ce contrat ainsi que sur d’autres offres de prêt, avait assigné plusieurs établissements de crédit et son époux devant le juge des contentieux de la protection.

Le juge des contentieux de la protection de Thionville, par jugement du 9 novembre 2023, avait déclaré le contrat de prêt inopposable à l’épouse après vérification d’écriture, considérant que sa signature avait été usurpée, et avait débouté l’établissement prêteur de sa demande en paiement dirigée contre l’époux. Ce dernier soutenait ne pas avoir signé les actes produits par la banque. L’établissement de crédit a interjeté appel de cette décision le 13 février 2024, sollicitant à titre principal la condamnation de l’emprunteur au paiement des sommes dues et à titre subsidiaire la résolution judiciaire du contrat avec restitution du capital prêté.

La question posée à la cour d’appel était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si l’établissement prêteur pouvait se prévaloir de la déchéance du terme en l’absence de mise en demeure préalable. Il convenait ensuite d’apprécier si les manquements de l’emprunteur à ses obligations contractuelles justifiaient le prononcé de la résolution judiciaire du contrat.

La Cour d’appel de Metz infirme partiellement le jugement. Elle juge que le prêteur ne peut se prévaloir de la déchéance du terme faute de mise en demeure préalable, mais prononce la résolution judiciaire du contrat en raison de la gravité des manquements de l’emprunteur, le condamnant au paiement du capital restant dû.

Cette décision présente un double intérêt. Elle rappelle les exigences procédurales strictes entourant la déchéance du terme dans les contrats de crédit à la consommation (I), tout en illustrant l’application des règles de droit commun relatives à la résolution judiciaire pour inexécution suffisamment grave (II).

I. L’exigence d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme

La cour d’appel rappelle avec fermeté les conditions de validité de la déchéance du terme (A), avant de constater la carence probatoire du prêteur sur ce point (B).

A. Le rappel du formalisme protecteur de l’emprunteur

La cour énonce que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ». Cette formulation reprend la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment depuis l’arrêt de la première chambre civile du 3 juin 2015.

Cette exigence traduit la volonté du législateur et de la jurisprudence de protéger l’emprunteur consommateur contre une exigibilité immédiate de l’ensemble de sa dette. La mise en demeure constitue un avertissement permettant au débiteur de régulariser sa situation dans un délai déterminé. Elle participe de l’équilibre contractuel en évitant que le créancier puisse brutalement réclamer l’intégralité des sommes dues sans avoir préalablement alerté son cocontractant défaillant.

B. L’impossibilité pour le prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme

Appliquant cette règle aux faits de l’espèce, la cour relève que « le prêteur n’allègue ni ne justifie avoir adressé à l’intimé une mise en demeure préalablement à la déchéance du terme, de sorte qu’il ne peut se prévaloir d’une telle déchéance ». La clause contractuelle prévue à l’article IV-9 des conditions générales, qui stipulait « la résiliation du contrat et l’exigibilité immédiate des sommes prêtées en cas de défaut de paiement 15 jours après une mise en demeure », ne pouvait donc produire effet.

Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence sévère à l’égard des établissements de crédit qui omettent de respecter les formalités préalables à la déchéance du terme. La charge de la preuve de l’envoi de la mise en demeure pèse sur le prêteur. En l’absence de tout élément probatoire, la cour ne peut que constater l’impossibilité pour l’appelante de se prévaloir de l’exigibilité anticipée des sommes. Cette rigueur procédurale garantit l’effectivité de la protection de l’emprunteur consommateur.

II. Le prononcé de la résolution judiciaire pour inexécution suffisamment grave

Face à l’échec de la déchéance du terme, la cour examine la demande subsidiaire de résolution judiciaire (A) et en tire les conséquences restitutoires (B).

A. L’appréciation de la gravité du manquement contractuel

La cour se fonde sur les articles 1224 et 1229 du Code civil pour examiner la demande subsidiaire de résolution judiciaire. Elle rappelle que « la résolution résulte en cas d’inexécution suffisamment grave d’une décision de justice » et précise que « l’assignation en justice suffit à mettre en demeure le débiteur qui n’a pas rempli son obligation ».

L’appréciation de la gravité du manquement est effectuée in concreto. La cour relève que l’emprunteur « a cessé tout paiement à compter de l’échéance du 15 décembre 2021 » et constate qu’il « n’invoque et ne démontre aucun paiement qui n’aurait pas été pris en compte ». Elle caractérise ensuite la gravité du manquement au regard de trois éléments cumulatifs : « le nombre d’échéances impayées », « l’importance de la dette » et « le fait que depuis plus de trois ans l’emprunteur n’a effectué aucun règlement ». Cette motivation circonstanciée permet de justifier le prononcé de la résolution judiciaire comme sanction proportionnée à l’inexécution constatée.

B. Les conséquences restitutoires de la résolution

Une fois la résolution prononcée, la cour détermine les sommes dues au titre des restitutions. Elle condamne l’emprunteur au paiement de 16.901,60 euros, correspondant au « capital restant dû, déduction faite des échéances payées jusqu’au 15 novembre 2021 inclus ». Les intérêts sont fixés au taux légal à compter de la signification de l’arrêt.

Cette solution présente un intérêt pratique notable. La résolution judiciaire constitue une alternative efficace pour le prêteur lorsque la déchéance du terme ne peut être invoquée. Elle permet d’obtenir la restitution du capital prêté, certes sans les intérêts contractuels pour la période postérieure à la résolution, mais avec une condamnation fondée sur le droit commun des contrats. Cette décision rappelle aux établissements de crédit l’importance du respect des formalités préalables à la déchéance du terme, tout en leur offrant une voie de recours subsidiaire en cas de carence procédurale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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