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Par un arrêt de la Cour d’appel de Metz du 24 juillet 2025, la juridiction confirme le rejet des demandes d’une assurée sollicitant la mobilisation de la garantie vol et l’indemnisation de préjudices consécutifs. Le véhicule a été dérobé de nuit après la soustraction des clés, prises dans un local commercial dont la porte était fermée mais non verrouillée. L’assureur a refusé sa garantie, invoquant l’absence d’effraction au sens de la police, et la juridiction de première instance a suivi ce raisonnement. En appel, l’assurée soutenait que la clause devait s’entendre à la lumière de l’article 132-73 du code pénal, et que, faute de définition contractuelle, le doute devait s’interpréter contre le rédacteur. La cour retient que la police exige une effraction mécanique ou électronique du véhicule, de ses organes de direction ou de mise en route, ou une effraction du lieu renfermant les clés, ce que l’assurée ne prouve pas. Elle confirme donc le jugement et déboute l’appelante de toutes ses demandes, y compris accessoires.
La question de droit portait sur la qualification d’« effraction » exigée par la police de vol automobile et sur la charge de la preuve de cette condition de garantie. La cour répond en privilégiant la lecture contractuelle du risque garanti et en excluant l’assimilation, dans l’espèce, d’une simple intrusion par porte non verrouillée à une effraction, faute de forcement. Elle en déduit l’absence de mobilisation de la garantie et l’inanité des prétentions indemnitaires qui en dépendaient.
I. L’effraction comme condition de garantie, l’option contractuelle assumée
A. La lecture strictement contractuelle de la clause vol
La cour fonde d’abord son analyse sur la force obligatoire du contrat, rappelant que « Aux termes des dispositions de combinées des articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Elle souligne ensuite que « Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Le raisonnement s’organise autour de la qualification de la stipulation d’effraction comme condition de garantie, définissant le risque assuré, et non comme une exclusion, de sorte que le contrôle de l’article L.113-1 du code des assurances n’est pas activé.
La clause retenue exige une effraction mécanique ou électronique du véhicule, de ses organes de direction et de mise en route, ou, à défaut, une effraction du garage individuel clos ou le vol des clés par effraction. En d’autres termes, l’effraction constitue l’élément technique déclenchant l’aléa assuré, que l’assuré doit établir. La cour refuse d’importer la définition pénale, non visée par la police, dès lors que le texte contractuel se suffit et ne présente pas d’ambiguïté décisive. La thèse fondée sur l’article 1190 du code civil est écartée implicitement, la clause ne prêtant pas raisonnablement à plusieurs sens concurrents au regard de ses termes et de son économie.
B. Le refus d’assimiler l’intrusion sans verrouillage à l’effraction
La solution repose ensuite sur une distinction nette entre intrusion et effraction. La cour énonce sans détour que « Une intrusion dans un local ne peut être assimilée à une effraction laquelle suppose un acte positif de forcement d’une porte ou d’un dispositif de verrouillage. » Elle en déduit que l’accès à un local par une porte simplement non verrouillée, sans forcement ni dégradation, ne caractérise pas l’effraction contractuellement exigée.
La conséquence est logique sur le terrain de la garantie vol du véhicule. Faute d’effraction du local renfermant les clés, et en l’absence de toute effraction mécanique ou électronique du véhicule lui-même, l’usage des clés d’origine dérobées ne satisfait pas la condition de garantie. La cour le dit en des termes dépourvus d’ambiguïté : « Ainsi se trouve exclue toute soustraction frauduleuse du véhicule commise par effraction mécanique ou électronique de ses organes de direction et de mise en route. » La solution privilégie la matérialité du forcement, et non une approche finaliste par ruse ou indûment obtenu au sens pénal, que la police n’a pas incorporée. Reste alors la question probatoire et ses effets.
II. Charge probatoire et effets indemnitaires, une rigueur assumée
A. La preuve de la condition d’effraction pesant sur l’assuré
La cour rappelle la règle de droit commun, parfaitement cohérente avec l’économie des assurances de dommages : « A cet égard, il incombe à l’assuré de rapporter la preuve de l’existence du sinistre dont il réclame réparation à son assureur. » L’exigence probatoire porte ici non seulement sur la réalité du vol, mais d’abord sur l’existence de l’effraction conditionnant la mobilisation du risque assuré.
L’assurée établissait le vol et la soustraction préalable des clés, mais ne démontrait ni forcement du local ni effraction mécanique ou électronique du véhicule. La matérialité d’un dispositif de fermeture forcé faisait défaut, et l’usage de la clé d’origine dérobée ne suffisait pas, au regard du contrat, à suppléer cette preuve. La charge probatoire n’étant pas déchargée, la garantie demeure inerte, sans que la cour ait à trancher le débat, devenu surabondant, relatif à une prétendue négligence.
B. Portée et appréciation critique de la solution retenue
La portée de l’arrêt s’affirme doublement. D’une part, il confirme la frontière constante entre conditions de garantie et clauses d’exclusion, en maintenant que la première catégorie échappe au régime de l’article L.113-1 du code des assurances. La précision rédactionnelle de la police conforte cette lecture, qui renforce la sécurité juridique des stipulations techniques ciblant les modes opératoires du vol automobile. D’autre part, il réaffirme que la définition pénale de l’effraction n’irrigue pas, par principe, l’interprétation contractuelle, sauf renvoi exprès des parties ou ambiguïté patente du texte.
Cette rigueur appelle cependant deux observations réservées. D’abord, l’argument d’une assimilation des « clés indûment obtenues » au sens pénal n’était pas dépourvu de pertinence protectrice, particulièrement face aux variations des pratiques de vol. Toutefois, l’absence de renvoi explicite et la clarté de la police justifient, en l’état, la solution retenue. Ensuite, la décision éclaire la prévention des risques : laisser des clés dans un local non verrouillé expose à une absence de couverture, même si le local est fermé et non accessible au public, ce qui impose aux assurés une vigilance accrue et aux assureurs une information plus pédagogique.
Sur les demandes indemnitaires, la solution découle sans surprise. La garantie n’étant pas acquise, l’assureur n’a commis aucun manquement contractuel, de sorte que les prétentions relatives à la privation de jouissance, à la dépréciation ou au préjudice moral se heurtent au défaut de lien causal. L’argument de résistance abusive ne prospère pas, en l’absence d’obligation d’indemniser et d’un comportement procédural fautif caractérisé. La confirmation sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile s’inscrit dans cette logique.
L’arrêt de la Cour d’appel de Metz du 24 juillet 2025 clarifie ainsi, avec une netteté utile, la notion d’effraction comme condition de garantie en matière de vol automobile. L’exigence d’un forcement matériel ou électronique, prouvée par l’assuré, demeure le pivot de la mobilisation du risque, à défaut d’une stipulation contractuelle élargissant la couverture aux hypothèses d’intrusion sans verrouillage ou de clés d’origine dérobées.