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Le droit au partage constitue un principe fondamental du droit des biens, intimement lié au caractère temporaire de l’indivision. La présente décision, rendue par la Cour d’appel de Metz le 28 août 2025, illustre la mise en œuvre de ce principe dans le cadre spécifique du droit local alsacien-mosellan.
En l’espèce, deux personnes physiques se trouvaient en situation d’indivision mobilière portant sur deux véhicules automobiles et une remorque. L’un des indivisaires avait sollicité le partage judiciaire de ces biens. Par ordonnance du 16 août 2018, le tribunal d’instance de Thionville avait ordonné ce partage. L’autre indivisaire avait alors formé un pourvoi immédiat contre cette décision. La Cour d’appel de Metz, saisie de ce pourvoi, avait par arrêt du 23 janvier 2020 sursis à statuer et invité les parties à faire trancher devant le tribunal judiciaire compétent la contestation relative à la propriété des véhicules. Cette question préalable fut définitivement résolue par un arrêt du 26 juillet 2022 constatant l’existence de l’indivision mobilière. L’instance fut ensuite reprise devant la cour d’appel.
Le demandeur au pourvoi immédiat contestait le bien-fondé de l’ordonnance ayant ouvert la procédure de partage judiciaire, invoquant l’inexistence de la masse à partager.
La question posée à la cour d’appel était de déterminer si la demande de partage judiciaire était fondée dès lors qu’une décision définitive avait reconnu l’existence de l’indivision.
La Cour d’appel de Metz confirme l’ordonnance du 16 août 2018 en toutes ses dispositions. Elle retient que « par arrêt, devenu définitif, qui est intervenu le 26 juillet 2022, la cour d’appel de Metz a constaté l’existence d’une situation d’indivision mobilière » et en déduit que « la demande de partage judiciaire introduite est donc bien fondée ».
Cet arrêt conduit à examiner les conditions d’ouverture du partage judiciaire en droit local (I) avant d’apprécier l’office du juge dans la vérification du bien-fondé de la demande (II).
I. Les conditions d’ouverture du partage judiciaire en droit local
L’arrêt illustre l’articulation entre le principe général du droit au partage (A) et les exigences procédurales spécifiques au droit local alsacien-mosellan (B).
A. Le principe cardinal du droit au partage
La cour fonde sa décision sur l’article 815 du Code civil, rappelant que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ». Ce texte consacre un droit discrétionnaire au profit de chaque indivisaire. L’indivision ne saurait constituer un état permanent du patrimoine. Chaque co-indivisaire dispose d’une faculté unilatérale de provoquer le partage sans avoir à justifier de motifs particuliers.
Le législateur a entendu préserver la liberté patrimoniale des propriétaires indivis. Cette prérogative ne peut être paralysée que par deux mécanismes limitativement énumérés : le sursis judiciaire ou la convention entre indivisaires. En l’absence de tels obstacles, le juge saisi d’une demande de partage ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation de l’opportunité. Son office se limite à vérifier les conditions légales de la demande.
La cour applique ce principe avec rigueur. Dès lors que l’existence de l’indivision est établie, le partage doit être ordonné. La longueur de la procédure, qui s’est étendue sur sept années, n’a pas affecté ce droit imprescriptible.
B. Les exigences formelles du droit local
L’arrêt vise expressément « les articles 220 et suivants de la loi du 1er juin 1924 », texte fondateur du maintien du droit local en Alsace-Moselle. Ces dispositions instaurent une procédure de partage judiciaire distincte du droit commun. La cour précise que « la demande devant indiquer clairement les parties intéressées et la masse à partager ». Ces exigences formelles conditionnent la recevabilité de la demande.
Le droit local prévoit un mécanisme procédural particulier : le pourvoi immédiat. Ce recours spécifique, qui n’existe pas en droit commun, permet de contester immédiatement la décision d’ouverture du partage. L’exercice de cette voie de recours a conduit au maintien de l’ordonnance initiale puis au renvoi devant la cour d’appel. La persistance de ce régime dérogatoire témoigne de la vitalité du particularisme juridique alsacien-mosellan en matière de partage.
L’application cumulative du Code civil et de la loi de 1924 caractérise le traitement du partage judiciaire en Alsace-Moselle. Cette dualité normative n’engendre pas de contradiction. Les règles locales précisent les modalités procédurales sans remettre en cause le principe substantiel posé par l’article 815.
II. L’office du juge dans la vérification du bien-fondé de la demande
La cour définit précisément l’étendue du contrôle juridictionnel (A) et tire les conséquences de l’autorité de chose jugée attachée à la décision préalable (B).
A. L’étendue du contrôle juridictionnel
L’arrêt délimite avec précision l’office du juge du partage. La cour énonce que « dans le cadre de l’ouverture de la procédure de partage judiciaire, l’office du juge consiste notamment à vérifier le bien-fondé de la demande, en particulier l’existence d’une situation d’indivision justifiant la demande de partage ». Cette formulation circonscrit le champ de l’examen judiciaire.
Le juge doit s’assurer de trois éléments : la réalité de la situation d’indivision, la qualité d’indivisaire du demandeur et l’identification de la masse à partager. Son contrôle porte sur les conditions objectives du partage. Il ne lui appartient pas d’apprécier l’opportunité de la demande ni de rechercher si le partage serait conforme à l’intérêt des parties.
La cour ajoute que le juge doit également « prononcer l’ouverture de ce dernier et désigner le notaire chargé des opérations ». Ces attributions techniques parachèvent la phase d’ouverture. La désignation du notaire liquidateur amorce la phase des opérations proprement dites. Cette organisation en deux temps structure la procédure de partage judiciaire.
B. L’autorité de chose jugée de la décision préalable
L’arrêt accorde une importance déterminante à la décision du 26 juillet 2022. La cour relève que « par arrêt, devenu définitif », l’existence de l’indivision mobilière a été constatée. Le caractère définitif de cette décision emporte des conséquences majeures. L’autorité de chose jugée interdit toute remise en cause de la qualité d’indivisaires et de la composition de la masse.
La contestation soulevée par le demandeur au pourvoi immédiat portait précisément sur ces questions. Le sursis à statuer prononcé en 2020 avait pour objet de permettre leur résolution préalable. Une fois cette décision devenue définitive, le bien-fondé de la demande de partage ne pouvait plus être contesté sur ce terrain.
La cour tire les conséquences logiques de cette situation. Elle constate que « la demande de partage judiciaire introduite est donc bien fondée ». Le raisonnement procède par déduction. L’existence de l’indivision étant établie par une décision revêtue de l’autorité de chose jugée, le droit au partage en découle nécessairement. La confirmation de l’ordonnance initiale s’impose. Le demandeur au pourvoi, partie perdante, supporte les dépens conformément au principe posé par l’article 696 du code de procédure civile.