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Par un arrêt du 24 juin 2025, la Cour d’appel de Metz a infirmé un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 19 janvier 2023. Le litige portait sur la restitution de 60 000 euros virés par la mère à son fils, sans écrit préalable ni reconnaissance formalisée. Après des demandes amiables puis deux mises en demeure en 2021, l’instance a été engagée pour voir reconnaître l’existence d’un prêt et obtenir paiement.
En première instance, la demande avait été rejetée au motif de l’absence de preuve littérale suffisante. En cause d’appel, l’appelante invoquait l’impossibilité morale d’exiger un écrit dans le cadre familial, et produisait des messages téléphoniques matérialisant reconnaissance et modalités de remboursement. L’intimé soutenait l’existence d’une libéralité et réclamait, à titre subsidiaire, des délais de paiement. La question de droit résidait dans l’admission d’une preuve par tout moyen, notamment électronique, à raison d’une impossibilité morale, et dans la portée à donner à une présomption alléguée de don manuel sur de simples virements.
La cour retient l’impossibilité morale et admet les SMS comme commencement de preuve par écrit, puis condamne l’intimé au remboursement avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 octobre 2021. Elle refuse en outre tout délai de paiement au regard de l’article 1343-5 du code civil.
I. Preuve du prêt et impossibilité morale
A. Le cadre probatoire et la reconnaissance de l’impossibilité morale
La cour rappelle d’abord les règles de charge et de modes de preuve. Elle énonce que « Il résulte de l’article 9 du code de procédure civile, qu’il appartient à chacune des parties de verser les pièces nécessaires au succès de ses prétentions. » Elle réaffirme ensuite l’exigence de l’écrit pour les actes juridiques d’un certain montant, tout en ouvrant l’exception de l’impossibilité morale au sein de la cellule familiale. La décision précise avec netteté que « La cour rappelle que la preuve de versements ne fait pas celle d’un prêt qui suppose également une obligation de remboursement de celui qui a reçu les fonds. » Cette prémisse évite toute confusion entre preuve de remise et preuve d’engagement restitutif, et justifie l’examen des indices extrinsèques, ici les échanges électroniques.
La solution s’inscrit dans une pratique désormais stabilisée, où les liens familiaux peuvent caractériser l’impossibilité morale de se préconstituer un écrit, sous réserve d’indices concordants révélant l’accord de prêt. L’espèce illustre cette logique: les échanges montrent la reconnaissance d’une dette déterminée et l’accord sur un échéancier annuel, ce qui dépasse la simple entraide informelle. La motivation articule ainsi harmonieusement les textes sur la preuve littérale et l’exception d’impossibilité, sans confondre souplesse probatoire et présomption automatique de prêt.
B. La valeur probante des messages électroniques comme commencement de preuve
La cour fonde l’admissibilité des SMS en rappelant la règle de l’écrit électronique: « Cependant, la cour rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article 1366 du code civil que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. » Elle complète cette base par l’articulation avec le commencement de preuve par écrit: « Il résulte des dispositions combinées des articles 1361 et 1362 du code civil, qu’il peut être suppléé à l’écrit par un commencement de preuve par écrit constitué par tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué ». La motivation précise encore la spécificité des SMS, soulignant leur émission volontaire: « Sur ce point la cour observe que l’auteur d’un SMS (Short Message System) ne se trouve pas dans la même situation qu’une personne enregistrée à son insu car ce dernier adresse intentionnellement un message électronique à un destinataire. »
Cette appréciation concrète du support et de la traçabilité des messages est décisive. Elle répond aux griefs de déloyauté en rappelant que la conservation d’un message reçu relève de la prévisibilité ordinaire de la correspondance électronique. Elle contribue surtout à la cohérence du régime probatoire: la pièce électronique n’est pas érigée en écrit parfait, mais elle remplit la fonction de vraisemblance exigée par le commencement de preuve, corroboré par les mises en demeure et l’absence de contre-preuves sérieuses. L’ensemble conforte l’idée que la preuve du prêt, en milieu familial, peut être bâtie sur des traces numériques suffisamment fiables et contextualisées.
II. Portée de la solution: qualification, intérêts et délais de paiement
A. Rejet de la libéralité et fixation des effets financiers
La cour écarte la thèse d’une présomption de libéralité attachée à de simples virements. Une telle présomption ne résiste pas à l’examen des éléments concordants attestant l’existence d’un engagement de restitution et de modalités convenues. L’argument tiré d’un mécanisme général de possession, inadapté aux mouvements scripturaux et aux créances de somme d’argent, n’emporte pas la conviction. En retenant la dette comme certaine, liquide et exigible, la décision replace utilement la charge probatoire sur le terrain de la cause et de l’obligation de restitution, où les SMS apportent la coloration contractuelle nécessaire.
La conséquence logique réside dans l’allocation d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure. Le point de départ retenu correspond à la date de la sommation de payer, ce qui s’accorde avec la finalité comminatoire de la mise en demeure et l’exigibilité déjà caractérisée du capital. La solution restaure ainsi l’équilibre contractuel sans excès, en refusant d’anticiper la capitalisation des intérêts avant l’interpellation formelle.
B. Refus des délais de paiement: exigence de bonne foi et de justification
S’agissant des délais, la cour rappelle la règle directrice: « En vertu de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. » Elle souligne immédiatement son corollaire: « L’octroi d’un délai de paiement n’est pas de plein droit et ne peut bénéficier qu’au débiteur de bonne foi. » L’analyse factuelle est rigoureuse: absence de justificatifs actualisés sur les ressources, carence d’explications sur l’emploi de liquidités antérieurement perçues, inertie persistante malgré un échéancier pourtant admis en messages.
La motivation combine ainsi les deux paramètres légaux, besoins du créancier et facultés du débiteur, et sanctionne l’absence de transparence et d’efforts concrets. Cette rigueur rejoint l’économie du litige: l’échelonnement n’a pas vocation à entériner un défaut de coopération probatoire. En refermant la porte des délais, l’arrêt réaffirme la finalité d’apurement rapide des dettes reconnues et encourage une discipline probatoire minimale, particulièrement lorsque la preuve initiale a déjà requis une appréciation souple des modes admissibles.
L’arrêt livre, en définitive, une clarification utile: il distingue avec précision la remise matérielle de fonds et l’engagement de restitution, légitime la prise en compte des SMS comme commencement de preuve dans un cadre familial, et encadre strictement les délais de paiement au regard de la bonne foi démontrée. Cette triple ligne, à la fois pragmatique et normative, sécurise la qualification des remises familiales sans décourager l’exigence élémentaire de traçabilité.